Le premier centenaire de la naissance de Karam Melhem
Karam a été clôturé, vendredi dernier 12 décembre,
par un festival littéraire grandiose au palais de l’Unesco,
en présence de trois mille personnes. Le président Emile
Lahoud a bien voulu placer la séance oratoire sous son patronage
et y a délégué son fils, M. Emile Lahoud, député
du Metn. Les chefs du Législatif et du gouvernement se sont fait
représenter, respectivement, par M. Adnan Aracji, député
et le Dr Karam Karam, ministre d’Etat. On notait, au premier rang
de l’assistance, la présence du président Hussein
Husseini, de Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth,
délégué par S.Em. le cardinal Sfeir (absent au Caire);
Mgr Youhanna Haddad, représentant S.B. Mgr Grégoire III
Laham, patriarche melkite; Mgr Elias Najm, représentant S.B. Mgr
Ignace IV Hazim, patriarche grec-orthodoxe; cheikh Hicham Khalifé,
représentant cheikh Mohamed Rachid Kabbani, mufti de la République;
M. Fakhri Saghié, représentant M. Issam Farès, vice-président
du Conseil; des chefs spirituels et d’hommes de religion de différentes
communautés nationales; du général Ahmed Ali, commandant
des forces syriennes stationnées au Liban, représentant
le général Moustapha Tlass, vice-président du Conseil
et ministre syrien de la Défense; des membres du corps diplomatique,
des représentants des médias libanais et arabes, entre autres:
MM. Mohamed Baalbaki et Melhem Karam, présidents des Ordres de
la Presse et des journalistes; Saber Falhout, président du syndicat
de la Presse syrienne, membre du Conseil du peuple (parlement); les présidents
des Ordres des professions libérales, les chefs de partis, des
personnalités universitaires, politiques, culturelles, etc... Ont
pris la parole, à cette occasion: MM. Henri Zogheib, (en vers),
au nom du comité du centenaire; Yasser Nahlaoui, ancien membre
du Conseil du peuple syrien, qui a donné lecture de l’allocution
de Mme Najah el-Attar, ancien ministre syrien de la Culture; Salaheddine
Hafez, secrétaire général de la Fédération
des journalistes arabes, directeur de la rédaction du journal “Al-Ahram”
qui a lu l’allocution de M. Ibrahim Nafeh, président de la
FJA, rédacteur en chef de ce quotidien cairote; Haïdar Mahmoud,
ancien ministre jordanien de la Culture (en vers); le Dr Mohamed Roumaihy
(Koweït), le poète Mohamed el-Faitoury. Enfin, M. Edmond Rizk,
ancien ministre et député, a prononcé le mot du Liban
et le bâtonnier Issam Karam, celui de la famille Karam.

Au 1er rang de l’assistance, on reconnaît: les présidents
Rachid Solh, Hussein Husseini, sayed Mohamed Hassan el-Amin, M.
Adnan Aracji, Mgr Boulos Matar, M. Emile Lahoud, le Dr Karam Karam,
le président Ali Loutfi et son épouse, M. Melhem Karam,
Mgr Youhanna Haddad, cheikh Hicham Khalifé et M. Mohamed
Baalbaki.
|
Mot
du Dr Najah el-Attar, ancien ministre syrien de la Culture |
Après
l’introduction (en vers) de M. Henri Zogheib, M. Nahlaoui
a donné lecture du mot du Dr Najah el-Attar, dont voici de
larges extraits:
Parmi les noms ayant brillé dans le monde arabe et l’univers,
Karam Melhem Karam, l’écrivain grand par son humanisme
et ses vertus, sa pensée et sa créativité,
par son esprit novateur dans différents domaines de la Presse
et des lettres, se distingue par sa productivité inégalable
sur la plan de l’abondance et de la rapidité de la
composition du roman et de l’article, en politique et en littérature,
aux plans social et des contes.
Karam Melhem Karam retient notre attention, non seulement par son
génie et son exubérance, mais par ses prises de position
et le cours de sa vie: c’est le militant irréductible
à la plume incisive, mû par l’esprit révolutionnaire,
de la résistance et la rébellion contre la tyrannie
de l’occupant. “Il a sculpté l’ouragan
dans l’air”, dit Saïd Akl. L’Histoire rappellera
que “Al-Assifa” était le titre de la franchise,
du courage et de la fierté face au mandat et à “ses
collaborateurs parmi les esclaves”, selon ses termes.
La liberté était sa cause et le premier de ses objectifs:
la libération du Liban et de la Syrie des autorités
étrangères et des gouvernants collaborant avec eux.
Karam Melhem Karam, cet homme à la pensée profonde,
à la vaste culture et à la vision globale, s’est
rallié aux différents arts littéraires. Il
a fondé le roman, le conte, la littérature politique
militante et celle de l’article à un niveau journalistique
avancé. Il a porté le fardeau de revues, en plus de
ses efforts dans la rédaction d’œuvres transcendantes,
parce qu’il a su qu’à travers elles, en premier
lieu, il peut investir les champs de la pensée sociale, politique
par le verbe libre, franc, novateur, en plus de sa foi dans la patrie
et sa libération. Il a repoussé toutes sortes d’agression
contre sa personne et de confessionnalismes tendant à réaliser
la citoyenneté honnête et à propager le sentiment
fraternel qui doit nous unir par la pensée, l’âme
et le sentiment, les religions, les rites, les frontières
géographiques ne devant pas nous séparer. Nous devons
progresser comme un seul peuple, mû par une seule conscience,
parlant une même langue, tout en glorifiant des valeurs communes
et une affiliation unique dans un vaste climat d’éveil.
Je témoigne que j’ai lu, écrits de sa main,
des textes sur le Prophète arabe Mahomet que seul rédige
celui dont la personnalité est imbue des valeurs humaines
et morales. Ses écrits déterminent ses concepts sociaux
et politiques prônant l’union éloignée
du confessionnalisme et lui étant hostile.
Son monde était vaste, distinctif et spécial, empli
de la fidélité à la vérité, aux
valeurs, aux positions courageuses et de la sublimité chevaleresque,
l’attirant à son affiliation nationale, humaine et
patriotique, à l’édification d’une vie
meilleure pour une société pondérée,
évoluée et libre.

