Première étape: la France
Visite pastorale et politique du patriarche Sfeir en Europe

Entamant une tournée européenne de plus d’un mois, qui le mènera en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Suède, S.B. Mgr Nasrallah Boutros Sfeir, patriarche maronite, a consacré sa première visite politico-pastorale à la France où la diaspora libanaise, notamment maronite, est très importante. Il a rencontré, notamment, le chef de l’Etat français, M. Jacques Chirac, avec qui il s’est entretenu du Liban, de la présence syrienne dans notre pays et de l’avenir des chrétiens au Proche-Orient.

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Le patriarche a été salué à l’AIB par le ministre des Déplacés M. Abdallah Farhat, représentant le président de la République, le général Emile Lahoud; l’ambassadeur de France, M. Philippe Lecourtier; l’archevêque Boulos Matar; les présidents de la Ligue maronite et du Conseil central maronite MM. Harès Chéhab et Raymond Raphaël. Répondant à la question d’un journaliste, le cardinal-patriarche a déclaré: “Les relations libano-syriennes doivent être celles d’un bon voisinage. Chaque Etat a le droit d’être indépendant, souverain et libre de prendre les décisions qu’il souhaite”, a-t-il dit, n’écartant cependant pas “les relations fraternelles et la coordination” entre les deux pays.
Mgr Sfeir était arrivé à 17h30 (heure française) à l’aéroport Le Bourget à bord de l’avion privé mis à sa disposition par M. Issam Farès, vice-président du Conseil. A sa descente d’avion, il a été accueilli par le responsable des affaires religieuses et le directeur du protocole au Quai d’Orsay; Mme Sylvie Fadlallah, ambassadeur du Liban à Paris; le consul Habib Chmaytelli et Mgr Saïd Saïd, vicaire patriarcal dans la Ville-Lumière et nombre de religieux.

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Le cardinal-patriarche recevant la médaille de Normandie.

LE PATRIARCHE À L’ÉLYSÉE
La France serait-elle restée la “fille aînée de l’Eglise”? En tout cas, il semble que le chef de l’Etat français a tenu à souligner les rapports privilégiés et historiques que la France a toujours entretenus avec l’Eglise et la communauté maronites, en réservant au patriarche Sfeir un accueil des plus chaleureux et grandioses.
Si aux termes des pourparlers entre les deux hommes, un porte-parole du président Chirac a rapporté ses propos à Sfeir: “Vous êtes un patriote et un sage”, le patriarche maronite a, pour sa part, conclu que “la France est toujours aux côtés du Liban”.
Un tête-à-tête de 45 minutes avait, en effet, réuni les deux grands hommes, suivi d’un déjeuner offert par le président Chirac en l’honneur de son éminent hôte. De même, ultime marque d’estime et d’appréciation, le chef de l’Etat français a remis au patriarche Sfeir la Grand-Croix nationale du Mérite (il est déjà détenteur de la Grand-Croix de la Légion d’honneur), une distinction extrêmement rare dont les détenteurs restent très peu nombreux. Le président Chirac qui a affirmé être “l’un d’eux”, a enchaîné à l’adresse de Sa Béatitude: “Au lieu de vous décerner un nouveau cordon, je vais vous passer celui que je porte moi-même”, a-t-il dit, enlevant aussitôt l’insigne qu’il portait et l’épinglant sur la poitrine du patriarche maronite sous les applaudissements des personnalités présentes. Assistaient à la réunion et aux entretiens, côté libanais; Mgr Samir Mazloum, visiteur patriarcal maronite pour l’Europe; Mgr Saïd Saïd, vicaire patriarcal en France; le R.P. Khalil Alwan, secrétaire général de l’Assemblée des patriarches et des archevêques catholiques au Liban; les RR.PP. Antoine Jabre et Charles Saad; ainsi que MM. Ibrahim Daher, président du conseil d’administration de la “Maison du Liban”. Côté français, étaient présents: les conseillers diplomatiques et aux affaires du Moyen-Orient du président Chirac, le directeur du département Afrique du Nord-Moyen-Orient au Quai d’Orsay, Bernard Aimé; et Catherine Colonna, porte-parole de l’Elysée. Evoquant la crise économique et l’émigration massive des Libanais, le patriarche s’est entretenu avec M. Chirac de la situation des Libanais en France et des conditions de leur séjour.
Si des milieux proches de la délégation libanaise à Paris ont estimé que la visite officielle du prélat maronite en France devrait avoir pour effet de resserrer les liens séculaires entre la France et le Liban, notamment les maronites et réaffirmer l’engagement de Paris à faire de son mieux pour aider le Liban à recouvrer son indépendance et sa souveraineté, Mme Colonna a nié que la visite officielle du patriarche Sfeir soit directement en rapport avec ses prises de position en faveur de l’indépendance et de la souveraineté du Liban. Soutenant tout de même que les positions du chef de l’Eglise maronite sur ces sujets, sont constantes. La porte-parole de l’Elysée a encore déclaré que le président français et son hôte libanais ont passé en revue la situation libanaise, internationale et régionale, surtout en Syrie, en Irak et en Jordanie et ses répercussions éventuelles sur le Liban. Sans oublier les relations israélo-palestiniennes. Le président Chirac a voulu connaître le sentiment du patriarche sur la situation des chrétiens du Liban, en général, un pays qui est cher au cœur de la France.
Et d’insister encore pour connaître la situation de l’Etat de droit au Liban auquel la France accorde depuis toujours une attention particulière. Confirmant, indirectement, à sa sortie, les dires de Mme Colonna, selon lesquels les entretiens entre les deux hommes n’auraient pas porté sur les échéances constitutionnelles au Liban, le patriarche a répondu aux journalistes: “Ces questions ne concernent que les seuls Libanais”. Par ailleurs, Mme Colonna a affirmé: “Paris juge normal que les dates des échéances soient respectées” estimant, d’autre part, qu’“il est probable que les deux hommes aient abordé la question de la présence militaire syrienne au Liban”.

