Après Jdeidé, Kaslik...
La chaîne des explosions renforce les liens entre les régions

De Raouché au Saint-Georges, à Jdeidé; puis, Kaslik... (la liste demeure ouverte), la chaîne des explosions terroristes grandit tous les jours d’un maillon, ce qui renforce l’unité des Libanais, puisque les prenant tous pour cibles, sans exception et les mettant devant un choix, désormais, clair: souveraineté ou sécurité, les deux ensemble étant estimées comme un don trop généreux et immérité.

photo Voiture calcinée et débris jonchant la rue principale de New Jdeidé.

photo Les habitants du quartier sont tous descendus dans la rue pour inspecter les dégâts.

Grenades sonores à Aley et Choueifate, rafales de tirs et bombes fictives annoncent, paradoxalement, une période heureuse, dont nul ne doute plus. Toujours est-il que cette période de transition marquant le passage de l’occupation à la liberté, reste frappée au sceau du terro-risme qui refuse de lâcher prise, inscrivant sur le tensiomètre du pays ses derniers soubresauts d’agonisant. Ainsi, les dernières explosions en date, ont eu lieu de nuit, l’une dans la rue passante et commerçante de New-Jdeidé; l’autre, à Kaslik, au centre commercial “Altavista”.

photo L’immeuble devant lequel était mise la charge explosive de Jdeidé.

photo Véhicule endommagé par l’explosion.

Des messages, certes, forts puisque criminels, que les cerveaux qui les orchestrent, cherchent à envoyer à une population fatiguée par trente ans d’occupation et un peu moins, de combats. Une tentative de déstabiliser la sécurité et de semer à nouveau la frayeur dans le cœur des Libanais plus révoltés que jamais.

photo Des effectifs de la Croix-Rouge réconfortant cette femme fortement secouée par l’horreur.

photo Un des trois victimes de l’attentat de Kaslik.

Dans la nuit du vendredi à samedi, il est minuit trente passé, quand une explosion terrifiante brise la nuit de la banlieue beyrouthine de Jdeidé. La façade du premier étage de l’immeuble “Horizon” est soufflée. Les vitres des immeubles avoisinants volent en éclats et de nombreuses personnes sont blessées pendant leur sommeil. Onze blessés sérieux: Carine, Samira, Marlène, Sabrine Sleimane et Nour Médawar sont transportées à l’hôpital Al-Arz; Nohad Nehmé et Elie Hassoun, à l’hôpital Saint-Joseph; Georgette Bitar, Zaher Roustom et Sarkis Ohanessian à l’hôpital Haroun; Elie Nehmé à l’hôpital Abou-Jaoudé; alors que les secouristes de la Croix-Rouge soignent sur place trente-quatre blessés atteints par des bris de verre.

photo Un des trois victimes de l’attentat de Kaslik.

photo Le député Mansour el-Bone, l’un des premiers à se trouver sur place.

Des dégâts matériels considérables, des voitures endommagées, voire perdues, le bilan est lourd, mais les comploteurs qui ont choisi la nuit pour marquer leur coup, se sont quand-même montrés cléments car, de jour, les victimes d’une telle explosion auraient été innombrables. Selon les premiers éléments de l’enquête, c’est une voiture “Datsun” appartenant à Hagop Jangolian, un des habitants de l’immeuble endommagé, qui a sauté. Il l’avait garée à 19h30 avant de rentrer chez lui. La charge explosive de 25 kg de TNT, avait été placée sous le véhicule et reliée à un système d’horlogerie. Un cratère d’une profondeur de 1,10 m et d’un diamètre d’un mètre et demi a creusé la rue, alors que la “Datsun”, propulsée, atterrissait dans la rue principale. Les habitants ont quitté l’immeuble “Horizon” en attendant sa restauration. Plusieurs personnalités sont accourues sur les lieux, notamment, les députés du Metn: Michel Murr, Pierre Gemayel et Nassib Lahoud. Pierre Gemayel a déclaré: “Les messages se suivent, mais les Libanais sont unis. Ils ont dépassé le stade de la peur et sont plus que jamais attachés à la souveraineté et à l’indépendance de leur pays”.

photo Spectacle de désolation devant le centre Altavista à Kaslik.

photo Les forces de l’ordre accomplissant leur travail.

Nassib Lahoud a estimé que cet odieux attentat a pour objectif “de forcer les Libanais à choisir entre leur liberté et leur sécurité. Les Libanais ont fait leur choix: ils ont opté pour la liberté et savent que seules la liberté et la démocratie sont les véritables garantes de leur sécurité”.
Bahia Hariri, députée de Saïda, a été accueillie par les applaudissements des habitants de New-Jdeidé émus. Elle a dit, en substance: “Je suis venue vous dire que la perte de Rafic Hariri et de ses compagnons suffit. Nous allons faire face à toutes les tentatives visant à replonger le Liban dans la guerre ou portant atteinte à la sécurité des civils... Je suis venue vous dire que nous résisterons ensemble. Nous traversons une période délicate et dangereuse”... Les députés du Kesrouan-Jbeil: Farid el-Khazen et Néemtallah Abi-Nasr, ainsi que Najib Mikati, député de Tripoli, ont également, dénoncé l’explosion et ses commanditaires; le premier s’en prenant aux services sécuritaires “prêts à affronter l’Opposition jusqu’au bout”.
Par ailleurs, le chef de l’Etat a demandé une estimation rapide des dégâts, afin de venir en aide aux habitants, dont certaines familles qui ont à la fois perdu leur appartement et plus de trois ou quatre voitures leur appartenant.

À KASLIK
Trois tués (dont une Sri Lankaise et deux Indiens), quatre blessés au moins et d’énormes dégâts matériels, tel est le premier bilan de l’explosion de Kaslik qui a frappé le centre commercial “Altavista”. Une région riche en boîtes de nuit et en établissement commer-ciaux de luxe. La nuit du lundi à mardi, peu après 1 heure du matin, une valise piégée a explosé, dévastant littéralement, le centre “Altavista”, dont par bonheur ce soir-là, les night-clubs étaient fermés évitant ainsi une véritable catastrophe. Les morts et les blessés ont été transportés à l’hôpital N.-D. du Liban à Jounieh.
Les informations premières restaient vagues au moment de mettre sous presse et on ignorait encore si la valise avait été placée au se-cond étage du bâtiment ou dans une “Datsun” (encore une!) garée dans le parking derrière le centre. MM. Mansour el-Bone, Néemtallah Abi-Nasr, Farid el-Khazen et Farès Bouez, députés de Jbeil-Kesrouan, accourus sur les lieux, ont là encore condamné l’attentat estimant qu’il s’agit “d’un message politique par excellence visant l’intifada de l’indépendance”.
Mercredi à midi, les propriétaires des boutiques prestigieuses pleuraient amèrement les millions de dollars de pertes en déblayant les décombres. Des jeunes gens, dans un élan d’espoir, se sont empressés de couvrir la façade endommagée d’un drapeau libanais géant et, vers 14 heures, les différents pôles de l’opposition se sont rendus sur les lieux à l’issue de leur réunion à Kornet Chehwane, pour dénoncer la barbarie des “serial killers”.
De Marwan Hamadé à Rafic Hariri, à un pauvre Sri Lankais ou Indien venus travailler chez nous, à un malheureux Libanais qui dormait paisiblement dans son lit,... les cerveaux malades semblent appeler avec Brel: “Au sui-vant!”

N.El-K.N.
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3994 Du 26 Mars Au 2 Avril 2005
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