Hommage au président Charles Hélou ,“chantre de la francophonie”

photoS’il est un personnage de haut rang et hors du commun, dont on regrette vivement qu’il ne fut plus de ce monde pour être aux côtés des présidents Lahoud et Chirac à ce IXème sommet de la francophonie, c’est feu l’ancien chef d’Etat le président Charles Hélou.
Il fut l’un des “pères” de la francophonie, “son chantre”, son plus ardent défenseur à travers les présidences qu’il y a assumées, par ses écrits, sa pensée humaniste universelle et un engagement continu envers les plus hautes valeurs: la liberté, la démocratie et le dialogue.
Peut-on ne pas lui rendre un vibrant hommage à l’occasion de la tenue de ces assises à Beyrouth, évoquer sa mémoire et son œuvre, d’autant plus que son message demeure de brûlante actualité?
Il suffit pour s’en rendre compte, de citer ce paragraphe d’un discours prononcé, le 5 mars 1985 à Paris, lors de la tenue de la première réunion du Haut Conseil de la francophonie: “Dans une francophonie ouverte et “plurielle”, l’exemple de mon pays est l’exemple d’un permanent dialogue des cultures. C’est ainsi que le Liban est fier de son importante contribution à la renaissance de la langue arabe et soucieux de tenir dignement son rôle dans la francophonie. A travers toutes les vicissitudes, il a fait cohabiter et fraterniser la culture arabe et la culture française, en enrichissant l’une par l’autre et en affirmant sa propre vocation de terre de rencontre...” (Texte tiré de “Liban remords du monde”, de Charles Hélou).
N’est-ce pas le thème du sommet de Beyrouth?

Le président Hélou s’est éteint le matin du dimanche 7 janvier 2001, à l’âge de 87 ans, suite à un arrêt cardiaque. Il a choisi, dirait-on, de partir, à l’heure où le Vatican clôturait le grand jubilé du Millénaire. En lui, le Liban perdait un être d’exception aux grandes qualités d’esprit et de cœur. “Sa mémoire vivra éternellement, comme les Cèdres du Liban”, avait écrit le chef de l’Etat, le général Emile Lahoud sur le registre familial des condoléances. Tous les hommages qui lui ont été rendus, ont témoigné de la place qu’il occupait au sein de la nation et bien au-delà, ainsi que de la force de son message. Sa vie fut intensément remplie.
Très jeune, il se lance dans le journalisme, dont il devient, rapidement, une figure de proue, maniant merveilleusement le verbe. Mais il ne tarde pas à être sollicité par la vie diplomatique; puis, politique.
En 1946, à l’âge de 33 ans, il est nommé premier représentant du Liban près le Saint-Siège à titre de ministre plénipotentiaire. Ce fut sa première mission diplomatique. D’ailleurs, l’art de la diplomatie sera l’une des caractéristiques de ce grand homme d’Etat.
Nommé plusieurs fois ministre, il sera, aussi, député de Beyrouth aux législatives de 1951.

ATTACHEMENT AUX VALEURS SUPRÊMES
Le 17 août 1964, il est élu à la magistrature suprême et sera ainsi le quatrième président du Liban indépendant jusqu’en 1970. Son mandat sera marqué par différentes crises dues à la conjoncture interne et, surtout, aux bouleversements régionaux. Il tentera de les surmonter avec un sens démocratique réel, un profond attachement au dialogue et à la liberté qui le caractérisaient.
Si comme tout homme d’Etat, Charles Hélou pouvait avoir des amis, des partisans et des adversaires, par contre, sa grande culture, ses écrits, son humanisme, sa foi profonde, son attachement aux valeurs suprêmes, son rôle ininterrompu en faveur de la francophonie, son action sociale, dont la création des “Restaurants du Cœur”, faisaient l’unanimité autour de sa personne hors du commun, non seulement au Liban, mais au sein du monde arabe et à l’échelle internationale.
Il a porté haut et loin le nom du Liban, par les amitiés profondes qu’il a tissées au fil des ans. Fin lettré doublé d’une mémoire prodigieuse, il avait un don indéniable de la parole, avec cette éloquence du mot, la profondeur et la précision de la pensée et toujours une fine pointe d’humour. L’écouter, était un réel plaisir.

CHANTRE DE LA FRANCOPHONIE
Charles Hélou est connu à l’échelle internationale, comme l’un des “pères” et “chantre” de la francophonie à qui il a donné sa véritable dimension.
Dès 1970, il est sollicité par “l’Association des parlementaires de langue française” (AIPLF) pour en être membre d’honneur aux côtés d’André Malraux.
En 1972, il est élu à l’unanimité à la tête de cette Association et son mandat fut renouvelé six fois. Il est nommé, par la suite, président d’honneur, à vie de l’AIPLF.
De 1983 à 1985, il préside, l’“Agence de Coopération Culturelle et Technique” (ACCT) qui groupe quarante Etats dont six pays arabes et deux concours universels portent son nom.
En 1985, il est nommé membre du Haut Conseil de la francophonie créé par le président François Mitterrand et qui groupe près de vingt-cinq personnalités de tout le monde francophone.

AFFIRMER LA PRÉSENCE CULTURELLE DU LIBAN
Ces fonctions, notamment à la tête de l’Association des parlementaires, lui ont permis de parcourir un ensemble très divers de pays francophones. Les assemblées générales et réunions qu’il y tenait, les discours qu’il prononçait ont contribué à affirmer avec art et persévérance la présence culturelle du Liban sur tous les continents et à citer sans cesse en exemple “son ouverture au dialogue des cultures”.
Du haut de cette tribune internationale qu’est la francophonie, Charles Hélou n’a cessé de lancer des appels en faveur du Liban meurtri.
Le 12 décembre 1983, suite à son élection à la tête de l’ACCT, il clame: “Ma voix n’est pas ma voix. Elle est la voix du Liban envahi, ravagé mais dont les hommes et les femmes restent debout et vous adressent, du milieu de leurs ruines, un salut fraternel. Leur message est celui-là même que vous pouviez attendre d’eux. Il est l’affirmation de leur foi dans la liberté, la liberté qui est au cœur de la francophonie, la liberté qui est dans leur propre cœur, la liberté à laquelle le Liban a lié depuis toujours son propre sort”. (Texte extrait du livre-carnet de Charles Hélou: “Liban remords du monde”).
Au premier sommet francophone qui s’est tenu à Paris en février 1986, Hélou termine une allocution remarquable en ces mots: “Le Liban qui est aujourd’hui le champ des plus cruelles batailles est, en réalité, la clef de la paix culturelle, de la paix religieuse, de la seule paix possible au Proche-Orient”.
Dans chaque discours et écrit, il a su définir le véritable sens, le message et la portée universelle de la francophonie. Dans chaque pays visité, il savait trouver les mots pour relever sa place et son rôle au sein du monde francophone. A Dakar, en janvier 1973, aux côtés de cet autre “père” de la francophonie qu’était feu le président Senghor, il affirmait: “Notre foi commune est une foi en l’homme, la plus difficile de toutes, parce que chargée des devoirs les plus impérieux (...) c’est parce que nous croyons, dans notre “négritude, notre arabité, notre francité”, que nous sommes cette communauté fraternelle chargée d’un message universel”.
Puisse le message de Charles Hélou porter ses fruits et que le pays des Cèdres demeure “terre de liberté et du dialogue des cultures”.

Nelly HÉLOU
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3867 - Du 19 Au 26 Octobre 2002
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