M. Melhem Karam accueillant M. Emile Lahoud, député
du Metn, représentant le chef de l’Etat. |
|

M. Ahmed Chéhadé, Mme Noli Awad, MM. Béchara
Kamel, Mounif Moussa, Mansour Eid et Me Issam Karam.
|
***
En nous tenant sur le seuil de l’histoire de Karam Melhem
Karam, nous n’oublions pas qu’il est à juste
titre le pionnier du roman, selon Fouad Ephrem Boustany. Il avait
conscience de sa mission novatrice, réalisant son rôle
dans la lutte en sa faveur et de la victoire qu’il lui a réalisée.
Nous n’oublions pas, non plus, son rôle complétant
tous les efforts déployés dans le monde arabe et au
Liban, ceux dAl-Boustany et d’Al-Yazigi, spécialement,
en vue de raviver la langue arabe, en récupérant les
formes du langage arabe dans tout son éclat.
Nous n’oublions pas, aussi, son apport à la critique,
lui qui a réalisé la profondeur de la crise dans nos
lettres, comme la nécessité de l’évolution
en investissant des mondes que nous n’avions pas encore approchés,
quand il s’est demandé non sans amertume: “Quel
mal avons-nous fait aux lettres pour en être réduites
à cet état?”
Dans son esprit génial, se sont tracés les horizons
du travail transcendant et de tous les procédés de
la créativité qu’il voulait libres, éclairée
par les pensées, les rêves et les imaginations faits
d’innovations et de lumière.
Il possédait l’aspiration à devenir un pionnier
et les moyens du changement lié à la réalité,
aux données de la vie et à ses profondeurs. Il était,
également, attiré par le patrimoine de la patrie.
Aussi, ses œuvres évoquaient-elles la vie de son époque
avec un réalisme pur.
Il ne serait pas légal de recourir aux moyens de la critique
contemporaine pour étudier des romans et des contes qui furent
au début radieux de nos lettres, sans nous référer
à d’autres critères. Nous sommes avec l’histoire
dans le roman de “Sakr Koraïche” et sommes aussi
avec Karam Melhem Karam dans la logique de l’expression talentueuse
aux plans de la pensée, du sentiment, du style et des concepts.
J’ai relu “Sakr Koraïche” avec un grand plaisir,
cet ouvrage m’ayant séduite par son langage impressionnant.
C’est un roman qui abonde d’images on ne peut plus expressives,
rédigé en une langue vivante, enflammée, explosive.
Son auteur a complété par cet ouvrage son rôle
qui a consisté à rehausser la langue. Karam Melhem
Karam peut être unique dans son texte.
***
Pouvons-nous résumer la vie de ce génie en quelques
lignes? Je ne le crois pas. Par son histoire, sa créativité
et son existence, il a écrit la vie avec sa vérité
dans ses romans aux plans de l’Histoire et de la société;
de la politique, des lettres et de la pensée dans ses articles;
du présent et de la réalité dans ses écrits.
Il a retransmis le pouls battant des gens parmi ses concitoyens
et les fils de sa nation, dans leur lutte incessante, leurs sentiments,
leur misère et leur gloire, comme s’il écrivait
l’Histoire sans le faire; il écrit plutôt une
littérature merveilleuse, dictée par un génie
franc, s’inspirant de la réalité, à la
lumière de sa valeur nationale et morale affranchie des instincts
personnels, s’élevant comme un aigle, ce qui lui permet
d’avoir de ses hauteurs une vision globale de la vie.
Il n’a pas vécu longtemps, mais a enrichi la vie littéraire,
politique, de la pensée et de la Presse en novateur, accomplissant
sa mission à travers ses journaux et revues, dans la lutte
sociale et politique, pour être à l’avant-garde
des pionniers de la pensée libératrice et figurer
parmi les hommes de la renaissance, fiers de ce qu’ils ont
offert au cours de leur existence.
Karam Melhem Karam, salut à vous parmi les hommes de lettres
immortalisés par la splendeur de la créativité,
l’éclat de la vision dans la pensée, la conscience
et la noblesse du message qu’ils ont porté et transmis.
Vous nous avez quittés sans partir et vous demeurez parmi
nous avec la magnificence de ce que vous avez offert. Vous resterez
dans notre monde comme “le soleil d’Homère qui
conserve sa grandeur”, tant que se perpétuera le verbe,
symbole d’une vie, d’un message de pérennité
et tant que durera le Liban dans l’orgueil de la créativité
et de sa gloire. |

