A travers les peintures exposées à la galerie Janine Rubeiz, Fayçal Sultan se révèle au public comme un artiste d’envergure.

Les compositions sont solides et exécutées avec une palette riche. La toile est envahie par un jeu de plans de masses colorées et de textures. Formes, reliefs et couleurs expriment de la façon la plus vive le désir d’établir quelque nouveau lyrisme vigoureux indépendant et spontané. En effet, on ne sait plus si l’on est toujours dans l’univers visible, dont les apparences semblent pourtant témoigner, ou dans un autre univers, d’ordinaire invisible et dont les règles et les rythmes secrets prennent forme sous nos yeux.

TECHNIQUE, PUISSANCE, SENSIBILITÉ
Dans chaque toile, nous retrouvons la même maîtrise dans la technique, la même puissance dans les couleurs, la même sensibilité dans la composition, tout ce qui confère à l’œuvre sa perfection et dont bien peu d’artistes peuvent se vanter de détenir le succès. Sa façon de procéder est une lente approche d’une vérité conçue, non pas comme un mirage, mais comme une certitude intérieure qu’il s’efforce de capter lentement. Son talent, est, avant tout, dans la suggestion. Il n’y a pas un trait, une touche, une forme, une texture, un ton de couleur qui ne soit inspiré par le besoin d’adapter aux possibilités optiques une observation, une sensation, une émotion éprouvée.

LE TABLEAU, UN CHAMP CLOS AYANT SES PROPRES EXIGENCES
Réfléchi, mais non théorique, c’est par les voies les plus paradoxales que cet artiste parvient à remplir la mission qu’il s’est assignée, l’art de considérer le tableau comme un champ clos ayant ses exigences propres. Un monde en formes et couleurs issu de ses fantasmes montre de quelle audace transfiguratrice est chargé Fayçal Sultan. Son œuvre possède d’emblée cette pureté de source, cette évidence, cette fraîcheur que la création n’acquiert souvent qu’après beaucoup de recherches, lorsque le temps la dépouille de son opacité, de sa pesante charge d’intention.
Il y a chez ce peintre une volonté de création aussi éloignée que possible de l’accidentel, une imagination et une force naturelle qui font que ses formes les plus énigmatiques ne sont jamais gratuites ou littéraires.
Avec Fayçal Sultan, nous avons affaire à un art qui se recommande par sa justesse et son pouvoir. Il est parvenu à un accord entre l’inspiration et la technique, entre l’intelligence et la sensibilité, la richesse d’expression et la créativité.
Son talent est moderne par les moyens et révolutionnaire dans l’esprit.

La galerie Noah’s Ark qui s’est surtout spécialisée dans la présentation d’œuvres d’artistes arméniens, boucle sa saison artistique en jouant le tiercé gagnant avec une exposition groupant trois artistes-peintres: Samuel Garéguinian, Souren Vosganian et Hamlet.

“Waiting” - Huile sur toile de Souren Vosganian.

“Inner Galaxy” de Hamlet.

Des créateurs dont le talent est, aujourd’hui, reconnu non seulement en Arménie mais, aussi, à l’étranger. Cette manifestation riche et variée, a été placée sous le patronage de M. Areg Hovanessian, ambassadeur d’Arménie au Liban. Samuel Garéguinian nous propulse, d’emblée, dans un monde original et atypique, où les personnages semblent “écrits” pour des saynètes, mettant en espace des contes d’un autre temps, l’artiste tenant le rôle de souffleur de son théâtre. Et nous pénétrons dans ces lieux où l’imaginaire est le monde du peintre, son asile, sa terre natale. Avançant sur le fil de ses rêves, en acceptant toutes leurs exigences, aucune urgence ne le talonne, si ce n’est celle de la passion de peindre. Garéguinian est à sa place dans son pays des songes.
Il construit les architectures à part, y installe des personnages hors normes qui se promènent dans une atmosphère où le temps et l’espace sont abolis.

“Dialogue” de Vosganian.

“Maidenhood” de Vosganian.

