Les regards sont maintenant braqués sur le Liban-Nord où se déroulera dimanche le quatrième et dernier round des élections législatives, dans une atmosphère si tendue et électrisée, que tout pronostic quant à l’issue du scrutin le plus serré s’avère aléatoire, voire difficile.

Le général Aoun et M. Sleiman Frangié.
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L’enjeu de l’ultime bataille électorale est si important, que les principaux chefs de file en lice, ont transposé leur brain-trust dans la capitale nordiste.
Bien plus, l’un d’eux, le général Michel Aoun s’y est rendu au début de la semaine et après une visite à Ehden, a gagné Tripoli, en compagnie de M. Sleiman Frangié, dans une tentative (réussie) de le raccommoder avec le président Omar Karamé. De fait, l’Effendi a déclaré que sa brouille avec le député zghortiote, était un “nuage d’été”.
DIATRIBE KARAMÉ-HARIRI
Le Général a été suivi, deux jours plus tard, par M. Saad Hariri qui a installé son quartier général dans un hôtel de Tripoli pour être proche du “champ de bataille”.
Ce qui a suscité une réaction hostile de la part de M. Karamé qui a émis cette réflexion: “Notre ville n’est pas à vendre”.
M. Hariri a répliqué au leader tripolitain, en rappelant que “le “Courant du Futur” est déterminé à poursuivre l’exécution du projet paternel que des parlementaires nordistes avaient combattu et dont ils ont empêché l’exécution, bien qu’il profite à tout le Liban-Nord”. Il a dit encore que Rafic Hariri ne pouvait pas visiter la capitale nordiste et que lui-même a tenu à s’y rendre, “en dépit des menaces contre sa sécurité personnelle qui lui avaient été adressées”.
Cheikh Saad a ajouté: “Notre bataille a pour principal objectif de faire tomber, définitivement, les organismes sécuritaires, de combattre la corruption et les corrupteurs”.

Le président Omar Karamé. |
M. Saad Hariri.
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Mme Sethrida Geagea.
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Puis, au cours d’un déjeuner offert mercredi à Tripoli, auquel il a convié les présidents des municipalités et les moukhtars de la ville et du Nord, il a dénoncé, “ceux qui cherchent à fermer notre maison d’une manière définitive, quand ils ont vu les gens y affluer. De plus, ils reprennent leur cabale contre nous, en prétendant que les listes de candidats étaient constituées à Koraytem, comme elles l’étaient auparavant à Anjar et en me surnommant le nouveau Rustom Ghazalé”.
Et d’enchaîner: “Tout le monde sait qui a volé le Casino, la banque al-Madina et exploité les carrières contrairement à la loi”.
M. Hariri a déploré les termes utilisés par le président Karamé à son égard, affirmant qu’il respecte les Tripolitains, “gens honnêtes et bons patriotes” et que personne ne songe à leur imposer les candidats à la députation. “Aussi, restent-ils maîtres de leur décision, nul ne songeant à les priver du droit de porter leur choix sur les candidats qu’ils jugent aptes à les représenter et à défendre leurs intérêts”.
NAYLA MOUAWAD CONTRE BERRI
De son côté, Mme Nayla Mouawad a tenu mercredi une conférence de presse à son domicile de Zghorta, pour exposer la situation au plan électoral et son programme pour l’étape future, en tête duquel figure la réconciliation nationale.
Puis, elle a attiré l’attention sur le fait qu’il n’y a pas de liste propre au Courant patriotique libre, lequel soutient la candidature de quatre de ses membres.
“J’évoque avec respect, dit-elle les noms de Mikhaël Daher et du Dr Abdel-Majid Raféi, mais non de ceux qui cherchent à infiltrer des symboles pro-syriens à la Chambre des députés. Je peux assurer que le tsunami (entendre le général Aoun) ne sévira pas au Liban-Nord, comme il l’a fait à Jbeil-Kesrouan et au Metn-Nord, la semaine dernière”.
Et comme pour dénier le droit au Général de s’attribuer le mérite d’avoir permis au Liban de recouvrer son indépendance, sa souveraineté et sa décision libre, Mme Mouawad, ne partage pas l’avis de M. Walid Joumblatt selon lequel “le succès du Général au Metn-Nord et à Jbeil-Kesrouan risque de mener le pays vers une guerre civile”.