Henri Zogheib.
|

Yasser Nahlaoui. |

Salaheddine Hafez.
|
Mot
de M. Ibrahim Nafeh,
président de la Fédération des journalistes arabes |
Nous nous réunissons
aujourd’hui pour célébrer le centenaire de naissance
d’un grand homme, considéré comme l’un
des signes éclairant l’Histoire journalistique, littéraire,
politique et culturelle de la Nation arabe, non seulement du Liban:
c’est Karam Melhem Karam. Je ne crois pas qu’il ait
besoin d’être présenté à cette
élite de la Presse, des lettres, de la pensée, de
la culture et des arts qui s’associent avec nous à
cette commémoration.

M. Salaheddine Hafez, secrétaire général
de la FJA, remettant l’écusson de la Fédération
des journalistes arabes à M. Melhem Karam, président
de l’Ordre des journalistes libanais, vice-président
de la FJA et de la Commission permanente des libertés.
|
Au cours de sa vie relativement courte, cet homme nous a laissé
un legs considérable, consistant en chefs-d’œuvre
littéraires, journalistiques et de la pensée, s’adressant
à une large formation de ceux qui s’activent au plan
de la pensée arabe contemporaine. Aussi, n’est-il pas
étrange que se réunissent un si grand nombre de personnalités
arabes œuvrant dans les différents domaines.
En fait, nous ne célébrons pas l’anniversaire
d’une personne qui nous a quittés depuis quarante-cinq
ans, mais nous rendons hommage à une grande valeur culturelle
ayant illuminé le monde arabe au cours d’une époque
de notre Histoire culturelle et journalistique. Nous célébrons
une valeur historique qui ne cesse d’irradier la lumière,
la chaleur et une connaissance qui se perpétue avec le temps,
plus que nous célébrons une personne distinctive pour
maintes raisons.
Nos confrères libanais s’occupent de Karam Melhem Karam,
parce qu’il fut l’un des plus prestigieux représentants
de la Presse et des lettres au Liban, ayant sauvé le roman
et le conte de la banalité, les libérant de la répétition
linguistique, tout en les élevant et en faisant une source
de la sagesse, les transposant vers les horizons de l’épopée
et du drame humain.
En ce qui nous concerne avec tous les intellectuels arabes en dehors
du Liban, le mérite de Karam Melhem Karam sur le roman arabe,
excède un chapitre ou un courant spécial au sein des
vastes horizons des lettres contemporaines arabes.
Son œuvre littéraire s’insère dans le courant
fondamental des lettres arabes, en tant que fleuve gigantesque indépendant
de ses origines nationales, de son expérience locale et même
personnelle. Il se distingue par la solidité, l’authenticité,
la franchise, la transparence et la profondeur.
Les œuvres de Karam Melhem Karam sont un panier de fruits littéraires,
émanant d’une mentalité, d’une expérience
culturelle et historique arabes. En témoignent des œuvres
ayant pour titre: “Sakr Koraïche”, “Damaat
Yazid”, “Afraa”, “Wamohtassamah” et
“Intikam Al-Khaizarane”. Ces œuvres tranchent l’affiliation
arabe du Liban, faisant de l’expérience romancière
et culturelle libanaise, l’une des principales sources du
renouveau culturel arabe, spécialement dans les domaines
des lettres et de la Presse.
En cela, c’est un témoignage contre toutes les formes
de la falsification, laissant imaginer que le Liban se serait détaché
de son arabité politique, comme s’il s’agissait
d’une route pour sa propre gloire.
Nos confrères libanais connaissent Karam Melhem Karam comme
l’un des pionniers de la Presse libanaise contemporaine de
la première moitié du XXème siècle.
En fait, on ne peut dissocier la Presse libanaise de la Presse arabe,
