Après la vague d’attentats-suicide
en Arabie saoudite, au Maroc et en Turquie
Guerre totale au terrorisme international
Jean DIAB

Pour faire face au “déluge” d’attentats, le monde se mobilise. La guerre au terrorisme est déclarée; elle est qualifiée par des analystes militaires de “Quatrième Guerre mondiale”, la troisième: la “Guerre froide” ayant vécu, avec la chute du mur de Berlin et le démembrement de l’Union soviétique. Une nouvelle mobilisation est lancée pour un nouveau combat à l’échelle planétaire, surtout que les terroristes ne démordent pas et sont loin de baisser les bras: ils appellent même à la “mondialisation du jihad” et al-Qaëda a menacé Américains et Israéliens de “frappes stupéfiantes”. En raison de risques d’attaques terroristes imminentes contre le territoire américain, l’“alerte orange” a été décrétée sur le sol US, tandis que les ambassades américaines et britanniques ont été fermées en Arabie saoudite où les services de sécurité ont annoncé l’arrestation à Djedda de trois membres du réseau al-Qaëda et le renforcement des mesures de sécurité.

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Le Maroc touché de plein fouet par les attentats terroristes. Ici la principale cible, l’hôtel Safir de Casablanca très endommagé.

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Les destructions au cercle de l’Alliance israélite à Casablanca.

LE MAROC CIBLE DES TERRORISTES
A quelques jours d’intervalle ou parfois simultanément, la série d’attentats-suicide a secoué le monde semant la terreur et la mort dans plusieurs pays. Après les attaques de Riyad (dont nous nous sommes faits l’écho dans cette rubrique, la semaine dernière), c’est le Maroc qui a été frappé de plein fouet, en fin de semaine, par cinq attaques-suicide simultanées à Casablanca faisant 41 morts et une centaine de blessés. Les cibles visées, à la bombe et à la voiture piégée, dans le centre-ville de la capitale administrative: des institutions juives et des établissements publics fréquentés par des étrangers. Toutefois, la majorité des victimes est de nationalité marocaine selon les sources officielles. Les premiers éléments de l’enquête indiquent que certains kamikazes marocains étaient revenus récemment de l’étranger et étaient liés à un groupe islamiste marocain interdit se faisant appeler “Assirat al-Moustaqim” (Le Droit chemin) et serait rattaché à la mouvance salafiste. Mais le ministre marocain des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, a annoncé, à partir de Londres, qu’une “main étrangère” appartenant au “terrorisme international” est bien à l’origine des sanglants attentats-suicide perpétrés à Casablanca, quatre jours seulement après les attaques très similaires de Riyad, en Arabie saoudite.

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A Ankara, le café Crocodile a été pris pour cible par une femme membre d’un groupuscule d’extrême-gauche.

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Pour endiguer la vague d’insécurité à Bagdad, des patrouilles américaines ont été autorisées à faire usage de leurs armes, les pillards pouvant être désormais détenus et jugés.

Ainsi, deux voitures piégées avaient explosé vendredi soir à Casablanca dans les rues du centre-ville, devant l’hôtel Farah (plus connu de son ancien nom, hôtel Safir) et devant le Cercle de l’alliance israélite. Au même moment, un autre attentat a eu lieu près du consulat de Belgique situé en face d’un restaurant italien. Presque simultanément, des bombes avaient explosé dans le restaurant la “Casa Espana” (Maison d’Espagne), un cercle hispanique où ont péri près d’une vingtaine de personnes et non loin d’un ancien cimetière juif proche de l’ancienne Médina. Outre les treize kamikazes tués, trois Français ont aussi trouvé la mort et un quatrième a été blessé, trois Espagnols ont été tués et quatre blessés et un ressortissant italien a également été tué, selon des sources diplomatiques. Allié traditionnel des Etats-Unis dans le monde arabe, le Maroc avait été cité, en février dernier, par le chef du réseau al-Qaëda, Oussama Ben Laden, parmi les pays arabes “apostats” dans une cassette sonore largement distribuée. Rappelons qu’en mai 2002, des membres d’une “cellule dormante” d’al-Qaëda, dirigée par trois Saoudiens avaient été arrêtés par la police marocaine, soupçonnés d’avoir préparé des attentats dans le pays et contre des navires de l’Otan dans le détroit de Gibraltar. A l’ONU, Kofi Annan, après avoir condamné de manière la plus absolue les attentats de Casablanca, a lancé un appel pour une campagne accrue contre le terrorisme international. “Ces actes meurtriers montrent une fois de plus que le terrorisme international ne respecte ni les frontières ni les pays” a déclaré, pour sa part, le président Bush, après avoir offert l’aide des Etats-Unis “pour arrêter et conduire devant la justice les responsables”.

