Après Katrina, Rita et Stan, Wilma, Alpha et les autres
Par Evelyne MASSOUD

Les images se superposent les unes aux autres pour heurter nos mémoires. Wilma, 21ème tempête tropicale et 12ème ouragan de l’année, a rappelé les désastres de Katrina, Rita, Stan et fait quelque peu de l’ombre aux trois millions de sans-abri cachemiris, dont certains sont toujours ensevelis dans leurs montagnes glacées. Wilma, estime-t-on, a dépassé en intensité les précédents ouragans, atteignant le pic de la saison cyclonique, du jamais vu depuis 1969. Les rafales de vent soufflant jusqu’à 285km/h ont soulevé les avions dans les aéroports, renversé les bateaux sur les berges des fleuves, rasé les maisons, déraciné les arbres et fait monter sur les rivages de l’océan des vagues de 5 à 8 mètres. Qu’est-ce qui se passe sur la planète Terre? D’après le Centre national des ouragans (NHC) basé à Miami, la mer des Caraïbes et le golfe du Mexique sont victimes d’activités cycloniques, bien supérieures à la normale, en cette saison et cela pourrait s’étendre sur plusieurs décennies.

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Photo satellite de l’ouragan Wilma.

Pour la saison qui court de juin à novembre, les six listes de prénoms (de 21 chacune) sont épuisées et l’on a déjà recours (pour la première fois) à l’alphabet grec qui commence par Alpha. La décision de donner aux cyclones des prénoms a été prise en 1950 par le Bureau météorologique américain. Les tempêtes tropicales étaient baptisées de prénoms féminins jusqu’en 1953, date à laquelle ceux des hommes ont été associés à la furie de la nature, après les protestations des ligues féministes, révoltées à l’idée de voir les seuls prénoms de femmes associés aux désastres naturels. L’utilisation des mêmes listes revient tous les six ans, les noms des cyclones dévastateurs, de sinistre mémoire, comme ceux de Mitch, de Katrina et Rita devant être abandonnés en cours de route.

photo Une famille observant les vagues à La Havana.

photo Paysages de désolation à Playa del Carmen au Mexique.

Le réchauffement et les changements climatiques
L’intensité des cyclones pourrait être liée au réchauffement climatique, craignent les scientifiques qui n’ont pas de réponses concluantes à une série d’interrogations. Les émanations de gaz carbonique contribuent au réchauffement de la terre. Et c’est pour les réduire qu’a été adopté le protocole de Kyoto, nettement insuffisant face aux dangers qu’encoure la Terre avec la montée des océans. La théorie de la dérive des continents a été présentée en 1912 par un physicien-météorologue allemand, Alfred Wegener, expliquant, à partir de différentes sources, la configuration de la Terre et la dérive des continents depuis des centaines de millions d’années.
Actuellement, des moyens sophistiqués par satellite sont utilisés pour détecter le mouvement des plaques et d’une possible dérive des continents, ainsi que celui de la fonte des glaciers, la montée des eaux, l’inondation des terres, etc...
Il ne faudra pas attendre des millénaires pour observer les changements climatiques et craindre leurs effets sur la vie des gens. La saison des ouragans 2005, dévastatrice dans l’Atlantique, a déjà causé suffisamment de ravages pour poser des questions aux scientifiques. Katrina, fin août a causé 1.200 morts en Louisiane, Alabama et au Mississipi a été relayé par Rita à la mi-septembre pour lais-ser place à Stan en Amérique centrale.
Wilma qui a balayé la côte atlantique est parti du niveau 5, le plus haut sur l’échelle Saffir-Simpson, pour être rétrogradé à celui de 4, de 3, puis de 2 en soufflant sur la presqu’île de Yukatan, à l’est du Mexique, dévastant ses plages par des pluies dilu-viennes pendant plus de 36 heures. Vendredi et samedi derniers, la presqu’île offrait un visage de désolation d’autant plus inquiétant, que la faible vitesse du cyclone de 7km/h puis 5km/h le rendait encore plus dangereux. Alors que les touristes désertaient les plages, trouvaient refuge dans les gymnases et les écoles, en attendant leur évacuation vers leur pays, des victimes tombaient: 8 morts, de nombreux disparus. Les dégâts étaient considérables, les infrastructures détruites. Lâchés à Cancun, les pillards dévalisaient les sites abandonnés.

photo Cancun, bâteau de pêche renversé après le passage de Wilma.

photo Les gens plongent dans les rues-fleuve à Playa del Carmen.

En week-end, il frappait Cuba qui s’était préparée au pire, avait procédé à l’évacuation de 500.000 personnes, tandis que soufflait déjà la tempête tropicale Alpha sur la République dominicaine et faisait 10 morts à Haïti. Alors que l’ouragan Wilma (qui a déjà fait 15 morts dans les Caraïbes) remontait vers la côte ouest de la Floride où le NHC faisait le point sur sa trajectoire deux fois par jour, la crainte était vive de le voir rejoindre le trajet d’Alpha et engendrer des dégâts incalculables. Mais Alpha, phénomène en retrait, s’est affaibli en cours de route. Le gouverneur de Floride, Jeb Bush a ordonné l’évacuation de ses concitoyens dans les régions les plus exposées où a été décrété le couvre-feu. Tandis que trois millions de foyers étaient privés d’électricité, le président Bush déclarait la Floride (qui déplore déjà 4 morts) en état “de catastrophe naturelle”, lui permettant de bénéficier de l’aide fédérale. Dans sa course folle, Wilma est remonté le long de la côte-est des Etats-Unis en direction des eaux canadiennes pour perdre de son intensité.

La situation au Cachemire pakistanais, pire que l’après- tsunami
A une distance de deux océans, le tremblement de terre du 8 octobre (53.000 morts, 75.000 blessés) suivi de centaines de répliques, a jeté dans la précarité 3 millions de sans-abri cachemiris, dont 500.000 dans une situation désespérée, selon les responsables du Programme alimentaire mondial (PAM), tandis que 2.000 localités restent inaccessibles et que 10.000 enfants risquent de mourir de faim, d’hypothermie ou de diverses maladies. Les organisations internationales s’activent, mais ne semblent plus aussi motivées que lors de précédentes catastrophes naturelles.
Kofi Annan a lancé un cri d’alarme, l’aide étrangère est insuffisante (“totalement inadéquate” pour Musharraf) face aux besoins immenses des sinistrés et celle promise a été partiellement débloquée. Le représentant de l’ONU, Jan Egeland s’est alarmé: “Nous pensions que le tsunami était pire que ce qu’on pouvait connaître. Nous n’avons jamais connu un tel cauchemar. C’est encore pire que le tsunami”. Dans le but d’accélérer et d’organiser l’aide internationale, l’ONU a tenu, le 26 novembre à Genève, une réunion des pays donateurs.
Face à l’urgence de la situation et avant l’ins-tallation de l’hiver, très rigoureux dans les montagnes enneigées du Cachemire, ralentissant les secours ou les rendant impossibles, l’Otan, qui n’est pas une “agence internationale pour l’aide humanitaire”, a toutefois engagé de grands moyens pour assister les sinistrés. Elle a déjà établi un pont aérien entre la Turquie et le Pakistan acheminant tentes et couvertures à bord d’avions-cargos C-130. Initiative sans précédent, l’Alliance atlantique va mobiliser quelque 1.000 militaires et déployer un bataillon du génie dans le cadre d’une opération humanitaire.

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4025 Du 29 Octobre Au 5 Novembre 2005
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