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Été, hiver, l’art au quotidien à Beyrouth
Un vernis culturel qui ne trompe personne
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Les grandes figures de l’art Kandinsky...
“Créer une œuvre, c’est créer un monde”
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Été, hiver, l’art au quotidien à Beyrouth
Un vernis culturel qui ne trompe personne

Les expositions d’arts plastiques se sont multipliées, à un rythme effréné, tout au long de la saison d’été et dans toutes les régions du Liban.

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Avec la rentrée d’octobre, la reprise des ma-nifestations artistiques à Beyrouth s’annonce déjà des plus intenses et ceci malgré la fermeture de quelques galeries et la suspension des activités de quelques autres, suite au marasme du marché de l’art, un marasme qui sévit depuis plusieurs années déjà, suite à la situation économique catastrophique du pays.

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EXPLOITER LE PRESTIGE QUE CONFÈRE LE MONDE DES ARTS
Mais peu importe, les municipalités, institutions, associations, sociétés, hôtels, etc... ont pris la relève. Tout est prétexte, à tort ou à raison, pour intégrer l’art au quotidien, (ou ce qui est “supposé être l’art”) et pour exploiter le prestige que confère le monde artistique aux organisateurs, aux individus, aux sociétés. Ils ont tous perdu de vue qu’un “vernis artistique” et culturel ne trompe “personne”. En effet, ce grand nombre de manifestations a souvent peu de relation avec la créativité et on peut regretter que la sélection des œuvres n’est jamais assez rigoureuse pour mettre en valeur et en lumière une diversité de démarches plastiques et de vrais talents confirmés ou prometteurs. L’art et la créativité ne sont pas le fait des troupeaux qui marchent d’un même pas ou peignent d’un même pinceau, ou de ceux qui prennent de simples bricolages, pour des œuvres d’art en relief, répondant à des critères d’innovation.

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QUE RELEVER DANS CETTE ACCUMULATION
DE MANIFESTATIONS ARTISTIQUES?

On y retrouve quelques talents confirmés - (si rares) - qui se promènent d’une collective à une autre, dans l’espoir d’écouler quelques œuvres, des artistes de toutes les générations, les aînés, les jeunes, les nouveau-nés, qui par leurs démarches, soulèvent polémiques, appuis ou condamnation.
Bref, il faudrait que les manifestations artistiques contribuent à valoriser la variété des approches et des accents, la dissemblance des sollicitations profondes et des options majeures. A la condition, bien entendu, que les arts plastiques: peintures, sculptures, photos, installations, art vidéo... soient le lieu de quelques événements, qu’un minimum de créativité s’y décèle.
Il faudrait, à travers une action artistique bien éclairée et responsable, inciter les plasticiens à vivre leur époque, travailler leur sensibilité, afin de parvenir à nous émouvoir par de nouveaux langages de nouvelles visions.
Avant de conclure, notons que le grief à l’égard des promoteurs de manifestations d’arts plastiques dont la sanction économique et sociale, autant qu’esthétique, est ce que nous nommons “le marché de l’art local”, c’est qu’ils ne favorisent, la plupart du temps, que des tendances artistiques reconnues, vendues, stockées, que l’art pour la consommation, “l’art produit” source plus ou moins rentable sur le plan financier.

Par Nicole MALHAMÉ HARFOUCHE

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Les grandes figures de l’art Kandinsky...
“Créer une œuvre, c’est créer un monde”

L’apparition des formes abstraites est sujette à contestation: toutefois, il est évident que la “première aquarelle abstraite” exécutée en 1910 à Munich par le peintre russe Wassili Kandinsky, est la première œuvre inobjective réalisée à partir d’une conviction profonde et dans un but clairement défini: substituer à l’imitation de la réalité une création pure où aucune suggestion d’images n’est volontairement acceptée.

photo “Elan tempéré”.

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“Beauté russe dans un paysage”.

En même temps, les créateurs du monde entier tous tributaires des mouvements comme l’impressionnisme, le divisionnisme, le fauvisme, le cubisme cherchaient une libération de l’image. C’est à partir du fauvisme et de la libre expression donnée par ce mouvement à la couleur que Kandinsky tenta d’élaborer un nouveau langage de la peinture qui allait impliquer une remise en question radicale de la vision et de la conception du tableau telles qu’elles étaient développées depuis des siècles.

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“Bleu de ciel”.

photo “Dans le carré noir”.


En 1908, c’est à Paris que Kandinsky recevra un double choc, les fauves et Gauguin lors du Salon d’Automne.
Pour les précurseurs involontaires de l’abstraction, la forme inobjective ne pouvait pas avoir la même valeur esthétique et morale; selon eux, le respect de la nature, lié à une émotion, une sensation demeurait fondamentale.
Kandinsky abolira ce mythe.
Les toiles réalisées en 1902 et 1907 traduisent un amour sensuel de la couleur.

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“Improvisation 6” ou la vibration des couleurs.