surtout dans le patrimoine journalistique de Karam Melhem Karam,
de ses confrères et de sa génération.
Ce qui me peine le plus, ce sont les agissements de ceux qui laissent
croire en une émulation factice entre la Presse égyptienne
et la Presse libanaise, ce qui falsifie les données les plus
élémentaires de l’Histoire journalistique arabe
contemporaine. Du point de vue scientifique et pratique, il est
impossible de procéder à une séparation de
l’histoire journalistique entre ce qui est égyptien
et ce qui est libanais. Le génie véritable de chacun
d’eux a découvert l’autre; ils se sont solidarisés
dès le début et se sont intégrés dans
le processus de l’évolution.
Karam Melhem Karam a contribué à la naissance du projet
indépendantiste arabe au cours de la première moitié
du XXème siècle... Il a milité en vue d’assurer
le succès à son projet politique et culturel. Comme
il a contribué au projet de la traduction arabe ayant débuté
avec la naissance de la culture islamique arabe. Karam Melhem Karam
a transcrit et traduit d’une manière parfaite les chefs-d’œuvre
des lettres mondiales, ajoutant quelque chose de nouveau à
leur valeur initiale.
Nous célébrons ensemble le centenaire de naissance
de Karam Melhem Karam, afin d’affirmer des significations
sublimes et un message éternel qui nous unit effectivement
et non en parole. Nous célébrons cet anniversaire,
parce qu’il vit en nous et dans nos fils. C’est le sens
véritable de cette commémoration sur laquelle je voudrais
insister. Nous avons besoin de nous souvenir de cette qualité
d’hommes et de femmes arabes, car nous voulons que nos fils
poursuivent l’action de ces grands pionniers et développent
ce qu’ils ont hérité d’eux.
C’est ce qui reste à jamais d’auteurs figurant
sur le registre des immortels. |

Haïdar Mahmoud.
|

Elias Hanna. |

Ali Loutfi.
|
Mot
de S.B. Mgr Grégoire III Laham, patriarche grec-catholique |
Les grands dans
le monde sont l’éclat de la gloire et de la fierté...
Il est du devoir de la nation de les honorer. Nous sommes réunis,
justement, pour magnifier l’un de nos génies.
Karam Melhem Karam est ce génie, sa plume magique ayant
enrichi la première moitié du XXème siècle
et attiré tous ceux qui apprécient les lettres, le
conte et le roman. Il a inquiété les gouvernants et
des hommes politiques par ses articles critiques et sa Presse libre.
Il a réalisé ce qu’aucun homme n’a pu
accomplir: fonder et rédiger deux journaux politiques, fonder
et rédiger la revue “Alf Leila Wa Leila”, la
faire paraître seul en hebdomadaire durant mille et deux nuits;
écrire et imprimer des centaines de contes, de romans et
d’articles. Tout cela, Karam Melhem Karam l’a réalisé
comme autant d’exploits, pour devenir un héros mondial
n’ayant pas son pareil.
Je ne suis pas en état d’analyser, ou d’étudier
ses œuvres géantes, les spécialistes des lettres
et de la langue, auxquels je voue du respect et de l’estime,
sont plus capables de le faire. Cependant, je me permets de rappeler
certains faits qui me viennent à la mémoire, de cette
période exquise de la vie. Nous nous empressions de lire
ses nombreux romans, tels “Sakr Koraïche”, “Al-Masdour”,
“Les fantômes du village”, “Les rires du
boucher”, “Abou-Jaafar Al-Mansour” et bien d’autres
encore. A leur lecture, nous ressentions ce qu’inspirent la
gloire des Arabes, leurs qualités et leur authenticité:
l’honneur, la franchise, la fierté, la reconnaissance,
la générosité qui rehaussent la personnalité
arabe que la plume de Karam Melhem Karam a dessinées à
la manière du pinceau d’un artiste.