“Si, conclut-elle, des obsessions sont remontées à la surface après le scrutin du Mont-Liban, nous en assumons tous la responsabilité et avons le devoir de dissiper la crispation au sein de la Chambre”.
Enfin, Mme Mouawad a annoncé qu’elle ne votera pas en faveur de M. Nabih Berri, disant “qu’il a dirigé l’Assemblée d’une manière inacceptable, en refusant de convoquer le parlement en séance plénière pour débattre de projets et de questions d’une importance capitale, quatre séances tout au plus ayant été tenues au cours des derniers mois ayant précédé la fin de la législature”.
NAÏM KASSEM: LAHOUD TERMINERA
SON MANDAT
Quant à cheikh Naïm Kassem, secrétaire général adjoint du “Hezbollah”, il a observé que l’affaire des armes de la Résistance s’est compliquée après les élections générales, “les Américains étant perplexes, ne sachant quelle position adopter à l’égard de ces armes, la tendance n’étant pas dans le sens qu’ils sou-haitent”.
En réponse à une question à propos du cas du Dr Samir Geagea, le NÞ2 du “Hezb” se limite à dire: “Nous sommes en faveur du règlement une fois pour toutes de ce dossier, une solution acceptable devant lui être recherchée par la nouvelle Assemblée”.
En ce qui concerne le président Lahoud et la demande de certains milieux exigeant sa démission, cheikh Kassem exprime la position du “parti de Dieu” en ces termes: “Le général Lahoud étant toujours président en vertu de la Constitution, nous ne sommes pas en faveur de sa démission, la campagne menée dans ce sens ayant perdu de sa vigueur. La tendance est maintenant en faveur de son maintien à la tête de l’Etat jusqu’à la fin de son mandat”.
A la question: Confirmez-vous la présence d’agents des SR syriens, cheikh Kassem répond: “Nous ne disposons pas de renseignements sûrs sur ce sujet”.
Le “Hezbollah” est-il disposé à engager le dialogue avec le général Aoun, lui a-t-on demandé. “Le dialogue avec le Général n’a jamais été interrompu et il se poursuivra, s’il plaît à Dieu. Des divergences de vues ont émergé entre nous et nous sommes disposés à nous concerter avec toutes les forces vives de la nation”.
De plus, il déplore ce qui est advenu au plan électoral, avec l’émir Talal Arslan, “que nous considérons comme un élément vital au Liban; c’est une erreur d’exclure un pareil représentant de la communauté druze et d’éloigner les Libanais les uns des autres”.
AOUN: OUI À LA RÉUNIFICATION DES LIBANAIS
Mis au courant des propos du NÞ2 du “Hezbollah”, le général Aoun s’est prononcé, de son côté, sur la recherche d’une “solution logique et acceptable aux armes de la Résistance, ce qui pourra être obtenu à la faveur d’un dialogue de toutes les parties libanaises sans en exclure aucune”.
A la question: Vos nouvelles alliances avec des symboles syriens ne posent-elles pas un problème?, il répond: “Hariri, Joumblatt et tous les autres ont coopéré avec les Syriens... Mais ils m’en veulent pour avoir soulevé la question de la corruption et exigé des comptes à tous les corrupteurs et les corrompus”.
M. Ibrahim Kanaan, député élu du CPL, s’est dit acquis à une réconciliation nationale, dont aucune partie libanaise ne serait exclue, “sur la base de la liberté d’opinion et d’expression, chacun devant respecter le point de vue de l’autre. Il ne peut en être autrement, si nous prétendons être des démo-crates ouverts à tous les courants d’idées”.
Mouvement séditieux à Rachaya?
Sur un autre plan, on ne peut passer sous silence le climat tendu qui caractérise certaines agglomérations de la montagne et de la Békaa à prédominance druze.
De fait, des rixes ne manquant pas de gravité se sont produites à Choueifate au début de la semaine et après la proclamation des résultats du scrutin, entre des partisans de MM. Walid Joumblatt et Talal Arslan, venant après les incidents qui avaient eu lieu durant la campagne électorale à Sofar.