Il voyage beaucoup, il se “fait l’œil”. Vues avec des “yeux abstraits”, ces œuvres montrent à quel point les valeurs chromatiques prennent constamment le pas sur l’objet représenté; les larges touches empâtées apparaissent comme élément intégral du tableau.
A partir de 1909, le “chœur des couleurs”, terme employé par Kandinsky deviendra de plus en plus dévorant, il se chargera d’un pouvoir émotif et d’une signification cosmique intense. Cette évolution a été attribuée à l’influence d’un ouvrage de Goethe “Farbenlehre”, dont les théories mystiques sur le pouvoir des couleurs se rapprochent fort de celles qu’exprimera Kandinsky en 1910 dans son livre: “Du Spirituel à L’Art”.
Il étudie, également, les émotions provoquées par les différentes couleurs.
Toutes ces inspirations constituent la matière première avec laquelle il va établir les éléments de base de sa dialectique syntaxique.
Lorsqu’il n’était encore qu’un étudiant en droit à Moscou, il avait été frappé par “Les Meules” de Monet. “Soudain, pour la première fois, a-t-il écrit, je vis un “tableau”. Le catalogue me disait qu’il représentait une meule de foin mais je n’arrivais pas à en distinguer les contours… Il me semblait obscurément qu’il manquait un sujet à ce tableau. Mais il me frappait et se gravait profondément dans ma mémoire, s’y fixant jusqu’aux plus infimes détails”.
Treize ans plus tard, une expérience le convainc de l’inutilité du sujet et de l’importance sensorielle des couleurs. En rentrant chez lui un soir, il vit “soudain une toile d’une beauté inimaginable, vibrant de couleur intérieure. Je découvris aussitôt la clé de l’énigme: c’était une de mes propres toiles posée de travers. Je sus alors expressément que les objets nuisaient à ma peinture”, confie-t-il.

LE PASSAGE DE LA PéRIODE FIGURATIVE
Le passage de la période figurative à la démarche abstraite se fera sans heurt. Dans “Eglise” peint en 1910, les formes sont reconnaissables mais se fondent dans une unité colorée des éléments informels. Le passage “du matériel au spirituel”, selon le mot de Kandinsky lui-même se fait du particulier au général. Certes, le peintre a éprouvé longtemps la crainte de tomber dans une forme sans signification. “Qu’est-ce qui doit remplacer l’objet”?, cette question ne cessera de le hanter tant qu’il ne parviendra pas à substituer à cet objet sa puissance émotive correspondante. Ainsi, la “Première aquarelle abstraite” fut un coup d’audace, un saut dans l’inconnu. Le génie de Kandinsky dut d’avoir su les légitimer, les justifier et faire de cet avant-poste isolé dans l’évolution de la peinture l’affirmation d’une nécessité intérieure, d’une “pression intérieure” liées à l’intelligence, au raisonnement.
La “Première aquarelle abstraite” n’eut pas l’importance que l’on devait plus tard lui donner, sauf pour Kandinsky. A 44 ans, il est en pleine possession de ses moyens et est conscient de la valeur de son acte qui est non seulement réfléchi, médité, mais naturel.
Devant l’abstraction, l’artiste éprouve le sentiment de nécessité que devant le motif. Son élaboration répond à un ordre logique profond, mais la “Première aquarelle” apparaît surtout comme une impulsion. La main distance l’esprit. Il n’est pas utile ici de revenir sur les querelles de préséances concernant l’exécution de la première en date des œuvres abstraites; la consécration du binôme Kandinsky-Abstraction est un état de fait, il exprime d’une manière incontestable la logique et la nécessité absolue du processus de défiguration du peintre issu d’un raisonnement et non de l’accident et du hasard.

UNE QUÊTE MYSTIQUE
Kandinsky n’a jamais cessé de considérer l’abstraction comme une quête mystique. Il croyait en l’existence d’une vie émotive qui ne pouvait être exprimée que par un langage émotif, débarrassé du poids des apparences, à la fois unique et nu. Il ne cessera jusqu’à sa mort d’enrichir son vocabulaire propre et son contenu spirituel. Sa démarche est éclairée par deux ouvrages: “Du Spirituel à l’Art” et “Regards sur le Passé” qui opèreront chez les peintres une véritable révolution mentale.
L’abstraction s’est aussitôt épanchée dans son œuvre par le canal d’un irrésistible dynamisme lyrique. Kandinsky juge sa peinture, en 1913, comme “la collision retentissante de mondes différents, destinés à créer le nouveau monde dans leur lutte ou en dehors de leur lutte entre eux.
“Toute œuvre naît techniquement, de même que le cosmos est né, par des catastrophes, qui finissent par former une symphonie que l’on appelle la musique des sphères. La création de l’œuvre est une création du monde”.
Il n’est pas facile de porter un jugement d’ensemble sur l’œuvre de Kandinsky. Le champ de son activité a été trop vaste, trop long et trop varié le parcours accompli entre les premières esquisses de paysages et les dernières toiles parisiennes.
Une telle œuvre ne fait pas seulement découvrir une personnalité capable d’innover à l’infini, elle révèle aussi une des plus extraordinaires révolutions esthétiques.
Intuition et réflexion, fantaisie et raison, passion et rigueur, âme slave et esprit occidental, tout a contribué à la formation de Kandinsky, homme et artiste.
Promoteur infatigable de l’art abstrait, l’artiste croyait néanmoins à l’unité de toutes les formes de l’art et à la grâce qui lui était donné d’y participer.
“L’art, disait-il, reste muet pour ceux qui ne veulent pas écouter la forme. Oui! Et pas seulement l’art abstrait, mais toutes les formes d’art, y compris les plus réalistes”.

Par Sonia NIGOLIAN

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