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Le patriarche Sfeir lors de l’office divin.

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Six mille fidèles ont assisté à la messe de Lisieux.

LES VISITEURS DU PATRIARCHE
Le chef de l’Eglise maronite a reçu à l’hôtel “Le Raphaël” où il réside, la visite de nombreux Libanais vivant en France, notamment une délégation des “Forces Libanaises” ayant à sa tête M. Elie Baraghid; MM. Nassif Hitti, ambassadeur de la Ligue arabe à Paris et Elie Kareh, avec qui il s’est longuement entretenu avant de prendre le soir même le chemin de Lisieux où il devait présider, dimanche, la messe solennelle et poser la première pierre d’un nouveau sanctuaire, à l’occasion du premier anniversaire de la visite au Liban du reliquaire de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.

LE CHEF DE L’ÉGLISE MARONITE À LISIEUX
Trois jours de profonde spiritualité à Lisieux. Des “Journées libanaises” inoubliables pour beaucoup, rappelant la ferveur soulevée par la visite du reliquaire de Sainte Thérèse au Liban, l’an dernier.
En effet, après un entretien politique avec le chef de l’Etat français, le premier jour et un autre prévu dès son retour de Lisieux à Paris, le prélat maronite s’est accordé un intermède religieux dans cette ville où il a célébré la messe, en sa basilique, en présence de deux mille Libanais et de milliers de Français; écoutant aussi les nombreux Libanais de France venus lui conter leurs difficultés à regagner la mère-patrie. Six mille fidèles étaient venus - certains spécialement du Liban et d’autres de toutes les régions de France - pour assister à la messe patriarcale, au cours de laquelle le patriarche a prié pour la paix dans le monde et au Liban.
On notait aux premiers rangs de l’assistance: M. Didier Cuctiaux, préfet de Normandie; son adjoint, M. Bernard Andrieu; le député Claude Le Tertre; Mme Anne d’Ornano, présidente du Conseil général du Calvados; M. Bernard Aubril, président de la municipalité de Lisieux et Mme Sylvie Fadlallah, ambassadeur du Liban à Paris. Le cardinal Sfeir a fait son entrée entouré de Mgr Pierre Pican, évêque de Bayeux et Lisieux et de son évêque auxiliaire Guy Gaucher, suivi des archevêques Samir Mazloum et Chucrallah Harb; des supérieurs généraux François Eid, Khalil Alwan et de Mgr Saïd Saïd.
La chorale de Louaïzé, dirigée par le R.P. Khalil Rahmé, servait la messe exaltant toute la joie et la beauté de la liturgie maronite.
En guise d’ouverture de la cérémonie, Mgr Bernard Lagoutte, président de la Fondation Sainte Thérèse, qui avait accompagné l’an dernier les reliques de la Sainte, lors de leur périple libanais, a prononcé un mot de bienvenue, laissant au patriarche maronite la célébration de la messe. Evoquant Sainte Thérèse dans son homélie, le cardinal Sfeir a estimé que “le génie de Sainte-Thérèse a été de retrouver la sainte enfance pour parvenir à la maturité de la sainteté en pleine jeunesse”. Au sortir de la messe, le patriarche Sfeir n’a pas manqué d’aller à la rencontre des Libanais amassés autour de la basilique pour les saluer. Il devait les retrouver en fin d’après-midi, brandissant pour la plupart les drapeaux libanais et ceux du Vatican, pour une procession du reliquaire de Sainte Thérèse dans les rues de la ville, entonnant des cantiques et précédés de motards qui leur frayaient le chemin. La procession, en provenance de la basilique de Lisieux, devait prendre fin dans la cathédrale de la même ville au milieu des prières maronites et latines, en présence, toujours, de Mgr Pican qui a déclaré: “La communion du patriarche avec son peuple et son expérience dans le dialogue entre les musulmans et les chrétiens devrait être profitable à la France.
“De lui, a-t-il dit, évoquant notre patriarche, j’ai appris la modestie et la puissance de la liturgie maronite”.