Les officiels et les membres de la famille de Karam Melhem
Karam parmi l’assistance.
|
Combien nous étions ébahis par la richesse des termes
qu’utilisait Karam et la dextérité avec laquelle
il en tirait la meilleure de leur signification. Ceci lui permettait
de rédiger les contes et les romans les plus longs, sans
tomber dans la répétition et la banalité.
Son œuvre peut être considérée, aujourd’hui,
comme l’une des sources importantes facilitant le travail
de ceux qui manipulent notre langue arabe pour lui éviter
les périls de la mondialisation.
Il nous faut, aussi, faire état du côté moral
de l’œuvre de Karam qui faisait prévaloir le bien
sur le mal. Cette tendance vers le bien et la moralité, est
l’apanage de Karam dans sa vie et son environnement. Il a
agi en vue de la transmettre aux membres de sa famille. Ainsi, ses
fils et ses filles ont été à son exemple. Ils
ont joué un rôle bénéfique dans la société,
portant en permanence le legs de leur père, n’ayant
jamais agi que pour propager le droit, l’égalité
et la justice.
Il me faut évoquer, ici, le souvenir d’un prêtre
connu, alors, sous le nom de “Bouna Béchara”
qui a servi, à l’époque, Deir el-Kamar et ses
environs. Notre écrivain Karam Melhem Karam l’a connu
et apprécié, à l’instar de tous ceux
qui avaient fait sa connaissance, ses vertus et sa sainteté.
Karam a réservé à cet homme d’église
une place dans son œuvre magnifique et lui a consacré
un beau roman ayant pour titre: “Le trousseau de la mariée”.
Quiconque le lit, ne peut que témoigner de la sainteté
de Bouna Béchara et de la haute moralité de l’auteur.
Que l’éminent auditoire me permette de conclure ce
mot par ce témoignage du grand homme de lettres en dessinant
les traits de ce prêtre, en des termes donnant une idée
de l’écriture géniale de Karam: “Il a
vécu dans une double blancheur, celle de l’âme
et de la tête. A puisé dans deux sources, celle de
la connaissance et de la continence. A marché dans un seul
chemin, le chemin conduisant vers Dieu. Je l’ai connu depuis
ma tendre enfance, découvrant en lui la piété,
l’action perpétuelle et l’ascétisme...
Il dort peu et se réveille fréquemment pour adorer
son Créateur, toute sa vie étant faite de prière.
Ses lèvres murmurent continuellement quand il se déplace,
récitant le chapelet ou répétant les psaumes.
Aux saluts qui lui étaient rendus, il répondait par
un sourire innocent. Tel est celui qui a porté sa croix et
suivi le Rédempteur”.
Karam Melhem Karam a rassemblé dans sa plume les chefs-d’œuvre
des arts littéraires et il rassemble dans ce témoignage
les beautés de la religion et de ce monde, méritant
l’immortalité dans cette vie et dans l’au-delà.
|

