L’ex-Première Libanaise Mouna Hraoui
“Un congrès sur la thalassémie et le diabète marquera
le dixième anniversaire du Chronic Care Center”

Je l’ai toujours connue. Elle était pour moi l’épouse du député de Zahlé, ville natale de ma mère, avant de devenir la femme du président. Toutefois, notre première rencontre date de 1993, année du téléthon. Je faisais, alors, partie du comité, représentant Télé-Liban. Ce furent six mois de labeur ardu et fructueux. Ainsi, est né le Chronic Care Center... Une fois le mandat présidentiel de son mari terminé, Mouna Hraoui y a transporté ses bureaux et s’est attelée corps et âme à son “bébé” qui a grandi au fil du temps, se dotant d’un laboratoire génétique ultra-sophistiqué, suivant de près la technologie médicale de pointe et pouvant se taxer d’être un point de référence pour l’O.M.S. et Harvard dans cette région du Proche-Orient, sans oublier les patients, qui y sont toujours traités... Un travail de titan, une volonté de fer et la foi en l’avenir; cette foi, qui déplace les montagnes: telles sont les armes de l’ex-Première Libanaise, qui veille au bon fonctionnement du centre. Elle s’y rend, régulièrement dès huit heures du matin, car pour elle le travail “assure un équilibre” et parce qu’elle aime aider les gens. “Cela, confie-t-elle, me soulage”. Pour l’anniversaire des dix ans du Chronic Care Center, Mme Hraoui a bien voulu m’accorder cette entrevue faite sur le vif, évoquant aussi en bref ses souvenirs de Première dame.

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“Actuellement, dit Mme Hraoui, le Chronic Care Center compte 1.500 enfants, avec chaque semaine de nouveaux cas de diabète et peu de cas de thalassémie, à cause du programme de prévention.
“Puis, nous avons le laboratoire génétique où on fait subir des examens à nos enfants et à leurs pa-rents pour connaître les causes de leurs maladies. Chaque année, le laboratoire génétique évolue, le plus important pour nous étant la collaboration avec les hôpitaux au Liban et à l’étranger, notamment avec la “Harvard School of public Health”. Cette année, nous commémorons nos dix ans d’existence et sommes toujours présents grâce à l’aide de nos amis. Notre centre est ouvert à tous les enfants et les reçoit sans discrimination et sans recommandation, car notre objectif est humain, il faut être humain et traiter tout le monde sur le même pied d’égalité. L’importance de notre travail avec Harvard réside dans le fait que cet hôpital collabore avec l’O.M.S. et beaucoup d’O.N.G. dans le monde. L’essentiel est d’observer l’évolution des maladies. Ainsi, le diabète augmente dans le monde et on découvre que cela est dû à la nourri-ture, à l’environnement et à la manière de vivre. Ce n’est donc plus une cause uniquement génétique. L’importance de la prévention pour la thalassémie et, surtout, pour le diabète est l’éveil parental. Ceci permet aux parents de détecter très tôt les symptômes de la maladie chez leurs enfants.
N.Z.: Quelle est votre ambition pour le centre?
M.H.:
J’ai beaucoup d’ambition mais cela dépend des circonstances et des conditions économiques. Grâce à Dieu, nous avons bien progressé. Pour moi, actuellement, le plus important est le laboratoire génétique pour promouvoir le centre et mieux aider nos malades. D’ailleurs, la génétique est la médecine de l’avenir. Nous prévoyons l’introduction de nouveaux tests génétiques. Pour marquer les dix ans du Chronic Care Center, nous organisons, un congrès sur la thalassémie et le diabète les 17, 18 et 19, auquel participeront des médecins des Etats-Unis, d’Europe et des pays arabes.
N.Z.: Qui vous finance?
M.H.
: Les amis libanais et étrangers. Le mi-nistère de la Santé accorde une petite subvention pour ce qui est des enfants de l’armée et des FSI que l’Etat couvre. Il y a, aussi, la sécurité sociale et c’est tout.

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Mouna et Elias Hraoui dans leur résidence à Yarzé.