L’émir Talal a réagi violemment, insinuant que “des soldats de l’Armée avaient failli à leur devoir”, en ne prévenant pas les heurts entre les Joumblattis et les Yazbakis.
M. Waël Abou-Faour, député élu du parti socialiste progressiste à Rachaya (Békaa-ouest), a mis en garde contre “une tentative de sédition”, dans cette région. “Je n’accuse personne, a-t-il déclaré, mais on signale la présence d’agents des SR qui incitent la population à fomenter des troubles à des fins qui n’échappent à personne”.
Cheikh Daoud Saad, dignitaire druze, a demandé à M. Joumblatt “d’agir avec sagesse et de n’épargner aucun moyen ni effort pour dissiper la crispation au sein de la communauté. Car, a-t-il observé, les élections sont maintenant derrière nous et il faut d’urgence normaliser la situation dans nos régions, prêcher la modération et la tolérance parmi nos coreligionnaires et tous les Libanais”.
Aux dernières nouvelles, de nouveaux incidents ont été signalés dans les localités de Kinia et Chouaya à majorité druze.
Issam Farès non surpris
par les résultats de la montagne
M. Issam Farès, député de Akkar, qui a renoncé à poser sa candidature aux élections, a refait parler de lui, cette semaine. En effet, il s’est dit optimiste quant à l’avenir de la démocratie au Liban.
Se réjouissant du taux élevé de participation au vote dans la Békaa et la Montagne, il a émis ces réflexions: “Je n’ai pas été surpris par les résultats dans ces circonscriptions, sauf par l’échec de certains candidats connus pour leur représentativité.
“Quant à la confusion qui caractérise la consultation populaire, ajoute-t-il, elle est due à la loi électorale unanimement contestée”.
Puis, M. Farès a trouvé étrange qu’en pleine opération électorale, le gouvernement se soit préoccupé de régler le litige autour du dossier du cellulaire avec la société FTML, portant sur un montant de 96 millions de dollars au profit de cette dernière. “Cette précipitation, ajoute-t-il, est injustifiée, l’Etat libanais disposant encore d’un délai de quelques mois avant que le tribunal de Genève statue sur la demande d’invalidation du jugement rendu, présenté par le ministère des Télécoms. Etant donné que le ministre actuel ne s’est penché sur ce dossier que depuis quelques semaines, ce qui pose de grands points d’interrogation autour du timing de cet arrangement”.
M. Farès trouve, également, étrange le fait pour le Conseil des ministres d’avoir décidé de payer un tel montant pour trancher un litige, au moment où la réunion de Paris examine les moyens de venir en aide au Liban, en raison de la situation financière délicate à laquelle il est confronté, “à la condition d’arrêter le gaspillage des fonds publics et de procéder à des réformes politico-économiques radicales”.
Les députés du CPL au siège du Tachnag
Les nouveaux députés du Metn-Nord ayant fait partie de la liste de “la réforme et du changement”, du Courant patriotique libre (CPL - aouniste) - ont rendu visite au Tachnag, où ils ont été reçus par M. Hovig Mékhitarian, secrétaire général du parti et les membres du comité central, en plus de MM. Hagop Pakradounian et Sebouh Hovnanian, députés.
Il s’agit de MM. Ibrahim Kanaan, Ghassan Moukheiber, Nabil Nicolas, Edgar Maalouf, Alain Aoun et Michel de Chadarevian.
Parlant au nom de ses collègues, M. Kanaan a déclaré: “Notre visite est naturelle en raison de l’alliance que nous avons signée avec le Tachnag. Nous en avons profité pour parler de l’avenir, parce que nous sommes liés par un projet plus grand qu’une alliance, à la dimension de la patrie”.
Le général Maalouf a considéré que “la victoire de la liste du CPL est à la dimension du Liban, ce qui nous permettra de concrétiser une nouvelle politique pour l’avenir”.
Invité à parler de ses prévisions quant aux élections du Liban-Nord, le général Maalouf répond: “Nous nous attendons à gagner et ainsi, nous disposerons au parlement d’un grand bloc capable d’atteindre les objectifs de la réforme et du changement”.
Les députés du CPL ont, enfin, remercié les électeurs metniotes, promettant “de se mettre à l’œuvre sur base d’un programme politique aux lignes bien définies”.