Mohamed Al-Roumaihy.
|

Mohamed Al-Faitoury. |

Edmond Rizk.
|
Mot
du Dr Ali Loutfi, président du Sénat,
ancien Premier ministre d’Égypte |
Au cours du
premier quart du siècle dernier, la Presse recherchait sa
voie vers une renaissance bénie, dont les fondements ont
été posés au Liban et en Egypte, par des pionniers
ayant percé leur chemin durant le dernier quart du XIXème
siècle.
A cette époque, les Libanais jouissaient sur les bords du
Nil du climat de liberté, au double plan de la parole et
de l’expression. Aussi, ont-ils laissé un legs dont
l’Egypte et le Liban, leur patrie, sont fiers: Salim et Béchara
Takla, fondateurs d’Al-Ahram; Girgi Zeidan, fondateur d’Al-Hilal;
Yaacoub Sarrouf et Farès Nemr, fondateurs d’Al-Moktataf;
puis, d’Al-Moukattam.
Ils ont étendu leurs activités, par la suite. Ainsi,
Farès Nemr s’est rendu au Soudan où il a fondé
le premier journal soudanais. Nous n’oublions pas Antoun Gemayel,
propriétaire d’Az-Zouhour; Khalil Tabet, Daoud Barakat,
rédacteur en chef d’Al-Ahram durant une longue période,
signataire de la chronique: “Disons la vérité”;
Habib Jamati et Wéhaibé el-Khazen qui rédigeaient
une tribune hebdomadaire dans “Al-Ahram”.
Après la fin de la Première Guerre mondiale, le Liban
aspirait à une renaissance journalistique pour raffermir
l’action des précurseurs. Il y a eu, alors, un groupe
de Libanais actifs, en tête desquels l’homme dont nous
célébrons aujourd’hui le centenaire: le grand
journaliste et écrivain Karam Melhem Karam.
Fait à signaler: après avoir prouvé sa capacité
dans “Deir el-Kamar”, journal de son maître Naoum
Ephrem Boustany et assuré la correspondance de journaux paraissant
à Beyrouth, tout en travaillant dans la bijouterie de son
oncle, Karam a reçu une lettre de Béchara el-Khoury
(Al-Akhtal As-Saghir) lui demandant de se joindre à l’équipe
du journal “Al-Bark”. Il n’a pas attendu, ce jour-là,
le retour de son oncle de la capitale, pour l’informer de
sa détermination à quitter son travail dans la bijouterie:
il en a remis les clés à un voisin, afin de se rendre
à Beyrouth, persuadé que son grand rêve allait
se réaliser dans “Al-Bark”. Ce n’était
pas son seul rêve qui allait se concrétiser, mais le
rêve du Liban dont la Presse allait s’enrichir d’un
grand collaborateur.
Son chemin dans la Presse n’a pas été facile.
La guerre avait pris fin, mais une guerre d’un autre genre
et plus féroce, la “guerre des libertés”
allait éclater en dehors du Liban, entre Paris et Le Caire
jusqu’en 1918. Lorsque Karam Melhem Karam a entamé
sa vie dans la Presse, en 1922, il devait alors à l’âge
de 19 ans, faire face à maints défis, dont les deux
suivants: 1) engager la bataille des libertés que les Libanais
avaient menée en Egypte, souvent avec de faux noms; le fait
pour Béchara el-Khoury d’avoir signé ses textes
sous le nom de “Al-Akhtal As-Saghir”, en est une bonne
preuve; 2) la bataille de la rénovation de la Presse qui
commençait à perdre de son éclat faute de sang
nouveau.
Cette double bataille, Karam Melhem Karam l’a engagée
avec courage, opiniâtreté et foi. Tout en collaborant
à “Deir el-Kamar”, il lisait les journaux d’Europe
dont il relevait les aspects technique et rédactionnel. Ceci
lui a fait acquérir une expérience dans les domaines
de la mise en page, la manière de traiter les sujets apportant
un nouveau souffle à l’écriture et à
la critique politique et littéraire.
Lorsqu’il a lancé son propre journal “Al-Assifa”
en 1931, après la revue “Alf Leila Wa Leila”
en 1928, il s’était convaincu de la nécessité
d’opérer la modernisation journalistique: de la manchette,
au titre d’un article et de l’étalage du titre
sur six colonnes, celui de l’information devant être
différent du titre de l’article. Il a introduit la
couleur à “Alf Leila Wa Leila”. Ceci laissa ses
empreintes dans la modernisation de la Presse libanaise.
Quant à la bataille de la liberté, il l’a engagée
avec courage contre le mandat français. “Al-Assifa”
ne transigeait pas sur le droit et la vérité. Il a
mené les batailles de la Constitution, réclamant l’indépendance
du Liban et le report du service du drapeau, jusqu’à
l’évacuation du mandat, afin que le jeune Libanais
ne serve pas sous le drapeau français.
Le destin de la Presse est que le journal reste, alors que le journaliste
s’en va. Toujours est-il que nous avons dans notre histoire
journalistique des exceptions selon lesquelles le journal disparaît,
mais le journaliste reste.
Telle a été la situation par rapport à Karam
Melhem Karam: “Alf Leila Wa Leila” a cessé de
paraître en tant que publication; mais elle perdure en tant
que grande institution journalistique, grâce au dynamisme
du cher confrère, M. Melhem Karam. “Al-Assifa”
s’est arrêté, mais la trace de son fondateur
persiste dans notre mémoire et notre cœur à tous,
ô Libanais, qui commémorez aujourd’hui le centenaire
d’un génie. Nous sommes fiers de ses œuvres et
de sa personne, comme d’une élite qui continue jusqu’à
ce jour à nous éclairer et à nous orienter
dans notre Presse arabe.
Vive la Presse égyptienne. Vive la Presse libanaise. Vive
l’Egypte. Vive le Liban. |
Mot
de Mohamed el-Roumaïhy, chercheur et écrivain koweïtien |
Dans ses romans
historiques, dont “Sakr Koraïche” représente
le summum, en plus de “Damaat Yazid”, “Abou-Jaafar
el-Mansour”, “Oum el-Banine” et d’autres,
Karam Melhem Karam m’est apparu à l’image du
grand homme de lettres, Girgi Zeidan décédé
en 1914, alors que Karam était au début de son adolescence.
Cependant, la langue de Karam diffère totalement de celle
de Zeidan quand il avait son âge. De même que son style
et sa façon de traiter les événements et les
personnalités historiques prises du patrimoine arabe et islamique.

