Nouvel ambassadeur du Canada
Louis De Lorimier: “Nous attendons des renseignements de Beyrouth pour décider de participer à la conférence internationale d’appui au Liban”
Par Jeanne MASSAAD

D’un abord agréable, sympathique, Louis De Lorimier, nouvel ambassadeur du Canada au Liban est, semble-t-il, ravi d’obtenir ce poste, qu’il a lui-même demandé. Le Liban ne lui est pas étranger. Il y était venu à deux reprises en l’an 2002, dans le cadre de la préparation et de la tenue du Sommet de la francophonie. Il connaissait un peu le Liban, pour avoir côtoyé des Libanais, à Montréal, ainsi que nos représentants dans le cadre des conférences ministérielles de la francophonie.

Vous êtes-vous adapté à notre climat politique et quelles ont été vos premières impressions libanaises?
Mes premières impressions sont, extrêmement, positives - les Libanais étant très accueillants. J’ai pu sentir toute la chaleur de l’amitié des Libanais envers le peuple canadien. Il est évident que la base de nos liens est, d’abord et avant tout, axée sur les relations humaines. D’ailleurs, un Canadien sur 100, est d’origine libanaise. Près de 400.000 Libanais sont devenus Canadiens, sur une population de 30 millions d’habitants. Sur le plan de l’acclimatation, aucun problème. Je me plais à dire que dans notre métier, il y a toujours un choc culturel quand on change de poste et de pays... Ce choc culturel, je ne l’ai point senti... ce qui atteste de la proximité de nos deux cultures. Au niveau politique, il est à souligner que le Liban traverse une période historique très importante et sensible. Les événements de l’hiver et du printemps derniers en font foi, bien sûr: les nombreuses résolutions des Nations unies, les relations du Liban avec son voisin la Syrie, me font constater que le pays évolue et traverse une période de changement historique. Mon souhait le plus profond est que le Canada puisse contribuer à cette évolution dans le plus grand respect de la souveraineté libanaise.

Le Canada et la conférence d’appui au Liban
Le Canada participera-t-il à la conférence internationale d’appui au Liban et contribuera-t-il à l’exécution de projets d’équipe-ment ou de développement sur son territoire?
Il est trop tôt pour annoncer la participation du Canada, ne serait-ce qu’on a très peu d’informations sur ladite conférence. Vos autorités nous ont promis de nous fournir les informations nécessaires à ce sujet, mais le Canada était présent à Paris II et on s’attend à ce qu’il soit présent à cette conférence. Cela dit, il existe déjà au Liban, un certain nombre de programmes qui nous permettent d’intervenir dans différents domaines. De petits projets qui visent à renforcer les capacités des écoles; qui nous permettent de travailler avec des groupes de femmes, des organisations non gouvernementales aussi, les réfugiés palestiniens. Le Canada est déjà présent et actif sur le territoire libanais. Nous espérons être en mesure d’annoncer une participation à l’effort de définition d’une nouvelle loi électorale, en collaboration avec les Nations unies. Il existe déjà une grande coopération entre nos universités et les universités libanaises dans de nombreux domaines.
Deux années après le premier vol spatial habité, la Chine envoie deux hommes dans l’espace: où en est le Canada dans ce domaine?
Le Canada a un programme spatial, extrêmement actif, plusieurs astronautes canadiens ayant participé à des missions. Il est, notamment, actif en ce qui concerne la création de la nouvelle station spatiale. Un élément d’intérêt, est le fameux bras arti-culé relié à la navette spatiale américaine qui permet de déployer des satellites. C’est une technologie canadienne. Le programme spatial canadien ne se limite pas à ce seul aspect, mais on développe beaucoup de satellites au Canada pour les télécommunications, des recherches scientifiques et d’environnement... Nous n’avons pas la prétention de lancer des fusées ou d’avoir des navettes spatiales.