ARTISTE PEU ORDINAIRE
Pour cet artiste peu ordinaire, chaque œuvre est une nouvelle aventure, comme l’attente d’une surprise qu’il découvre, heureux d’assister au mystère sans cesse renouvelé de la création. Travaillant en dehors de la réalité, en deçà de la logique des choses, il raconte les visions qui le hantent, s’évadant d’une histoire de l’art trop évidente, pour réinventer sa propre identité artistique. Il déroule son imaginaire comme on découvre un conte fantastique.
Le foisonnement intensif de son univers artistique frétille d’intentions graphiques, à l’image des doux délires inoffensifs.
Il promène d’une toile à l’autre ses personnages étranges, souvent difformes, dans des contrées surréalistes ou mystérieuses, au gré de ses inspirations illuminées.
Au vol, il saisit une multitude d’images et concentre toutes les diversités esthétiques en une cohérence graphique, en préservant ainsi toute la magie. Pour traduire ses espaces hors-temps, à l’atmosphère irréelle, insolite, Garéguinian pose des couleurs somptueuses: des rouges flammes, des verts irradiés d’une lumière venue du fond de la composition, des bleus outremer, des jaunes ocrés... Le dessin libre indique les contours essentiels des visages et des corps.
Garéguinian... Une peinture étrange et fascinante où tout semble évident au premier coup d’œil, mais qui entraîne le spectateur, tantôt à faire preuve d’analyse et, tantôt, à se laisser aller à la dimension du rêve. L’artiste a réussi son défi, car on ressent, en étudiant ses tableaux, une impression insinuante d’angoisse diffuse, la prise de conscience de l’impossibilité de pactiser avec le temps. Une conception très particulière, pour ne pas dire sa philosophie de la vie qui met en route un processus d’approche ne laissant aucune possibilité d’interprétation. Nous entrons dans son monde où nous restons à la porte avec toutes nos questions auxquelles nous n’apporterons jamais de réponses. Voilà, enfin, un artiste qui nous insuffle un oxygène au lyrisme envoûtant et décapant. S’envoler avec lui dans les contrées merveilleuses d’une inspiration débridée, libéré de ses scories rationnelles alambiquées, ranime en nous tous les sortilèges de notre imaginaire...

“The Gallant”. Une huile de Samuel Garéguinian.

Garéguinian campe des décors insolites.

Vosganian: Qualité de haut niveau
Totalement à l’opposé de Garéguinian, l’art et le style de Souren Vosganian. Un artiste talentueux qui a su créer un univers pictu-ral tout en nuances, à la poésie délicate.
Son travail est d’un haut niveau de qualité et sa maîtrise de la technique qu’il emploie lui permet de pouvoir exprimer sa pensée en totale harmonie avec ses sujets, les nus de femmes. Symboles de grâce, érotiques ou pudiques, ses nus reflètent l’attirance de cet artiste pour le dessin parfait, un prétexte également pour exprimer une sensualité exacerbée. Pour lui, peindre est un acte d’amour. Il défait et refait les corps humains. C’est la magie de faire surgir, disparaître et rejaillir les formes.
S’inspirant de la féminité qu’il nous offre dans toute sa splendeur, il interprète ses sujets de manière très réaliste et saisit, à merveille, les poses qui mettent en valeur la femme.
Une mystérieuse émotion, s’en dégage comme un message de bonheur et de plaisir. Ses sujets expriment un sentiment de sérénité et d’apaisement. Vosganian possède en outre une palette lumineuse, co-lorée et ce langage pictural aussi raffiné, subtil, tactile comme jade.
Les apparitions de ses féminités baignées dans un flux d’énergie picturale, captent les regards par une séduction immédiate. Pourtant, à bientôt, l’apparente facilité de la première impression cède le passage à une attention plus approfondie.
Des créations qui sont, avant tout, marquées au sceau d’une sensibilité artistique à fleur de peau.

LE MONDE ABSTRAIT DE HAMLET
Avec Hamlet, nous évoluons dans un monde totalement abstrait. Une peinture qui vit et ne peut être confondue avec la décoration. Les couleurs foisonnent, les formes s’égarent et se retrouvent, une vibration et un mouvement de vie accrochent le regard. La singularité de son œuvre, la forme d’abstraction que l’artiste conçoit, la latitude du geste créateur, les limitations qu’il impose aux moyens de la peinture, les pouvoirs de l’imagination qu’il enferme dans l’imperceptible, toute la conduite de cette œuvre, sa démarche et son but, l’approche qu’elle implique, agissent sans délai sur le spectateur.
A la vue des tableaux de Hamlet, ce qu’il y a d’extrême en eux, ou déroute ou fascine.