Le palais de l’Unesco était comble ce soir-là.
|
Karam avait une technique pareille à celle des romanciers
français du XIXème siècle, Balzac et Flaubert
en tête. Il lisait en français et en arabe et ses romans
se caractérisent par leur cachet technique et leur sens artistique.
Son but était de plaire, de rehausser le goût linguistique,
d’enrichir l’imagination, de tirer les leçons
et les exemples, tout en traitant les questions intéressant
l’homme dans sa vie quotidienne et la société
à la fois. Sa curiosité littéraire l’a
incité à rechercher les racines du roman et du conte
dans notre patrimoine arabe qui, dit-on, n’a pas connu l’art
du roman. C’est ce qu’ont répété
les critiques et les orientalistes, considérant que le roman
est un nouvel art dans nos lettres arabes calqué de l’Occident.
Dans ses romans sociaux et réalistes, il a dénoncé
avec courage l’injustice qui frappe l’homme et la société,
appelant à la réforme et à la justice. Il a
évoqué des modèles de la réalité
vivante et de l’environnement libanais, s’y attaquant
avec l’esprit du critique et du réformateur social.
Karam Melhem Karam est le fils de l’école libanaise
de la prose, cette école ayant émergé à
l’ère de la renaissance avec Nassif et Ibrahim el-Yazigi
et les Boustany, pour se consolider avec Gebrane, Rihani, Omar Fakhoury;
Amine Nakhlé, Chakib Arslan, Maroun Abboud et d’autres
parmi les maîtres de la prose magnifique.
Cette école a beaucoup contribué à raviver
la langue arabe, après que celle-ci eut périclité
sous l’hégémonie ottomane. Mais elle n’a
pas tardé à renaître, retrouvant sa magie et
sa splendeur, pour redevenir la langue de la vie en tout ce qu’elle
a de bien et de beau.
Il a été un pionnier autant dans sa libanité
que dans son arabité et ses deux affiliations. A l’instar
de sa libanité, son arabité était une affiliation
naturelle et véritable, loin de la politisation arabe et
de l’isolement libanais. Le fait pour lui d’avoir puisé
du patrimoine arabe, a raffermi son arabité culturelle et
civilisatrice. Il était le fils de cette patrie libanaise
ouverte sur le désert et la mer, sur le patrimoine arabe
et le patrimoine humain.
J’imagine que Karam Melhem Karam a été parmi
les premiers à appeler à la fondation d’une
ligue littéraire arabe, en vue d’une rencontre entre
les hommes de lettres, ne serait-ce qu’une fois par an. Ce
vœu s’est réalisé par la création
de l’Union des écrivains arabes.
Ce journaliste et cet écrivain qui a pu témoigner
sur les transformations qu’a connues la première moitié
du XXème siècle: la fin du Pouvoir ottoman, les deux
conflagrations mondiales, les mandats français, britannique
et l’indépendance; ce journaliste et cet écrivain
libano-arabe, modèle de laïcisme authentique, mérite
vraiment de retourner aux lecteurs, spécialement aux nouvelles
générations, à travers la réimpression
de ses œuvres, tant ses articles que ses contes et romans,
dans l’espoir que ces générations pourront apprendre
de lui le sens du nationalisme, la cause du laïcisme, le concept
de l’ouverture et du dialogue, en plus de l’amour des
lettres et la connaissance de la langue arabe. |
Mot
de Me Edmond Rizk, ancien ministre et député |
L’ancien
ministre et député remonte au début du XXème
siècle, date à laquelle la renaissance a pris son
départ, “ses fleurons ayant commencé alors à
germer... et les étoiles à apparaître dans les
cieux arabes, pour magnifier l’hyménée de la
langue arabe qui a fleuri en prose et en poésie, sous forme
de roman, de conte, de théâtre et de presse”.
Nous sommes fiers de ceux qui ont édifié sur l’alphabet
un monument fait de gloire. Karam Melhem Karam a été
un exemple rare de créativité et du don, ses œuvres
ayant été autant de constantes à l’ère
des changements surprenants. Il s’est inspiré des jours
sombres et des tableaux on ne peut plus merveilleux, si bien qu’il
a séduit les lecteurs et gagné leur confiance, tressant
avec eux des liens de cordialité et ils sont devenus son
public fidèle.
Défenseur d’une cause en tant qu’écrivain
et journaliste, il a résumé la Presse en disant la
vérité et en prenant le parti du droit. Il l’a
acceptée en tant que mission, qu’appel et engagement,
éclairant ou dénonçant. Par le verbe, des trônes
s’effondrent, des couronnes disparaissent, des systèmes
sont modifiés et des gouvernants sont jugés.
Tels sont les tons des exemples dans le legs de Karam Melhem Karam
et son pouls humain.
Nous saluons son don qualitatif et record. Nous en sommes fiers
en tant que maître de l’éloquence et défenseur
de la liberté. Etant persuadé que l’esclave
n’est pas celui dont le cou a été enserré
dans un étau; a été torturé par les
mercenaires dans les labyrinthes, mais celui qui a perdu le sens
du refus, la dignité et s’est soumis à un tyran
ignare, épris d’attentats et de coups d’Etat,
renversant l’authentique et le remplaçant par l’agent.
Du centenaire de Karam, père de deux présidents, édificateur
des deux pyramides: le conte et le roman, nous nous inspirons pour
nous convaincre de ce que toute personne modeste, privée
de tout, répudiée et persécutée, est
plus riche que tous les fortunés du vol, du pillage et du
mensonge; il est plus sincère et fidèle.
Nous nous sommes formés à son école, toute
une génération et il a le mérite, avec nos
parents et nos maîtres, de nous avoir insufflé l’amour
de la langue arabe, une langue géniale que le monde adore.
Aujourd’hui, sur le nom du Liban, nous confions aux frères
arabes, le souvenir de Karam, jusqu’à un rendez-vous
qui, dans la cité de la lettre, se renouvelle. |
Mot
de Me Issam Karam, ancien bâtonnier des avocats |
Dieu, combien
cette séance oratoire a ouvert d’horizons et ravivé
des souvenirs! D’ici, de Beyrouth-Liban, oasis de la pensée
humaine. Combien sera-t-il dit de Karam Melhem Karam dans son premier
centenaire, lui qui a souhaité l’unité des gens
de la patrie et la souveraineté des militants libres dans
les patries des Arabes et toute patrie pour l’homme!

