Le temps est au beau
fixe. Le soleil commence à peine à disparaître pour
aller éclairer d’autres horizons. L’ambiance est chaleureuse.

“Princesse”, une sculpture de Carlos Mata proposée
par
la galerie Vivendi. |
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Gravure au carborundum, de James Coignard.
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Tout le monde ou presque participe à cet événement
le sourire aux lèvres. Dans les galeries, les propriétaires
libanais comme étrangers s’agitent avec conviction…
Sauf, peut-être, les visiteurs qui flânent et qui ont hélas
appris depuis un certain temps à ne plus rêver!
Jusqu’à il y a peu, le Liban avait encore, à l’étranger,
la réputation d’être un pays de cocagne où nombre
de personnes s’intéressaient à l’art d’aujourd’hui,
où nombre d’œuvres trouvaient preneurs. Subrepticement,
d’abord, puis, de manière spectaculaire, tout a changé!
Avant que les galeries s’en aperçoivent, le marché
de l’art s’est effondré.
Hier encore, les amateurs d’art se pressaient pour acquérir,
pendant qu’il était encore temps, des tableaux dont la valeur
marchande ne pouvait, disait-on, que monter. L’envahissement du
monde de l’art par la spéculation et la transformation du
tableau en simple objet financier n’existent presque plus chez nous.
Cela est dû, comme chacun le sait, à la crise économique
qui paralyse tous les secteurs et très rares sont les amateurs
d’art qui se jettent encore comme
un vol de gerfauts ou mieux encore comme un nuage de sauterelles, sur
ce marché de l’art. Mais chapeau aux organisateurs de cette
méga-manifestation qui, sachant qu’ils auraient à
faire face à beaucoup de difficultés, n’ont pas ménagé
leurs efforts et ont relevé le défi pour grouper dans un
large espace, vingt-deux galeries. Certaines présentent les œuvres
d’artistes connus et d’autres ont accroché sur leur
cimaise des toiles de qualité inégale.

Sculpture sur bois, de Salwa Raouda Schoucair (1963). |
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“Sans Titre”. Technique mixte, de Jean-Marc Nahas.
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UNE DES MANIFESTATIONS LES PLUS COURUES
Créé en 1998, ARTSUD trouve ses racines partout sur le globe
où les rencontres artistiques sont possibles.
Aujourd’hui, ARTSUD est devenu une série de sept salons qui
se tient chaque année, à Moscou, Paris, Dubaï, Casablanca,
Riyad, Beyrouth et Monaco. Il permet d’apprécier les œuvres
proposées dans les stands- galeries, où divers courants
artistiques sont proposés, la figuration libre, lyrique, comme
l’art cinétique, la photo, la vidéo, l’abstraction
astrale, les sculptures ou les estampes…
Parmi les temps forts de cette exposition, les œuvres de Rémusat
présentées par l’éditeur Laurier Dubé.
Avec un immense intérêt, on a pu voir dans cet espace les
travaux extraordinaires d’un artiste qui n’est plus à
présenter. Egalement sur ces mêmes cimaises, les gravures
de James Coignard présentées par Europe Art. Coignard un
artiste qui, tel un géologue, donne à admirer les alluvions
du temps. Des espaces où l’on voit des silhouettes naïves,
des astres sombres ou rougeoyants, des croix, des flèches, des
chiffres et des lettres qui se délitent, se transforment et se
substituent les unes aux autres. Superposant les couleurs, sans abolir
les premières couches qui réussissent à jouer les
transparences, les sourdes résonances acquièrent ainsi une
insidieuse séduction.
A la galerie Tanit, les photographies de Hashem el Madani, dont le travail
constitue un document inestimable sur la vie quotidienne à Saïda
et son développement à travers le temps.
INVITATION À LA CONTEMPLATION
Yvonne Lee Schultz, à l’aide d’un appareil digital,
livre des paysages ondulants, faisant ce qu’ont toujours révélé
les peintres et les photographes: l’inépuisable richesse
du visible, en le faisant passer d’un statut d’invisibilité
virtuelle, à celui de la matérialisation incontournable.
A la Kulturgalerie, nous avons apprécié les toiles de Lotti
Adaïmi qui donne à partager son monde intérieur. Des
œuvres riches en détails naissent du jeu, avec des formes
et les couleurs et invitent à la contemplation. Des labyrinthes,
des espaces fermés avec un centre ouvert, par collages, elle élabore
des mosaïques, des sanctuaires qui sont des sortes de mandalas. Anne
Friedrerichsen porte son regard vers la nature. Le manque de lignes horizontales,
n’empêche pas de distinguer entre le ciel et la mer qui se
rencontrent dans un bleu profond, couleur de l’éternité.
Les galeries d’art Epreuve d’artiste et Agial présentent
une exposition thématique, retraçant l’évolution
de l’art géométrique au Liban, avec une sculpture
de Salwa Raouda Schoucair réalisée en 1947, en passant par
les huiles de Saliba Douaihy jusqu’à nos jours, avec le travail
de Nagi Zahar qui s’inspire de l’op’art se concentrant
sur les effets de l’imagerie visuelle sur l’œil. Cette
tendance bénéficie des développements dans le domaine
de l’informatique du logiciel et de l’imagerie générée
par l’ordinateur.
SCULPTURES D’EXCELLENTE FACTURE
La galerie Vivendi présente, entre autres œuvres, les splendides
sculptures de Carlos Mata, dont les pièces ont été
acquises par d’importants collectionneurs, un peu partout dans le
monde. Un autre sculpteur attire, aussi, le regard: Keyzer qui, avec un
style très particulier et un humour féroce, campe des personnages,
des femmes méritant qu’on s’y arrête! Temps d’arrêt,
aussi, devant l’espace réservé au sculpteur Michel
Audiard qui crée des statues, des bijoux-stylos à plume,
des accessoires et d’autres objets quotidiens en bronze, argent,
or et acier. Ici, on peut tout à loisir admirer les stylos haut
de gamme en or massif de 18 carats, météorites et perles
de culture de Tahiti, provenant des atolls privés de Robert Wan:
des pièces uniques, dont les corps se déclinent en bois
d’ébène, en bois de palmier ou sont réalisés
dans un ivoire de mammouth datant de 12.000 ans, provenant des sous-sols
glacés sibériens.
L’espace Jean Dolande offre aux visiteurs les travaux de l’artiste
éponyme. Des associations de couleurs inouïes et des toiles
nourries autant de couleur que d’émotion.
Nous ne pouvons hélas! citer ici tous les artistes présents…
Mais force est de constater que, si certaines galeries se détachent
nettement du lot par la présentation d’artistes de grands
talents, d’autres ont donné dans la facilité, la médiocrité
en accrochant des huiles non dignes d’intérêt, leur
présence faisant fausses notes. Il fallait, peut-être, que
les organisateurs qui ont réussi à réaliser dans
une conjoncture aussi difficile, le pari de réunir quelque vingt-deux
galeries, exigent de ces dernières d’être plus sévères
dans leur choix ou d’intervenir, carrément, pour empêcher
l’accrochage de ces “croûtes” qui choquent le
regard! |