La Fondation Carzou à Manosque

Manosque: une cascade de tuiles qui rougissent de plaisir sous le soleil. Manosque et ses ruelles piétonnes livrées aux badauds qui passent le nez au vent de Provence. Une musique dans les oreilles, celle du grand Manitas de Platas qui faisait jadis danser Brigitte Bardot de son rythme endiablé de guitare.

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“Hommage à Icare”.

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“Vers le cosmos”.

Mais Manosque c’est, aussi et surtout, la Maison de Giono, chantre de la Provence, la Fondation Carzou et son œuvre “L’Apocalypse” qui s’étend sur 670 m2.
La conjonction de ces deux réalisations ouvre pour la ville un espace culturel très important, digne d’être visité.
Aujourd’hui, on parlera de la Fondation Carzou, puisque tel est le propos de cette rubrique.
Rien ne pouvait aller mieux avec notre temps que de peindre l’Apocalypse avec ses désordres physiques, moraux et intellectuels, signe du dévouement de l’heure ne devant pas conduire à la désespérance, mais à la Jérusalem céleste introduisant la notion d’espérance.
C’est en ce sens, sûrement, que Malraux a dit: “Le XXIème siècle serait spirituel ou ne serait pas”, comprendre dans cette phrase une restauration des valeurs dont le naufrage a apporté un XXème siècle aboutissant à une sorte d’Apocalypse.

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“La vierge auréolée de lumière”.

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“Hitler, Staline et Pol Pot”.

UNE ATMOSPHÈRE INTEMPORELLE,
IRRÉALISTE, SURRÉALISTE ET BAROQUE

Carzou a été classé parmi les dix meilleurs artistes de la génération d’après-guerre.
En 1977, il a été élu à l’Académie des Beaux-Arts, au fauteuil de Jean Bouchaud et a été reçu sous la Coupole en 1979.
Citoyen d’honneur de la ville de Vence, il était Commandeur de l’Ordre National du Mérite, des Arts et Lettres, Officier de la Légion d’honneur.
A Manosque, ses peintures recouvrent les imposants murs d’une église.
Quand on entre dans l’édifice religieux, à gauche, les quatre cavaliers de l’Apocalypse, représentés par quatre avions supersoniques, annoncent les catastrophes futures se déroulant dans le temps et l’espace. Un paysage représentant un champ de fusées atomiques prêtes à être lancées.
Ensuite, on voit les grandes épreuves: les villes mortes, les grands génocides, 1915, le massacre des Arméniens par Talaat Pacha (rappelons, ici, que Carzou, de son vrai nom Carnig Zouloumian, était d’origine arménienne), l’holocauste des Juifs et Hitler, Staline et Pol Pot.
Dans le lointain, on peut voir une évocation de l’hécatombe des Vendéens, l’extermination des Indiens d’Amérique et Attila semant partout la terreur.

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“La prostituée de Babylone”.

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“Le Génocide des Arméniens”.

La figure centrale représente la “Grande Prostituée de Babylone” dominant cette partie de la salle: palais en ruines, vestiges de civilisations disparues, Verdun, etc…
On arrive, ensuite, à l’abside de l’église, couples dans la luxure aux mœurs déchaînées. De tout ce chaos émerge la “Vierge”, femme nue auréolée de lumière, figurant le triomphe de la pureté.
Puis, les amants apparaissent, les instruments aratoires couvrent la terre, remplacent les canons et les armes de destruction. Hommage à Millet: l’Humanité reconstruit le monde.
Une figure centrale “Femme-arbre”, est le symbole de la renaissance de la terre avec ses feuilles, ses fruits et une végétation où la nature s’épanouit. Apparition des oiseaux…
Les hommes entreprennent de grands voyages dans l’espace et partent vers des continents inconnus.
C’est le monde nouveau et la “Jérusalem céleste”. Couple enlacé qui va reconstruire les palais détruits. Les navires attendent pour appareiller vers une Cythère de rêve où tout rejoint “le luxe, le calme et la volupté” chers à Baudelaire.
Enfin, c’est le triomphe de l’Agneau et le Paradis terrestre, Adam et Eve. Mais le Paradis est-il peut-être ailleurs dans le cosmos?
Après toute cette aventure terrestre et maintes épreuves, l’humanité trouve la paix et le bonheur.
Pendant ce cycle de l’aventure humaine, le Ciel est resté toujours bleu, serein et immuable.
Toute cette agitation est d’ordre humain et tout cela n’est peut-être qu’un cauchemar et un mauvais rêve!
“J’ai voulu, écrit Carzou, représenter l’Apocalypse - non l’illustration littérale de celle de Saint Jean- mais le climat de notre époque.
“J’ai pris comme base de travail, mon exposition en 1957 à Paris, intitulée “L’apocalypse”.
“Cette exposition était composée d’une suite de tableaux inspirés des usines atomiques, de la civilisation machiniste, des champs de tir, des fusées, de la disparition des forêts, de la pollution. Enfin, le voyage dans le cosmos, avant le premier vol dans l’espace des astronautes soviétiques”.

Par Nicole MALHAMÉ HARFOUCHE
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