Une vue de l’assistance.
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Le Très-Haut peut avoir eu pitié de ceux qui avaient
pignon sur l’immortalité, en les exemptant de vivre
le temps de l’opprobre, en les protégeant de la vue
de Bagdad tomber sous les chars de la civilisation du IIIème
millénaire, comme cette cité était tombée
précédemment sous les sabots des chevaux des barbares
de la descendance de Gengis Khan, Hulagu et Timur Lang (Tamerlan).
Tout en les préservant de l’invasion sioniste de la
Palestine et de Jérusalem au cœur de Terre sainte!
Sinon, ils se seraient révoltés et se seraient exclamés,
comme je l’imagine: la logique responsable, ô Arabes!
Ne restez pas dans l’errance, obtenant ce que vous ne réclamez
pas et réclamant ce que vous ne pouvez obtenir... Christophe
Colomb voulait découvrir la Chine et a découvert l’Amérique.
Soyez des gens qui veulent non des gens à la solde des autres.
La langue de Hymiar, après celle d’Adnan, est la langue
du Coran. C’est la syntaxe et la sémantique. Préservez-la
avec vos plumes et protégez-la avec vos paupières;
utilisez-la pour écrire en permanence, afin que le patrimoine
arabe perdure.
Et Bagdad, récupérez-la. N’attendez pas Bibars
faisant appel à un calife abbasside, après l’expiration
du califat abbasside par l’assassinat d’Al-Mohtassem.
Bagdad, libérez-la vous-mêmes.
Et Jérusalem... Vous êtes pour elle. N’avez-vous
pas entendu la parole grandiose: Ô Moïse, il y existe
des colosses”.
La logique responsable, ô Arabes!
Dans le nationalisme, la langue et le patrimoine!
Soyez pour la paix en dépit de tout. Il ne reste à
la raison, en définitive, que l’épée
de la culture qu’elle brandit face à la barbarie, au
terrorisme et à la mondialisation.
Dites oui à la mondialisation de l’humanisation.
Et non à la mondialisation de l’unilatéralisme,
avec le même langage ferme que vous employez pour dire “non”
à la mondialisation du terrorisme.
Oui à la paix. La paix véritable, la paix du droit,
de la liberté et de la démocratie.
Vous étiez une collectivité ayant eu pour collègue
l’Histoire.
N’acceptez pas d’être les collègues de
ses rebuts!
Au nom de Karam, merci. Merci à tous.
Et la paix soit avec vous. |
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