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En Irak, 10.000 policiers sont de retour au travail et prêtent main forte aux soldats américains.

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Une patrouille américaine dans les rues de Bagdad à la recherche de pillards.

ATTENTAT ISOLÉ EN TURQUIE
Autre acte de terrorisme, mais isolé cette fois: l’explosion d’une bombe dans un café en plein cœur d’une artère commerciale du centre d’Ankara, a tué une femme et blessé une personne. Il se précise que la femme aurait été tuée en manipulant l’explosif dans les toilettes de l’établissement; elle était membre d’un groupuscule clandestin d’extrême-gauche: le Front-Parti de libération du peuple révolutionnaire (DHKP-C, interdit) responsable de nombreux assassinats politiques dans les années 90 en Turquie, dont des anciens ministres et des généraux en retraite. La violente déflagration a provoqué des dégâts considérables dans le café fréquenté surtout par des étudiants et dont le copropriétaire a indiqué à la presse n’avoir reçu aucune menace. D’ailleurs, plusieurs attentats du même type ont récemment visé des restaurants à Istanbul, la principale métropole du pays, sans faire de victimes. Accusé par les autorités d’orchestrer une grève de la faim de prisonniers et de leurs proches en Turquie, le DHKP-C cherche à dénoncer un régime d’isolement carcéral. Le mouvement qui se poursuit depuis de longs mois dans une indifférence quasi totale, a déjà fait soixante-six morts. Le timing de cet attentat survenu juste après ceux perpétrés dans plusieurs autres pays, a fait penser, sur le coup, à une coordination avec le terrorisme international.

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POUR UN GOUVERNEMENT NATIONAL IRAKIEN
En Irak, enfin, où les Américains ont de plus en plus de peine à rétablir la loi et l’ordre, pour la première fois depuis plus de trois décennies, des milliers de musulmans chiites ont célébré à Bagdad l’anniversaire de la naissance du Prophète Mahomet, tout en critiquant avec véhémence la gestion du pays par les forces d’occupation. Tentant toujours d’endiguer l’insécurité dans les grandes villes et plus particulièrement à Bagdad, l’Administration américaine a autorisé des patrouilles de l’armée américaine à faire usage de leurs armes, les pillards pouvant, désormais, être détenus et jugés. Actuellement, quelque 10.000 policiers sont de retour au travail, ce qui représente 50% des forces de police, selon un responsable de la coalition américano-britannique, mais ne disposent que de cinquante véhicules avec seuls deux commissariats fonctionnels, les autres ayant été détruits ou pillés. Dans le domaine institutionnel, le plus haut responsable civil britannique, John Sawers, a affirmé que les forces de la coalition américano-britannique remettraient le pouvoir uniquement à un gouvernement irakien issu d’élections générales, soit dans un délai de un à deux ans. Il a souhaité que l’Administration intérimaire qui rédigera la nouvelle Constitution irakienne, puisse être formée après la réunion du congrès national prévue pour fin juin début juillet. Enfin, un plus grand rôle de l’ONU dans la formation d’un gouvernement à Bagdad a été réclamé par les Etats-Unis dans leur nouveau projet de résolution sur l’Irak qu’ils ont présenté à New York.

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3898 - Du 24 Au 31 Mai 2003
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