Les émigrés représentent 1% de la population canadienne
La loi sur l’émigration a-t-elle été assouplie ou, au contraire a-t-elle été rendue plus rigoureuse?
Le Canada est un pays d’émigration qui accueille chaque année 250.000 émigrés venus de tous les coins du monde, soit près 1% de la population canadienne. Notre loi à ce sujet, tient compte notamment des considérations de sécurité internationale. Chaque dossier est étudié et la décision est prise en fonction d’une enquête approfondie. C’est un sujet extrêmement délicat et la loi est soucieuse des considérations de sécurité.
Quel est l’état des relations entre Ottawa et Washington et leur contentieux est-il en voie de solution?
Le Canada a une frontière commune de 500 km avec les USA. Le commerce entre nous est sur le plan quotidien de l’ordre d’un milliard de dollars. C’est la relation la plus importante dans le monde, car nous faisons partie de l’ALENA avec le Mexique comme troisième partenaire. Les statistiques attestent la bonne marche de nos relations. Certainement qu’il y a toujours des contentieux, mais il existe des mécanismes dans le cadre de l’ALENA et de l’OMC qui permettent de débattre d’une façon sérieuse les problèmes en vue de trouver les solutions adéquates. D’après l’ex-Premier ministre canadien, M. Pierre Elliot Trudeau, ‘le Canada et les Etats-Unis sont comme la souris qui dort avec l’éléphant’.
Le gouvernement du Canada a t-il porté se-cours aux sinistrés du Cachemire et du sud-est asiatique victimes du tsunami et des séismes?
Le Canada déploie beaucoup d’efforts pour assurer une réponse efficace et coordonnée aux catastrophes naturelles à l’étranger. Plusieurs outils de réponse sont ainsi utilisés pour subvenir aux besoins des populations suite à des demandes formulées par les gouvernements des pays affectés. Au total, le Canada a engagé plus de 425 millions dollars pour venir en aide aux victimes du tremblement de terre et du tsunami qui ont frappé plusieurs pays li-mitrophes de l’océan Indien. Cette aide a été fournie dans le but d’offrir de l’assistance humanitaire et de planifier la reconstruction des régions sinistrées.
Quelle est la position du gouvernement canadien envers le dossier nucléaire et spécialement du conflit opposant l’Iran aux Nations unies?
Le Canada est inquiet face aux ambitions nucléaires de l’Iran. La volonté de ce pays d’acquérir des technologies nucléaires avancées, spécialement en ce qui a trait à l’enrichissement de l’uranium, pourrait lui fournir les capacités requises pour mettre au point des armes nucléaires. Un tel développement serait très inquiétant. Partant de là, le Canada a accueilli, favorablement, l’adoption de la résolution du 24 septembre dernier du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cette résolution constate que les nombreux manquements de l’Iran relatifs à son programme nucléaire, constituent des infractions à ses obligations de se conformer aux dispositions de son accord de garanties découlant du Traité de non-prolifération nucléaire. Ceci nous inquiète particulièrement, compte tenu du fait qu’à l’issue de près de trois ans de travail acharné, l’AIEA est toujours dans l’impossibilité de conclure qu’il n’y a pas de matériel ou d’activités nucléaires non déclarés en Iran lequel continue à ne pas coopérer pleinement et de manière transparente avec l’Agence. Le Canada a examiné de près le dernier rapport du directeur général (Mohamed El-Baradei) de l’Agence. Nous croyons qu’il reste encore beaucoup de questions sans réponses et que l’Iran doit remédier à cette situation en coopérant activement et rapidement avec l’Agence. Nous encourageons l’Iran à profiter des opportunités de coopération disponibles suite aux efforts de l’E3 (Allemagne, France et Royaume-Uni), de la Russie et d’autres Etats. Une solution diplomatique et à long terme de la question nucléaire iranienne contribuera à la paix et à la stabilité régionales et internationales.

