Comédie dramatique française de 1h50mn avec Daniel Auteuil, José Garcia et Sandrine Kiberlain. Une affiche alléchante et une idée de départ intéressante. Antoine est maître d’hôtel dans une grande brasserie parisienne. Un soir, en rentrant du travail, il sauve Louis, un inconnu du suicide. Celui-ci s’est mis la corde au cou parce que la femme de sa vie, Blanche, l’a quitté. Antoine se sentant étrangement coupable d’avoir empêché cet acte suicidaire, se met à aider Louis, jusqu’à retrouver Blanche, l’être tant idéalisé...
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Peut-on aider et trahir?
Aimeriez-vous que votre film soit ainsi raconté?
Pas tout à fait. C’est l’histoire d’un homme qui sauve la vie d’un autre homme et se sent coupable de l’avoir fait, car c’est très arbitraire de sauver la vie de quelqu’un. Pour l’aider, il décide de retrouver la femme de sa vie dont il va tomber amoureux. Mais il ne réussit pas à réparer cet homme. Et pour accentuer encore plus sa culpabi-lité, il va tomber amoureux d’elle.
Peut-on aider quelqu’un et le trahir dans le même mouvement? Peut-on aimer quelqu’un et le trahir en même temps? C’est l’histoire de quelqu’un qui a essayé d’aider les autres et se retrouve dans les limites de tout cela, c’est-à-dire dans les parado-xes et les contradictions de la nature humaine très propices à la comédie.
Face à toutes les questions posées, on aboutit à la conclusion qu’il faut se mêler de la vie des autres. Le film dit que l’autre est important, cela vaut la peine de s’impo-ser dans les destins qui ne sont pas les nôtres. Cela a du sens et de la nécessité d’aller vers l’autre; c’est ce que disait un philosophe français: l’autre est existentiel.
Puis, la notion de la gratuité est aussi tres importante. Au début, il fait cela par réflexe, ce qui donne beaucoup de sens à nos vies. Un plus qui n’a pas un effet immédiat, produit un effet à long terme; quelque chose de gratifiant et de poétique.
Selon les plumes noires, votre dernier film est lent, prévisible, décevant, ridicule; en résumé, c’est du bon théâtre, mais de là à aller le voir au cinéma… Que pensez-vous de ces critiques?
C’est très ambigu. Il faut respecter le point de vue des gens. J’imagine que ces critiques ne me connaissent pas et ne me veulent pas de mal; c’est ce qu’ils pensent. Puis, ce sont des notions subjectives et relatives: l’ennui, la lenteur,… c’est leur point de vue, je ne dirais pas qu’ils ont tort. Jamais je n’interviens dans la critique de quelqu’un.
La comédie réconforte
Vous parlez des thèmes principaux dans la vie comme le suicide, la dépendance amoureuse, la peur de la solitude. Des thèmes sérieux mélangés à du burlesque. Pourquoi suggérer la gravité d’une époque par le biais du rire?
Je pense, fondamentalement, que la comédie puise dans le mal-être et la difficulté. Ce sont tout le temps des personnages qui sont coincés dans des situations complexes et se battent contre un quotidien agressif.
La comédie apporte un réconfort; elle traite les choses d’une façon poétique et décalée. Je n’aime pas la comédie qui ne traite de rien; elle doit être le reflet de la condition humaine. C’est très important que les personnages existent, que leur douleur soit réelle, qu’ils aient une certaine complexité. Je traite cela d’une façon drôle et légère, car c’est ma nature. Je suis pour le mélange des genres.
Vous vous êtes fait connaître, il y a quelques années, avec “Les Apprentis”, suivi de “Comme elle respire” et “Les marchands de sable”, un film noir; après trois ans d’absence, c’est le retour à une comédie dans la plus pure tradition; pourquoi ce changement?
C’est à cause des marchands de sable; ce film a quand même été une expérience douloureuse et difficile. La comédie a la force de toucher plus de gens. Et, en plus, cette espèce de dynamique assez décalée m’avait manqué. Ce que j’aime chez Shakespeare ou chez Molière, c’est la façon d’enchanter l’existence. Je voulais retourner vers des choses plus légères et la comédie autorise des décalages incroyables. Pour moi, le burlesque est très proche de la poésie.
Non à un cinéma
sans identité
Les personnages principaux masculins s’appellent tous Antoine dans vos films; pourquoi?
Antoine est mon deuxième prénom; c’est une façon de renforcer l’identification chez moi. C’est pour me rappeler qu’il faut toujours mettre une part de soi dans les films; il est fondamental de parler des choses qu’on connaît.
Dans “l’Humanité”, on pouvait lire de Pierre Salvadori: “Je veux rester moi-même”. Y parvenez-vous?
Face aux propositions qu’on vous fait, c’est essentiel de ne pas se perdre et de traiter des choses qui vous tiennent à cœur. Ne pas oublier ce qu’on est, on peut être très bien isolés par un métier qu’on aime, par de nouvelles rencontres; on peut très vite s’isoler du monde et face à toutes les concurrences, je pense qu’il faut lutter.
Le risque, c’est d’avoir un cinéma sans identité. Car par cet art populaire, on peut toucher immensément les gens. C’est comme un miroir tendu à sa propre société dans lequel on se regarde; on se corrige.
Sinon le cinéma américain, puissant qu’il est, aura tendance à tout écraser. Si on ne tendait aux jeunes rien qu’un miroir - celui de la société américaine - il leur sera renvoyé une identité erronée. Le cinéma américain parviendrait à faire croire qu’il n’y a qu’une façon de plaire et de distraire; ce serait trop dangereux.
Né le 8 novembre 1964 en Tunisie, Pierre Salvadori débarque à Paris à l’âge de sept ans avec ses parents. Il suit des cours de cinéma à Censier et reçoit une formation de théâtre chez Jacqueline Chabrier. Après s’être produit au café-théâtre, en 1989, il rédige son premier scénario de film qui deviendra, plus tard, “Cible émouvante”, l’histoire d’un drôle de trio: Jean Rochefort, Guillaume Depardieu et Marie Trintignant. Entre-temps, il s’essaie à la mise en scène avec un court métrage inti-tulé “Ménage”. En 1995, il retrouve Guillaume Depardieu et Marie Trintignant, pour les besoins des “Apprentis”, une comédie qu’interprète, également, François Cluzet.
En 2000, il réalise “Les Marchands de sable”, un film noir. Puis, en 2003, il renoue avec la comédie en dirigeant le duo José Garcia / Daniel Auteuil dans “Après vous”... |
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