La fondation Aimé et Marguerite Maeght, haut lieu de l’art moderne perché à Saint-Paul-de-Vence en France, consacre ses quarante ans d’existence aux mariages heureux de la poésie et de la peinture.

Inauguration, en 1964, de la fondation Maeght
par André Malraux, ici en compagnie
d’Aimé Maeght et Marc Chagall.
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De 4 juillet au 14 novembre, les visiteurs dont il y aura gageons-le plusieurs Libanais en vacances ou établis dans la région, auront la chance de visiter l’hommage rendu à Aimé Maeght, avec cette manifestation très importante groupant des œuvres sous le thème de “l’Ecriture à la peinture”.
Proche d’une pléiade d’artistes comme Bonnard, Braque Miro, Chagall ou Giacometti, le marchand d’art Aimé Maeght avait créé en 1964, au-dessus de Nice, une importante fondation qui reçoit, aujourd’hui, 200.000 visiteurs par an.
Son histoire est celle d’une réussite qui tient beaucoup à l’étonnante symbiose entre le site, le bâtiment et la collection.
La fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. |
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“Les oiseaux”, de Braque.
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ARCHITECTURE DES LIEUX
La doyenne des fondations pour l’art contemporain en France, installée parmi les pins, sur une hauteur du pays de Vence, dans une architecture aux dimensions d’une maison (mère) avait été inaugurée le 28 juillet 1964 par André Malraux, ministre des Affaires culturelles.
“Dans des milliers d’années, quelqu’un se trouvant sur ces ruines, avait déclaré le ministre, mettra peut-être une plaque indiquant qu’il s’est passé une histoire ici, un moment de l’histoire de l’esprit”. Un long chemin a conduit Aimé Maeght, richissime marchand de tableaux et sa femme Marguerite, à concevoir et financer cet ensemble.
La grande qualité des Maeght a été de savoir établir avec leurs artistes des liens profonds. Bonnard aimait Aimé comme un fils, Braque faisait partie de la famille… C’est d’ailleurs ce dernier qui fut à l’origine de la fondation.
Les Maeght avaient un fils, Bernard, qui mourut à onze ans d’une leucémie. Aussi, leur donna-t-il pour conseil, afin de guérir de leur chagrin, d’élever sur les huit hectares qu’ils possédaient à Saint-Paul, ce qu’il appelait “une galerie idéale”.
La fondation se compose de deux grands bâtiments reliés entre eux par un hall d’entrée et ouvrant sur une grande terrasse.
Il a été construit par l’architecte catalan, Josep Lluis Sert qui a réalisé le pavillon de l’Espagne républicaine où était exposé “Guernica” de Picasso, à l’Exposition internationale de Paris, en 1937.
Sert a mis des murs de briques soulignés de béton clair, des sols en terre cuite, des ouvertures sur les pins et, sous le ciel, des terrasses tenues par des pans de murs en pierre locale. Sous prétexte d’amadouer la lumière qui entrait dans les salles, il dota le volume principal de deux cornettes de béton, leur accent polyglotte ponctue l’espace sans trop de gravité, mais justement, à la bonne place, comme du Miro dans le bleu d’un tableau.
Aimé Maeght a toujours été contre “le musée fermé, c’est-à-dire le labyrinthe dans lequel, lorsque vous voulez voir un tableau, vous devez défiler devant tous les autres”.
En dehors de sa collection prestigieuse qui va de Léger à Bonnard et Giacometti, la fondation comprend plusieurs œuvres monumentales, des mosaïques de Braque, Chagall et Tal-Coat, des vitraux d’Ubac, des sculptures de Miro, des mobiles de Calder.
On y trouve, aussi, les œuvres de Riopelle, Rebeyrolle, Pol Bury, Adami, Bram van Velde.
Ainsi, Maeght réalisait son projet en trois ans et demi seulement.
“Noé lâche la colombe”, de Marc Chagall.
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“Femme, oiseau, étoile”, Juan Miro.
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LA MAGIE INTACTE DE LA FONDATION MAEGHT
Bibliophiles passionnés, Aimé et Marguerite Maeght s’étaient également constitués une bibliothèque personnelle unique, où de grandes éditions originales illustrées en appelaient aux muses de la poésie, de la peinture, voire de la sculpture.
L’exposition débute par une brillante démonstration de la parenté entre écriture et peinture à l’aube des temps, toutes deux ca-ractérisées par le trait.
Trait, trace, point, empreinte, sillon, Raoul Ubac semble s’inspirer de l’art pariétal pour illustrer le “Vieux pays”, suivi de “Campagne” dans cette édition originale illustrée de Maeght.
En écho, une composition abstraite de Bram van Velde où la gouache trace des droites, des courbes, comme à la recherche d’un alphabet. Echo que lui renvoie, également, une grande frise de Pierre Tal-Coat et son célèbre “Saut I” évoquant des figures primitives. Et de même que le poète André du Bouchet joue à quatre plumes et pinceaux (“Sur le pas”) avec Tal-Coat, dans une autre grande édition illustrée chez Maeght, Jorge Guillen entre en résonance avec les labyrinthes d’Eduardo Chillida dans “Mas Alta”.
L’exposition est un bel exemple de la mise en espace de l’œuvre et de la nature, principe cher à la fondation.
D’une salle à l’autre, Juan Miro et ses “Personnages dans un paysage” lavis d’encre de Chine et fusain sur toile brûlée, prennent le relais du “Saut” de Tal-Coat.
Après l’alphabet poétique de Miro illustrant “Ubu Roi”, surgit l’univers de Braque, celui de ses oiseaux qui pépient.
“On n’ose imaginer le temps qu’ont consacré ces artistes qui, travaillant en symbiose l’un au côté d’un peintre, l’autre au côté d’un poète et re-doutant de ne pas être dignes du talent de leur pair, furent à l’agonie de donner le meilleur d’eux-mêmes”, note le directeur de la fondation, Jean-Louis Prat.
Après Chagall illustrant la Bible, éblouissement des couleurs, revient le trait découpant l’espace à travers les silhouettes longilignes de sculptures de Giacometti: hommes qui marchent, femmes debout…
Plus de cent poètes et écrivains et près de soixante-dix peintres et sculpteurs disent les résonances et les consonances de tout un siècle dans ce parcours ponctué de toiles célèbres.
“Le Chant des morts”, de Pierre Reverdy trouve son écho chez Pablo Picasso qui, par ailleurs, illustre d’une chèvre un ouvrage de Buffon.
Parfois, certains artistes n’ont pas connu les auteurs, mais s’en sont imprégnés. En témoignent Chagall et les Fables de La Fontaine, Georges Rouault et les Fleurs du mal de Baudelaire…
Dans d’autres cas, on perçoit la fulgurance d’une rencontre: Paul Eluard et Juan Miro, Tristan Tzara et Max Ernst.
Une si juste fusion qu’on ne sait qui, de l’un, inspire l’autre. Si c’est le pinceau qui dit les mots ou la plume qui trace le dessin. |