6lème Mostra de Venise: Un palmarès déséquilibré

Triomphe à la Mostra de Venise du film du Britannique Mike Leigh “Vera Drake” sur les avortements clandestins qui remporte, à la fois, le “Lion d’or”, ainsi que le prix d’interprétation féminine pour son actrice Imelda Staunton. Une double consécration que l’on retrouve au palmarès, également pour “Mar adentro” d’Alejandro Amenabar (Espagne), “Lion d’argent” - Grand prix du jury et la Coupe Volpi du meilleur acteur pour son interprète Javier Bardem.

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Ainsi, au terme de onze jours d’une compétition dans laquelle étaient en lice 21 films, le jury de cette 6lème Mostra présidé par le réalisateur britannique John Boorman, a livré son verdict. Outre ces deux films “Vera Drake” et “Mar adentro” et les prix d’interprétation à leurs deux acteurs, ont été, également, primés: “Binjip”, du Sud-Coréen Kim Ki-duk: “Lion d’argent” - prix de la mise en scène et “Le grand voyage”, d’Ismael Ferroukhi (France): “Lion du Futur” - prix de la meilleure première œuvre. Enfin, le Prix de la section parallèle “Horizons” est revenu au film “Les petits-fils”, d’Ilan Duran Cohen (France).

photo Le cinéaste britannique Mike Leigh recevant le “Lion d’or” des mains de Sophia Loren,
pour son film “Vera Drake”.

photo Désigné meilleur acteur pour son rôle dans “Mar adentro”, l’Espagnol Javier Bardem reçoit la Coupe Volpi des mains de l’actrice américaine Scarlett Johansson, membre du jury.

UNE HEUREUSE COÏNCIDENCE
Un palmarès apparemment déséquilibré, puisqu’il concentre ses principales récompenses (Lion d’or, Lion d’argent et les prix d’interprétation masculine et féminine) à deux films sur la vingtaine en compétition, faisant nécessairement beaucoup d’oubliés. Il a été toutefois bien accueilli par la critique qui a vu, simplement, une “heureuse coïncidence” dans le fait qu’un film britannique soit dégigné “Lion d’or” par un jury présidé par un... Britannique!
Dans le cadre historique du théâtre Fenice à Venise qui fêtait officiellement sa réouverture - fraîchement reconstruit à l’identique - la Mostra pour redorer son blason, a célébré la clôture de sa 6lème édition, samedi soir, en présence de tout le gratin du cinéma et de la jet-set internationale. Sophia Loren, marraine de la soirée, officiait sur la scène du prestigieux théâtre. La diva du cinéma italien a, d’abord, annoncé les hommages spéciaux rendus à deux vétérans du Septième art: l’Américain Stanley Donen, âgé de 80 ans, réalisateur inoubliable de la plus célèbre des comédies musicales: “Singing in the rain” (1952); et le vétéran portugais Manoel de Oliveira. Tous les deux ont reçu un “Lion d’or” spécial d’honneur récompensant l’ensemble de leur carrière. Egalement un “prix Mastroianni” a couronné un jeune talent. A l’issue de la proclamation du palmarès par le président du jury, le réalisateur britannique John Boorman et la remise des récompenses aux lauréats, un grand dîner a suivi au palais ducal.

photo La Coupe Volpi pour la meilleure actrice est revenue à l’Anglaise Imelda Staunton pour son rôle dans “Vera Drake”. photo L’actrice australienne Nicole Kidman, vedette du film “Birth” présenté à Venise.
photo Javier Bardem et sa Coupe Volpi.

DEUX BRÛLOTS: AVORTEMENT ET EUTHANASIE
En recevant le Lion d’or des mains de Sophia Loren, Mike Leigh a déclaré: “Au nom de toute l’équipe du film, nous vous remercions de tout cœur pour ce prix. Dans un monde cynique, il est rassurant qu’un film indépendant à petit budget soit récompensé de cette façon”. Puis, il a ajouté: “Je remercie, aussi, le Festival de Cannes d’avoir refusé ce film, ce qui m’a permis d’être ici”. Lauréat de la Palme d’or en 1996 à Cannes pour “Secrets et mensonges”, Mike Leigh a expliqué qu’il a voulu réaliser ce film parce que “aujourd’hui dans notre monde surpeuplé, l’avortement est devenu un enjeu fondamental... Mon rôle est de poser des questions, non de tirer des conclusions hâtives”. Quant au réalisateur espagnol Alejandro Amenabar qui a reçu le Lion d’argent des mains de Spike Lee, pour son film “Mar adentro”, il a remercié le public, la presse et le jury avant d’annoncer: “Ceci représente un début pour le voyage que nous allons entreprendre avec ce film à travers le monde. Au cinéma, je ne veux pas ouvrir le débat sur l’euthanasie ou sur le combat juridique pour sa légalisation”, s’est-il défendu.

photo L’actrice américaine Angelina Jolie à son arrivée place St Marc à Venise.

photo Au Lido, l’actrice américaine Lauren Bacall en compagnie du réalisateur anglais Jonathan Glazer.

LA LOI DOUBLEMENT SUR LA SELLETTE
Dans “Vera Drake”, Mike Leigh nous fait découvrir l’univers de Vera, une faiseuse d’anges dans l’Angleterre des années 50. Femme de ménage dont la famille est modeste mais heureuse, elle a toutefois un secret: elle aide, bénévolement, des jeunes filles à avorter, au mépris de la loi. Quant à l’autre film primé, ”Mar adentro” de l’Espagnol Alejandro Amenabar, le public de la Mostra lui avait réservé un véritable triomphe mêlé d’applaudissements et de larmes, lors de la projection à mi-festival. Dans ce film traitant de l’euthanasie, un tétraplégique (magistralement interprété par Javier Bardem qui, à 35 ans, décroche le prix d’interprétation pour ce rôle), revendique son droit à mourir dignement après 28 ans d’immobilité forcée. Seule récompense importante ayant échappé à l’Europe dans ce palmarès, le Lion d’argent - prix spécial pour la mise en scène, décerné au réalisateur sud-coréen Kim Ki-duk pour son film “Binjip”, narration poétique sur l’amour et la solitude .

UNE 61ème ÉDITION RÉUSSIE
Innovation cette année à la Mostra, “La journée des auteurs” a proposé douze films sur la grande Europe élargie à la Russie. Cette section indépendante financée par des sponsors, est venue de l’idée de deux associations d’auteurs italiennes - l’Anac et API - de créer une cousine de la “Quinzaine des réalisateurs” cannoise, à Venise, constituant ainsi le grain de sel dans le menu principal du festival. L’initiative a été couronnée de succès enrichissant cette 61ème édition de la Mostra dont le directeur, Marco Muller, ne cache pas sa satisfaction d’avoir réussi malgré tous les avatars inhérents à une entreprise d’une telle envergure.

Par Jean DIAB
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3967 - Du 18 Au 25 Septembre 2004
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