WEEK-END RELIGIEUX
La veille, également, le patriarche dont c’est le premier pèlerinage à Lisieux, a suivi le reliquaire de Sainte Thérèse lors d’une procession à laquelle ont participé dix mille pèlerins venus de tous les pays du globe. Il avait, également, été l’hôte de Mgr Guy Gaucher et célébré une messe au Carmel de Lisieux, avant de poser la première pierre d’un “centre spirituel” portant le nom de Sainte Thérèse; puis, de visiter la maison parentale de celle que Jean-Paul II avait proclamée en 1997 “Docteur de l’Eglise”.
Malgré ce week-end qu’il a voulu, essentiellement, religieux, le patriarche maronite n’a, cependant, pas échappé aux journalistes qui l’ont détourné, pour un temps, du céleste, en l’interrogeant sur la situation au Liban, sur le tollé soulevé par les déclarations du général Aoun aux Etats-Unis et l’ouverture éventuelle de son dossier. “Qu’on ouvre, enfin, ce dossier s’il existe, ou qu’on cesse d’accuser gratuitement cet homme”, a déclaré calmement le patriarche, dénonçant, par ailleurs, l’ingérence syrienne dans les affaires libanaises, “ce qui empêche le Liban de se remettre vraiment”.
De retour de Lisieux, le cardinal-patriarche devait être reçu à l’Assemblée nationale où il s’est entretenu avec le président de la Chambre, Jean-Louis Debré, qui a qualifié sa réunion d’une demi-heure avec le patriarche d’“occasion exceptionnelle”. L’éminent prélat a, pour sa part, exprimé devant son hôte son souhait “de voir promulguer des lois électorales modernes” au Liban. Empêché de rencontrer le patriarche par des engagements urgents de dernière minute, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, s’est excusé par un message exprimant “la détermination de la France à appuyer le Liban et à consolider son unité, sa démocratie et la liberté de son peuple”.

CHEZ SARKOZY PUIS DE VILLEPIN
Par la suite, Mgr Sfeir a été reçu par le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Vingt minutes d’entretien pour un tour d’horizon des événements sur la scène locale et régionale et, notamment, sur les problèmes que connaissent les Libanais nouvellement installés en France pour régulariser leur situation; ce que M. Sarkozy a promis d’arranger “prochainement”, a-t-il dit. Au Palais du Luxembourg, le patriarche a été reçu par le président du Sénat, Christian Poncelet. Après un échange de cadeaux, M. Poncelet a déclaré qu’il s’agit d’une rencontre “amicale et non pas politique” soulignant toutefois que “lorsque le Liban souffre, nous savons qu’il souffre parce qu’une faction présente sur son territoire n’a toujours pas été désarmée et cela ne doit pas durer”.
Au Quai d’Orsay, il est 20 heures quand le patriarche est reçu par le ministre français des A.E., Dominique de Villepin. Au cours du dîner donné par ce drenier en l’honneur du patriarche Sfeir en présence de Mgr Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris; de l’ancien chef de l’Etat Amine Gemayel et des ambassadeurs du Liban à Paris et auprès de l’Unesco, Mmes Sylvie Fadlallah et Samira Daher, De Villepin a rappelé les relations historiques liant la France et le Liban et, notamment, la communauté maronite insistant sur le fait que “la relation entre le Liban et la Syrie doit être bâtie sur le respect total de la souveraineté de l’autre”. Souhaitant, en outre, que les élections présidentielles de 2004 et législatives de 2005 puissent réaffirmer “le respect du Liban des bases constitutionnelles et des valeurs démocratiques”.

À L’AMBASSADE DU LIBAN À PARIS
De son côté, l’ambassadeur du Liban à Paris, Sylvie Fadlallah a donné une grande réception en l’honneur du patriarche, rappelant le rôle joué par les patriarches maronites et les liens tissés par eux avec la France. Elle a indiqué que le patriarcat maronite “est le défenseur d’une patrie commune indépendante et définitive pour tous les Libanais; que le patriarche Sfeir a maintenu la flamme de l’unité libanaise, préché l’entente et appelé à l’union autour de la patrie”...

Voir Aussi:
S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir à “La Revue du Liban”:
“Le président Chirac m’a affirmé que tout ce qui concerne le Liban le concerne personnellement et touche la France en général”
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3917 - Du 4 Au 11 Octobre 2003
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