t'as le look coco...

Elles sont belles et provocantes. Ils sont macho ou ingénus. Impossible de ne pas voir ces stars qui s’affichent sur les routes avec des semblants de slogans abracadabrants et de se demander: comment procèdent-ils et jusqu’où iront-ils?

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Les stars d’un mois, d’une saison lancent un disque, un titre, se font un minois et espèrent accéder à la postérité. C’est depuis quelque temps, une mode implacable. Entre les pubs de whisky, de sous-vêtements affriolants, selon les mois et les années, auprès des portraits figés des hommes politiques, nos préposés à la gloire s’évertuent à trouver preneur.
Pour les bichonner ainsi, toute une industrie est en marche. Les photographes les immortalisent, les publicistes proposent leurs panneaux, les machines high-tech reproduisent leurs photos géantes, sans oublier tous ces jeunes qui vivent du pinceau et de la colle perchés sur les routes. C’est que la roue tourne vite. Vedette d’un jour, aussitôt que le panneau est changé, une autre prend la relève. Les discothèques le certifient. “En gros, tout se joue en une semaine. Une fois que la publicité est enclenchée, nous recevons énormément de demandes du CD proposé, avant même qu’il soit disponible. Une fois sur le marché, le succès du disque est garanti; les gens l’ont tous déjà réclamé et viennent se l’acquérir au cours des prochains jours”.
Toute une économie en aval mais, aussi, en amont, puisque pour paraître ainsi, la vedette doit passer par un maquilleur, un coiffeur, un styliste et, bien sûr, la chirurgie esthétique. Ici aussi, les petits artisans qui se font des doigts d’or avec ce négoce pomponnent, attifent et rafistolent une frange dégingandée, un regard de biche ou une moue de diablesse. Suivre les stars dans leur tournée, génère pour tout ce beau monde beaucoup d’argent.

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Seul critère: avoir entre 18 et 28 ans
Comment arrive-t-on au firmament des stars? Pour devenir star cela demande quoi? De s’inscrire à Star Academy? Violemment critiquée par les détracteurs de la télé-réalité, Star Academy est, pourtant, un pourvoyeur à part entière d’étoiles qui, pour mériter leur titre, doivent passer par bien des émois. Après qu’une annonce dans les médias soit lancée dans les différents pays arabes, c’est par milliers que les postulants se présentent. Le seul critère de candidature exigé d’eux est de jouir de la décade d’or: avoir entre 18 et 28 ans et avoir été scolarisé, de préférence jusqu’au bac.

photo Georges Wassouf.

photo Nancy Ajram.

Après avoir présenté leur frimousse devant une caméra et un jury, exécuté quelques airs et trois petits tours de danse… Ils s’en vont. Mme Sana Iskandar, porte-parole de Mme Roula Saad, directrice du programme, explique les étapes: “Les appréciations du jury, une équipe de sept personnes opèrent dans chaque pays, une présélection. Le millier de personnes retenues devront faire leurs preuves, au moyen de la cassette-vidéo, devant un jury libanais composé notamment de la direction du programme et des professionnels de la télé. Se basant sur ce que dégagent leur présence, leur personnalité et leur prestance, quelques centaines seront retenues et examinées, cette fois, chez eux, avant qu’une centaine d’heureux élus soient filtrés pour se venir au Liban. Là, c’est la dernière étape qui retient 25, réduit une semaine plus tard aux 16 candidats définitivement choisis, notamment après avoir opéré des vérifications pour s’assurer que ce sont des talents bruts sans aucune expérience professionnelle”. Avoir quelque chose qui brille, retienne l’attention, puisse passer 24 heures à la télévision, sont les éléments qui déterminent le choix des potentielles “stars” qui devront, durant quatre mois d’apprentissage continu, prouver aux yeux des téléspectateurs qu’elles sont les meilleures dans le monde de la chanson.

photo Darine Hadchiti.

photo Kazem Es-Saher.

On connaît la suite. Quelques mois sous les caméras impitoyables, crises de nerfs et de pleurs en rediffusion, pondération pointue du moindre gramme excédentaire, gammes à gogo, sauts, danses, contorsions et galipettes à longueur de journée… Pour trôner au firmament des stars, les candidats se poignardent dans le dos chaque semaine lors d’un douloureux Prime, jusqu’à ce que le combat cesse faute de combattant. Le gagnant essoufflé par tant d’ardeur, se voit porté aux nues par un public échaudé à blanc qui, au bout de quatre mois de promiscuité soutenue avec les émules les a dépouillés de tout mystère. La gloire semble être là.

photo Myriam Farès.

photo Elissa.