Égalité des sexes garantie
Où en est le Canada sur le plan des droits du citoyen et de la discrimination sexuelle?
La protection des droits de la personne est au coeur des priorités canadiennes au Canada et à l’étranger.
A titre d’exemple, la Charte canadienne des droits et libertés qui fait partie de la Constitution canadienne, garantit entre autres les libertés fondamentales, telle la liberté de religion, d’expression, de conscience, de la presse. Elle garantit des droits démocratiques, dont le droit de vote. La Charte confère, aussi, à l’article 15, le droit de tout individu assujetti aux lois canadiennes “à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination”. Pour être encore plus claire, la Charte prévoit à l’article 28 qu’indépendamment des autres dispositions de la Charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.
La discrimination sexuelle est donc interdite dans toutes les lois et les programmes gouvernementaux.
L’objet de l’article 15 est d’empêcher qu’il y ait atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles, au moyen de l’imposition de désavantages, de stéréotypes, de préjugés politiques ou sociaux, par la discrimination basée sur le sexe et de promouvoir une société dans laquelle tous sont également reconnus comme méritant le même intérêt, le même respect et la même considération. Au plan international, les droits de la femme et l’égalité des sexes font partie intégrante de la politique étrangère du Canada et en matière de développement. Le Canada est toujours déterminé à faire en sorte qu’on réponde efficacement aux besoins particuliers des femmes, des hommes et des enfants touchés par les conflits armés et que leurs droits soient respectés. Le Canada joue, aussi, un rôle majeur sur la scène internationale pour assurer la participation des femmes à tous les aspects de la prévention des conflits, du renforcement de la paix et de la reconstruction.
La Charte des Droits et des Libertés garantit-elle les mêmes droits à tous les citoyens canadiens?
En principe, tous les citoyens canadiens ont les mêmes droits. Au plan juridique, le droit canadien tient aussi compte du fait que les droits et libertés ne sont pas absolus. A la lumière de ce constat, l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés, permet de limiter les droits pour protéger d’autres droits ou valeurs nationales importantes.
Les tribunaux ont bien établi qu’une limite aux droits énoncés dans la Charte est acceptable, si la limite concerne un problème social urgent et important et que la mesure prise pour régler le problème est raisonnable; sa justification peut se démontrer dans une société libre et démocratique. Il appartient au gouvernement d’établir qu’un droit est justifié. Par exemple, la liberté d’expression peut être limitée par les lois interdisant la propangande haineuse ou la pornographie infantile.
A quels problèmes requérant des solutions urgentes, le gouvernement canadien est-il confronté?
Le gouvernement canadien est engagé dans une campagne électorale pour élire un nouveau gouvernement. L’élection aura lieu le 23 janvier. C’est l’occasion pour chacun des partis de proposer une politique à la faveur de cette campagne de débats sur toutes les questions, sociales, économiques et politiques. La question de l’emploi, les problèmes au niveau de la santé publique, des pensions de vieillesse, de l’assistance aux démunis, de l’environnement et de la pauvreté, demeurent des problèmes d’ordre universel qui nécessitent bien sûr des solutions urgentes du gouvernement.
Quel est votre meilleur souvenir de diplomate?
Chaque affectation dans un pays étranger est unique, compte tenu des particularités socioculturelles du pays qu’on apprend à découvrir étant donné que je suis spécialisé dans les dossiers de la francophonie. Je garde un souvenir particulier d’un travail de collaboration que j’ai accompli à partir de notre ambassade à Paris, sur les habitants de la région française de Perche - d’où sont partis les premiers colons français qui ont peuplé le Canada.


Biographie
Né à Montréal, Québec - Canada. Père de 3 garçons.
Baccalauréat en Sciences politiques, Université du Québec à Montréal.
Carrière diplomatique:
1983-1985: Deuxième secrétaire et vice-consul, ambassade du Canada, Abidjan, Côte d’Ivoire.
1985-1988: Adjoint ministériel (affaires parlementaires) du ministre des Affaires étrangères du Canada, Joe Clark, Ottawa, Canada.
1988-1989: Agent du personnel, ministère des Affaires étrangères, Ottawa, Canada.
1989-1993: Conseiller (Afrique, Moyen-Orient, francophonie) et Consul, correspondant natio-nal du Canada auprès de l’Agence de coopération culturelle et technique, Paris, France.
1993-1996: Directeur des affaires de la francophonie, ministère des Affaires étrangères - Ottawa, Canada.
1996-1998: Conseiller (politique, économie et affaires publiques) et consul - ambassade du Canada, Séoul, Corée du Sud.
1998-2002: Conseiller, section des communications et affaires publiques, ambassade du Canada, Paris, France.
2002-2005: Directeur des affaires de la franco-phonie, ministère des Affaires étrangères - Ottawa.
2005: Ambassadeur du Canada au Liban.
A présenté ses lettres de créance le 6 septembre 2005.

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4032 Du 17 Au 24 Decembre 2005
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