C’est Beyrouth qu’il retrouve aujourd’hui avec une profonde émotion, après y avoir passé les années inoubliables de son adolescence dont il garde les meilleurs souvenirs. Ici, il a fait ses études secondaires et obtenu son bac au Lycée des Pères salésiens. C’est au Liban, également, que sa décision a été prise d’opter pour la carrière diplomatique. A l’invitation de l’ambassade d’Italie, M. Moreno est venu pour la clôture de la 5ème édition de la semaine de la langue italienne dans le monde où un événement important a été célébré: celui de donner à l’Institut culturel italien le nom de son premier directeur: le professeur Martino Mario Moreno, célèbre arabisant qui avait été affecté au Liban en 1952. La plaque de l’Institut avec sa nouvelle dénomination a été remise à son fils, Maurizio Moreno, ambassadeur, venu spécialement pour cette cérémonie.
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L’ambassadeur Moreno avec M. Saër Karam lors de sa visite à “La Revue du Liban”.
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Quel est l’objet de votre visite au Liban?
C'est une visite privée effectuée à l’invitation de M. Franco Mistretta, ambassadeur d’Italie, de l’Institut culturel italien et de l’Académie culturelle arabe de Beyrouth. Et ce, à l’occasion d’un séminaire tenu au palais de l’Unesco, au cours duquel la figure et l’œuvre de mon père, Martino Mario Moreno ont été commémorées. C’était un grand orientaliste et un arabisant. Il a passé, de 1952 à 1956, des années particulièrement heureuses et fécondes à Beyrouth où il avait fondé l’Institut culturel italien (I.C.I.), qui portera, désormais, son nom.
M. Franco Mistretta prononçant son allocution.
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Vue de l’assistance au palais de l’Unesco.
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Opération “Active en Davour”
En quoi consiste votre mission auprès de l’Otan et essaie-t-elle d’étendre ses activités au Proche-Orient?
Je suis l’ambassadeur représentant permanent de l’Italie auprès du Conseil de l’Atlantique-Nord à Bruxelles. L’Otan, est une organisation multinationale qui se fonde sur les mêmes valeurs partagées dans le monde: les valeurs de la démocratie, de la sécurité et de la liberté. Elle s’occupe des secours au Pakistan, essaie d’y stabiliser la situation politique, ainsi que dans les Balkans.
L’Otan compte beaucoup de nouveaux membres avec une nouvelle mission, celle d’instituer la sécurité dans le monde au sens le plus large, face aux nouvelles menaces globales, à commencer par la lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.
L’Otan a de nouveaux partenaires dans les pays de la Méditerranée: Etats arabes, Israël, les pays du Golfe, la Russie et l’Ukraine.
Pour le moment, l’Otan essaie de consolider la paix et la sécurité dans les pays de la Méditerranée par une opération intitulée “Active Endeavour”.
C’est une opération de patrouillage de la Méditerranée par les navires de l’alliance, à laquelle s’ajoutent les flottes de Russie, d’Algérie et du Maroc. Le Proche-Orient ne figure pas sur l’agenda de l’Alliance.
L’Otan joue-t-elle quelque rôle et dispose-t-elle d’un contingent en territoire irakien?
L’Otan entraîne les forces armées et de la police irakiennes.
A la requête du gouvernement irakien, elle vient de créer un centre à “ARRUST MYA”, une académie militaire pour la formation des officiers. L’Italie joue un rôle particulièrement important dans cette mission. Le Vice-commandant est ita-lien.Nous sommes en train de former en Irak et en Italie plusieurs milliers d’officiers irakiens.
Le but est de leur donner la possibilité d’assurer la sécurité avec leurs propres moyens et police. Cette mission a commencé depuis quelques mois mais nous ne participons pas à des opérations de guerre.
Souvenirs libanais
Votre père vous a-t-il laissé quelques souvenirs de jeunesse de son séjour au Liban?
J’ai passé ici des années très heureuses, de 1952 à 1957; j’ai obtenu mon bac, chez les pères Salésiens et je me suis fait beaucoup d’amis. Mon père était un homme d’étude, un diplomate et un orienta-liste qui a senti une forte attirance pour la culture et le monde arabe depuis son plus jeune âge.
Les musulmans et les chrétiens se côtoyaient et il a éprouvé le besoin de traduire le Coran en italien. Cette traduction a connu un grand succès en Italie et a paru après sa mort, en 1967, pour la première fois.
Il y a eu plusieurs éditions et, récemment, elle a été réimprimée après 40 ans au mois de juin, par un quotidien national “La Republica” et on en a vendu plusieurs milliers d’exemplaires.