Le phénomène n’est pas caractéristique du Liban
On se demande, toutefois: ainsi mijoté, le lauréat est-il réellement une star? En l’an 2005, oui, résolument. Et le phénomène n’est pas caractéristique du Liban. Importé de toutes les télés du monde, le système confirme une tendance difficilement contournable: réussir vite et se faire connaître partout. Il s’agirait même pour les plus pessimistes de s’assurer la célébrité par l’image, à défaut de talent.
Superstar est une autre émission qui vise à essaimer des talents, mais contrairement à Star Academy, le choix des candidats est déterminé par la voix uniquement et non plus par l’impression générale que dégage le candidat. Le jury composé de trois membres musiciens, entreprend les auditions et le recrutement des candidats dans les pays arabes. Après les avoir écoutés chanter, 82 candidats cette année (contre 52 l’année passée) ont été retenus. Au cours de douze émissions, dix à douze jeunes proposent aux téléspectateurs leur prestation et leur voix. Le public, à qui on aura montré durant quelques minutes, quotidiennement, des instantanés des répétitions, procèdera, lors du “prime”, via le téléphone ou l’Internet, aux éliminations successives pour ne retenir que le meilleur “chanteur”. “C’est après qu’il soit sélectionné que l’on s’occupe du look des finalistes”, affirme Myrna el-Haress qui les initie à la façon de se présenter.
Il faut rappeler que passer par la télévision, n’est pas une nouveauté, puisque pendant de longues années, le programme Studio el-Fan était le fournisseur N?1 de stars. Mais le directeur du programme, M. Simon Asmar n’a pas voulu répondre à nos questions.

Profession: chanteur
L’engouement que suscitent ces émissions télévisées et leur médiatisation soutenue, notamment par la prolifération des magazines a créé dans le pays une sorte de “profession” très recherchée. Celle de devenir chanteur. Et pour préparer ces jeunes à ces métiers, qui leur semblent rutilants, des écoles de musique poussent çà et là et s’érigent en mini-conservatoire, comme par exemple l’Académie Rotana, à 40 % affiliée à la célèbre maison de production Rotana qui détient la plus grande chaîne de musique câblée des pays arabes. A les voir “pousser” si vite pour être éclipsées, aussitôt, fait croire qu’il n’y a plus de vrais talents au pays. Pourtant, dans le domaine de la musique pop, des stars prennent du temps pour se lancer dans ce créneau. Elles passent des années à travailler dur et fort dans des apparitions scéniques, des deuxièmes rôles de fortune, avant de décrocher, un beau matin, une place brillante au zénith des étoiles.
Carole Samaha est de cette trempe de chanteuse qui, avant de “virer” à la chanson, a été promue au rang des meilleures actrices du pays. Les planches libanaises ne pouvant la faire monter au pinacle, elle tente sa chance dans la musique (voir notre article dans Style N?6 ). Pour qui veut la gloire, il est vrai que le plus grand rôle, une fois joué, devient du passé, contrairement au CD qui, lui, est monnayable, traverse les frontières et se conserve dans une collection.
Georges Wassouf est, aussi, de ceux qui triment depuis plus de vingt ans pour décrocher la lune. Toujours présent sur l’échiquier redoutable des hit-parades, il n’a plus besoin même d’adjoindre son nom à sa publicité. Ses dernières annonces montrent juste sa frimousse en indiquant le lieu et l’heure de ses représentations. Ils ne sont pas les seuls.

Halo autour du manager
“Pour monter, il faut avoir un potentiel et personne ne peut maintenir sa place, s’il n’a pas un talent véritable”, affirme M. Amine Abi-Yaghi, manager de plusieurs artistes, dont Elissa et Yuri Mourracadé.
Même son de cloche chez M. Nagi Baz (Buzz production) qui s’occupe avec M. Abi-Yaghi de la gérance artistique des vedettes de Star Academy: “s’ils n’ont pas de vraies aptitudes d’artistes, ils ne peuvent pas réussir”. Leur société Star System “cueille” les artistes dès leur sortie de l’académie. “Ils commencent tous par un contrat discographique: enregistrer une chanson avec une maison de disques et en faire un vidéoclip. Puis, poursuivent chacun son chemin, une carrière solo”, précise M. Baz.
Tout un halo entoure le manager de l’artiste. Certains très connus sont l’ombre de l’artiste qu’ils “gèrent”. Ils l’accompagnent partout et décident de tout: la robe à porter, la coiffure relevée, le maquillage forcé… C’est le cas, par exemple, de Gigi Lamara qui suit partout Nancy Ajram comme le confirme son épouse. “Il arrive que certains hommes d’affaires prennent en charge de bout en bout l’artiste et lui imposent ses conditions. En principe, son rôle est d’organiser les spectacles, l’enregistrement des vidéoclips, dénicher des contrats publicitaires, du moins pour les stars de la catégorie A, comme celles dont je m’occupe. Mais chaque cas est différent, certains artistes s’imposent par eux-mêmes, d’autres se font connaître par la télévision, d’autres plus jeunes ont besoin d’être guidés, etc”, ajoute M. Abi-Yaghi.
Les finalistes de Superstar sont pris en charge par une filiale de la Future TV que dirige M. Ahmad Arab. “Nous parrainons les jeunes pour les faire connaître: organiser les rencontres avec la presse, les soirées où ils se reproduisent, renouveler leurs sites web, gérer leur publicité, leurs contrats, en plus de prévoir les tournées dans les pays arabes”. Et de conclure, confirmant les dires des autres managers: “Leur défi consiste à se maintenir au-devant de la scène”.