UN AUTRE TÉLÉTHON À L’AVENIR
N.Z.: Le téléthon de 1993, qui a financé l’édification du CCC a été une première au Liban. Or, vous aviez dit que cela serait un événement annuel...
M.H.:
C’est vrai. Mais la situation dans le pays était difficile et le Sud était occupé. Certes, le téléthon est très important, mais si je le fais chaque année, les Libanais ne vont plus s’en-thousiasmer.
N.Z.: Vous prévoyez donc un autre téléthon à l’avenir?
M.H.:
Pourquoi pas! Il faut bien le préparer, cela m’avait pris six mois de travail, car il n’est pas facile de convaincre les gens. A mon avis, il faudrait créer une association s’occupant du téléthon, pour financer, chaque année, une cause déterminée. A cet effet, le comité devrait être formé de personnes crédibles pour que les gens sachent où va leur argent.
N.Z.: Le mandat de votre époux terminé, vous avez continué à travailler sans interruption...
M.H.:
Oui et c’est très important pour moi. En édifiant ce centre, je pensais poursuivre mon activité. Travailler assure un équilibre et j’aime aider les gens; cela me soulage, si on peut le faire, pourquoi pas? De toute manière, j’ai toujours travaillé, lorsque mon mari était député. Une fois que mes enfants ont grandi, je participais aux associations caritatives à Zahlé; ensuite, je me suis lancée dans les articles-cadeaux; puis, le prêt-à-porter durant quatre ans pendant les années de guerre de 1977 à 1981. J’avais ma propre boutique “Tiffany’s” sise à Haouch el-Oumara. Cela m’a donné de l’expérience, de l’assurance et le contact avec les gens à tous les niveaux.

photo Mouna Hraoui distribuant les cadeaux aux enfants à l’occasion des fêtes de fin d’année.

photo Avec notre collaboratrice
Nadine Farra Zakhem.

Mauvais et bons souvenirs de la Présidence
N.Z.: Du mandat présidentiel, quels souvenirs gardez-vous le plus?
M.H.:
Il y a de bons et de mauvais souvenirs. N’oublions pas que le mandat de mon époux a été difficile à ses débuts; puis, on a restauré le palais de Baabda et on s’y est installé, cela est le bon souvenir. Toutefois, on n’a pas pu fêter ce retour à Baabda, car le Sud était toujours occupé; c’est le mauvais souvenir. Pour les amitiés, je conserve celle de Mme Hosni Moubarak - nous faisions partie du comité de l’Unesco de la femme pour la paix - et celle de Mme Chirac que je rencontre de temps à autre.
N.Z.: Le mandat de votre époux a été prorogé et maintenant, on parle de la prorogation du mandat du président Emile Lahoud; qu’en pensez-vous?
M.H.:
Du temps de mon mari, j’étais contre, car les gens aiment le changement. Pour ce qui est du président Lahoud, je ne peux vous répondre.
N.Z.: Pourquoi êtiez-vous contre?
M.H.:
A mon avis, il fallait respecter la Constitution. Peut-être considérant que les trois premières années avaient été dures, ils ont voulu proroger le mandat présidentiel.
N.Z.: Etes-vous amie avec Mme Andrée Lahoud et que pensez-vous de ses activités sociales?
M.H.:
C’est une femme très gentille que j’apprécie. Elle travaille énormément. De nos jours les épouses de présidents doivent s’activer, les gens ayant besoin d’une responsable à leurs côtés.
N.Z.: Que vous a donné la présidence?
M.H.:
La patience, la faculté de comprendre les gens et, aussi, le pouvoir d’imposer la fonction de Première Libanaise aux plans social, culturel et humain.
N.Z.: Lorsque vous regardez en arrière, que regrettez-vous de ne pas avoir fait?
M.H.:
Fonder des garderies dans les régions occupées et éloignées du pays.

Je suis optimiste
N.Z.: Combien de petits-enfants avez-vous et êtes-vous une grand-mère gâteau?
M.H.:
Elias et moi avons douze petits-enfants. Si je suis une grand-mère gâteau oui, mais pas beaucoup, juste le nécessaire.
N.Z.: Etes-vous optimiste dans ce monde où la violence sévit?
M.H.:
Il faut être toujours optimiste, sinon on ne peut pas vivre. Puis, les cycles de violence alternent avec des temps d’accalmie.
N.Z.: Que craignez-vous le plus?
M.H.:
Pour l’avenir de mes petits-enfants, j’aimerais qu’ils ne souffrent pas comme nous et ne connaissent pas les affres de la guerre.
N.Z.: Qu’est-ce qui vous émeut le plus?
M.H.:
Voir des enfants souffrant de maladie chronique.

NADINE FARRA ZAKHEM
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3954 - Du 19 Au 26 Juin 2004
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