A l’occasion
du 120ème anniversaire du penseur et plasticien libanais Gebrane
Khalil Gebrane, l’Intercontinental Bank of Lebanon et le Comité
Gebrane ont organisé, au siège de la banque à Achrafieh,
une exposition rétrospective des œuvres de l’artiste.
L’inauguration a eu lieu en présence du président
de la République et du tout Beyrouth politique, diplomatique, culturel
et financier.

Le président Lahoud entouré de Mgr Elias Audé,
MM. Elie Ferzli, Kabalan Issa el-Khoury, Mgr Baïssari, MM.
Salim Habib et Gebrane Tok.
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GEBRANE A MARQUÉ L’ART DU XXème
SIÈCLE
Tout en réservant une place à des œuvres connues du
public, l’exposition propose, aussi, des éclairages inédits
sur un grand nombre d’œuvres peu ou non connues.
L’œuvre de Gebrane témoigne du rapport d’équilibre
entre sensibilité, intelligence et modernité.
Bien qu’il ait, dès son jeune âge, témoigné
d’un certain penchant, vers l’art du dessin et de la peinture,
son développement d’artiste débute, relativement,
vers 1909-1910, à l’époque où il s’est
rendu à Paris pour suivre des études artistiques à
l’Académie Julian.
Là, il entre en contact avec l’avant-garde de l’époque
et est séduit par les “Nabis”, groupe de peintres,
ainsi nommés par le poète “Casalis” à
partir d’un terme hébreu signifiant: le “prophète”.
Il est particulièrement attiré par leur langage plastique.
Avec les Nabis, l’impressionnisme devenait le synthétisme:
formule décorative, hiératique de simplification et de déformation
qui aboutissait au symbolisme, c’est-à-dire à la transposition
du modèle, dans le domaine de l’intelligence et de l’imagination.
Le séjour de Gebrane à l’Académie Julian, représente
pour son art, une étape fondamentale, celle qui offre à
ses aspirations l’éclaircissement apportant une pensée,
une conception et un langage nouveaux. Celle, aussi, liant son nom à
ceux d’artistes qui, avec audace, transforment le langage de la
figuration, traçant des voies dans lesquelles l’art du XXème
siècle reconnaîtra ses sources profondes.

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TENSION, SENSUALITÉ ET FANTASMES
Ce que Gebrane propose, à travers son œuvre, est une nouvelle
approche de la peinture, fondée sur une conception qui installe
au premier plan, le fait “plastique”. Son langage pictural
renverse les rapports traditionnels de l’œuvre et de son espace
et instaure un nouvel équilibre enrichi du jeu de permutation des
références.
La notion de peinture s’en trouve à la fois bouleversée
et renouvelée fixant les nouvelles bases de son art.
Visiblement, Gebrane a cherché à conjuguer deux langages,
plus exactement à vérifier, pour mieux les développer,
toutes les ressources de celui qu’il s’est forgé en
l’articulant à quelques-uns des principes de la doctrine
des “Nabis” et du symbolisme. Ainsi, ses œuvres enregistrent
les mouvements d’une conscience aiguisée par les événements
qui marquent sa vie. Tension, sensualité, inquiétudes, fantasmes
etc,... se lisent à travers les thèmes, les dessins et les
peintures.
EXPRESSION PLASTIQUE ALLIANT SENSIBILITÉ ET CRÉATIVITÉ
Ce qui semble avoir occupé Gebrane, en premier lieu, ce fut de
trouver une formule alliant, à la fois, l’usage des nouvelles
possibilités d’expression à l’exactitude de
la ligne. Dans toutes ses œuvres, son apport personnel est plus important
que ses emprunts. Chaque dessin ou peinture chante un langage pictural
fait de force et de jeunesse. Et quel que soit le thème choisi,
portrait, nu ou thème symbolique emprunté à la mythologie,
c’est la fixation d’un état d’âme qui est
partout primaire.
Peindre un modèle ne revenait pas pour lui à démontrer
la perfection de sa technique mais plutôt à exploiter un
thème adapté à ses fantasmes.
A une époque où le nu n’était rien moins que
courant, Gebrane n’a pas fait fi de la beauté du corps humain.
Avant-gardiste par rapport aux artistes libanais de sa génération,
il a su sentir cette beauté avec intensité et la rendre
d’une façon presque tangible, comme on peut le constater
à travers les œuvres exposées.
Ainsi, les subtiles tensions réunissant les composantes de l’expression
d’un visage, ou encore l’harmonieuse perfection des formes
du corps humain, pouvaient se trouver à la source d’une image
de son propre univers. Il a su exprimer dans ses compositions sa propre
sensibilité, le modèle ou le thème choisi n’étant
que prétexte d’une création très personnelle.
ŒUVRE À L’IMAGE DE SON MAîTRE
L’œuvre picturale de Gebrane, tout comme sa production littéraire,
est à l’image de son maître. Dans une certaine mesure,
le spectateur cerne bien l’intention de l’artiste et y trouve
un message. Ceci n’en épuise pas le contenu, car il y a relation
esthétique et il n’y a pas de raison pour que le regard de
l’un ne puisse pénétrer “l’espace intérieur
de l’autre”, cet espace à travers lequel Gebrane a
restitué une vision - la sienne - et la “distance”
vis-à-vis de la perception, joue un rôle éminent dans
le contexte objectif de l’œuvre.
Il ne s’agit pas pour Gebrane de dépasser simplement le réel,
mais d’aboutir à une équivalence où n’entre
plus en jeu que l’essentiel de l’idée, devenant l’âme
du tableau ou du dessin qui lie, immédiatement, l’observateur
à une situation poétique. Chaque œuvre devient une
unité rythmique s’établissant entre les plans colorés
sur lesquels l’œil peut errer, en passant de l’un à
l’autre sans s’arrêter.
L’œuvre picturale de Gebrane oblige à la réflexion,
transporte l’observateur dans une dimension spirituelle et esthétique
où la vibration, à l’intuition et à l’essence
qui en sont la clé de voûte, s’ajoute l’appréhension
de ce qui vient du dedans. Elle porte en elle signe et signification,
sa vie propre, sa musique, son chant et sa mystérieuse mélodie.
Son pouvoir est langage, son germe est création. De la source pensée
à l’exécution plastique, du physique à l’irréel,
elle porte en elle toute la modernité. |