Toute une économie vit de ce trafic artistique
La question demeure pourtant: Comment se fait-il qu’à part quelques grandes pointures dans le domaine, nos vedettes innombrables, louangées si fort, ne tiennent que quelques semaines ou mois pour être aussitôt supplantées par d’autres?
Il y a là un phénomène sociologique qui relève de la nécessité de tout surconsommer, même les artistes. Les psychologues le confirment. Mais il y a, aussi, la conjoncture qui facilite la production et la commercialisation de ces “vedettes”. C’est à coups de passage télé, d’interviews, de présence assidue dans tous les points “hots” de la ville que beaucoup tentent de prouver que leur voix mérite toute l’attention qu’on leur porte. La presse écrite vit en grande partie de ce commerce (voir encadré), les médias audiovisuels en font leurs choux gras. Pas un mariage, une réception ne se tient plus sans faire appel à une figure connue ou… un corps attrayant. Cela est d’autant plus facilité par le nombre croissant de maisons de disques, de productions, relayées par les chaînes musicales câblées. C’est toute une économie qui vit de ce trafic artistique.
Ainsi, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la chaîne de télévision Rotana ne prend pas de redevances pour passer des vidéoclips, même pour ceux qui ne sont pas produits par la maison de disques qu’elle détient la Rotana Audiovisual “Nos gains proviennent des publicités, des SMS, des jeux qui s’organisent autour de ces clips”, affirme M. Patrick Gholam, son directeur de marketing.
Le plus aberrant dans ce business et bien que cela ne soit pas une règle, c’est que “pour avoir un contrat avec une maison de disques, il faut avoir un vidéoclip à lui proposer. L’artiste demande à un réalisateur de lui en faire un. Ce n’est plus la chanson qui compte, mais d’avoir un vidéoclip”, révèle Mme Caroline Labaki, productrice de vidéoclips. Ce que confirme Mme Kinda Mourani, directrice artistique de Music Masters: “En général, le chanteur n’attend pas de s’enrichir avec son CD; il compte sur lui, juste pour le lancer et s’enrichir par tout ce que le CD peut générer comme célébrité”.
La rumeur veut que cette course effrénée au vedettariat, via la chanson, soit une des facettes de l’activité très en vogue au Liban, à savoir: se faire choisir par un émir arabe pour s’assurer une retraite en or. Les premiers pourvoyeurs de “vedettes” seraient les agences de mannequins. Fortement relayées par les revues de “stars”, étiquetées par certains comme “albums de débauchées”. Avec leur photo, nombril en l’air ou sein engorgé, ces jeunes filles pour 10.000 $ demanderaient elles-mêmes à faire la couverture des revues distribuées dans les pays arabes. Pourquoi la chanson alors? Pour hausser leur standing et leur prix. Une chanteuse est censée avoir un autre poids et donc exiger plus.
Ainsi, beaucoup de bavardage a circulé autour de Haïfa. Il ne fait pas de doute que celle-ci doit sa réputation à son charme. Par le biais de son minois et la rondeur de ses courbures, la chanson lui a ouvert ses portes. Critiquée par beaucoup pour ne pas être à la hauteur des partitions qu’elle interprète, elle n’en demeure pas moins une “bombe” qui attend l’heure et le moment de déborder du cadre national et prouver à tous (et à toutes) que la gloire se résume souvent au charisme et que Marilyn Monroe n’a rien à lui envier (voir interview page ci-contre avec Chris Nassif).

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3987 Du 5 Au 12 Fevrier 2005
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