Mon père s’est beaucoup occupé de la littérature libanaise contemporaine. Il a consacré des articles et des essais à des écrivains tels que Charif Maalouf, Rachid Salim Khoury, Elias Farhat, Nazem Melhem. Il a beaucoup écrit sur la littérature libanaise d’émigration qu’il a contribué à faire connaître en Italie. Il a écrit un livre “Les Arabes en Sicile” en arabe, publié par l’Université libanaise. Il avait des rapports suivis avec “La Revue du Liban” qui, d’ailleurs, à sa mort en 1964, lui a consacré des articles émouvants.
Fasciné par la reconstruction du centre-ville
De retour au Liban, quelles sont vos impressions?
Je suis revenu au Liban en 1975, à une période très difficile, à titre de chargé d’Affaires par intérim. J’ai partagé avec mes amis libanais des moments très durs. En 1993, pendant une journée, j’ai accompagné le ministre italien des Affaires étrangères, en visite officielle au Liban et je me souviens d’une rencontre avec feu le Premier ministre Rafic Hariri.
J’étais fasciné par la reconstruction du centre-ville remis en état d’une façon architecturale extraordinaire. J’ai retrouvé les caractéristiques des Libanais: les traditions d’accueil, d’hospitalité, l’esprit d’ouverture, la vocation au dialogue; des Libanais très motivés par les événements récents. Je crois que ce pays doit jouer pleinement son rôle de plaque tournante entre l’Orient et l’Occident.
Dans cet esprit, je me propose de revenir. Les Libanais sont très fidèles à leur amitié. L’Italie souhaite au Liban une période de grande stabilité et de concorde politique et sociale, afin qu’il puisse reprendre son rôle au niveau régional, contribuant ainsi à la sécurité commune et à l’épanouissement des relations entre l’Est et l’Ouest.
Extrait de “La Revue du Liban” du 27-6-1964
Don Martino Mario Moreno
Don Martino Mario Moreno, l’orientaliste bien connu à Beyrouth, dont on vient de nous annoncer le décès, avait longtemps dirigé l’Institut culturel italien, auquel il était parvenu à imprimer une activité, une vie artistique et littéraire nouvelle. De formation très fournie et très variée, il possédait une connaissance particulièrement informée de la culture, des coutumes et de la sociologie arabes. Chargé de mission dans le lointain pays du Yémen, vers 1932, à l’époque de l’imam Yahia Hamideddin, il y avait fait un assez long séjour consacré à l’étude des mœurs, du mouvement social et politique de cette contrée. L’impulsion donnée par Mario Moreno aux séances périodiques de l’Institut culturel italien de Beyrouth, les concerts et les récitals de haute tenue musicale qu’il y avait organisés, ont défrayé une large part de la vie sociale et artistique de notre capitale, pendant toute la durée de sa mission dans un pays demeuré si ouvert à tous les courants qui nous viennent d’au-delà de la Méditerranée. Ces réalisations vraiment surprenantes, étaient d’autant plus méritoires, que Mario Moreno ne disposait que d’un budget très limité, auquel il se voyait contraint de suppléer, en se dépensant personnellement. Les nombreux amis que Mario Moreno avait su se faire au Liban, déplorent sa disparition et s’associent au deuil de sa famille.
PHILIPPE SAFA
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Biographie
- Né à Rome le 23 juin 1940.
- Diplôme en droit de l’Université de Rome (novembre 1962).
- Admis par concours à la carrière diplomatique le 10 septembre 1963.
- Vice-Consul à Bâle (1965-68).
- Premier secrétaire à l’ambassade de Rabat (1968-71).
- Consul à Bordeaux (1972-74).
- Chef de bureau à la Direction générale du Personnel (1974-76).
- Chef adjoint de la Délégation italienne à la Conférence sur le Désarmement à Genève (1976-80).
- Consul général à Lyon (1980-84).
- Chef du Bureau des Recherches. Etudes et Programmes; puis, du Bureau de l’Afrique de la Direction générale des Affaires politiques (1985-88).
- Nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipoten-tiaire de 2ème classe (21 novembre 1986).
- Ambassadeur à Dakar (accrédité, également, à Banjul, Bamako, Cidade de Praia et Nouakchott), (1988-92).
- Chef adjoint du cabinet du ministre des Affaires étrangères (1992).
- Chef de la Délégation diplomatique spéciale pour la Somalie avec rang d’ambassadeur (1993-94).
- Chef du Service de la Presse et de l’Information (1994-95).
- Directeur de l’Institut diplomatique (1995-96).
- Nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipoten-tiaire de 1ère classe, 2 mai 1996.
- Ambassadeur à Prague (1996-99).
- Directeur général pour les pays d’Europe (1er janvier 2000).
- Nommé ambassadeur 9 juin 2000.
- Représentant permanent de l’Italie auprès du Conseil de l’Atlantique-Nord à Bruxelles, 7 septembre 2002.
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