Don Pedro II, empereur du Brésil séjourna au Liban en 1876, à l’invitation de l’émir Fakhreddine, l’émigration libanaise ayant commencé en 1880. Revenu sur ses traces, M. Seixas se dit heureux de découvrir le Liban, ses paysages, ses sites touristiques et archéologiques: Byblos, Baalbeck, Tyr (dont l’hippodrome le fascine), son climat bénéfique et son peuple chaleureux, qu’il décrit comme similaire au peuple brésilien. “Nos cultures, surtout culinaires, dit-il, fusionnent tellement, que les Brésiliens pensent que la “kebbé” et la “sfiha ou fatayer” sont des plats purement brésiliens”.
UN PARCOURS EURO-AMERICAIN
Le parcours diplomatique de M. Seixas a débuté en 1979, à Bruxelles; puis, à Montevideo (Uruguay) comme attaché économique. Muté de nouveau à la présidence de la République brésilienne sous le mandat du président José Sarney, il est nommé, ensuite, à Washington en tant que chef du secteur commercial et économique. Il est rappelé, ensuite, au Brésil par le président Fernando Enrique Carlo. Par la suite, il est nommé consul général à Paris où il passe cinq ans (1995 à 2000). Consul général à Toronto (Canada) entre 2000 et 2005; depuis le 25 janvier 2006, il est nommé ambassadeur du Brésil au Liban où il est enchanté de sa présence.
De lourdes tâches vous attendent ici; pourriez-vous nous en parler?
Oui, surtout qu’on estime la colonie brésilienne au Liban à presque 70.000 personnes, entre ressortissants brésiliens et Libanais naturalisés. Ceux-ci ont besoin de nombreux documents officiels: certificats de naissance, registres de mariage, procurations, passeports... etc. D’où la création d’un consulat général, l’année dernière, pour répondre à ces questions plus spécifiques de la communauté brésilienne.
Beyrouth est le sixième endroit au monde où, dans une même ville, le Brésil a en même temps une ambassade et un consulat général. Et ce, pour répondre à la demande croissante dans le domaine des formalités consulaires. Ceci donne une idée de l’importance de la communauté brésilienne et libano-brésilienne au Liban, comme des rapports privilégiés que nous entretenons avec votre pays.
ROLE PRIMORDIAL DE LA COLONIE LIBANAISE
AU BRESIL
Que pensez-vous du rôle joué par la colonie libanaise au Brésil?
Pour parler de la communauté libanaise au Brésil, il faut remonter loin dans le passé, plus précisément à 1880, date à laquelle a commencé l’émigration libanaise. En 2005, nous avons célébré en grande pompe à S?o Paulo, le 125ème anniversaire de la présence libanaise dans notre pays. Dès le début, les Libanais ont joué un rôle très important dans l’instauration du Brésil moderne et on les appelait, alors, les “mascates”. Ils ont été les pionniers dans le commerce et les communications au Brésil; ont assuré l’échange des informations et des nouvelles dans les villes et les villages les plus lointains du Brésil où la poste n’était pas encore installée. Ils font partie intégrante de la population brésilienne. Il n’y a pas une concentration spécifique de Libanais dans notre pays. Ils sont les plus nombreux à S?o Paulo. C’est une ville géante de quelque 20 millions d’habitants. La présence libanaise au Brésil est implantée partout du Nord au Sud, d’Est en Ouest. Les ministres brésiliens de la Santé et de l’Education, Adib Jeïtani et Ricardo Haddad, sont d’origine libanaise. M. Simon, d’origine libanaise a eu un rôle efficace dans la lutte pour la démocratisation du Brésil. Dans le Nord-Est, Paolo Ghanem, gouverneur de Bahia, est d’origine libanaise. Dans l’Etat du Ciara, vous trouvez des gouverneurs et des sénateurs de la famille Jreïssati; à Rio de Janeiro, la gouverneure de l’Etat, Rosinh? et son époux Garotino sont, également, d’origine libanaise. Rosinh?, lors de la dernière visite du président libanais à Rio de Janeiro en 2004, a lu devant un public trié sur le volet, des extraits du “Prophète”, de Gebrane Khalil Gebrane traduit au portugais par Mansour Challita, éminent écrivain libanais installé au Brésil depuis une cinquantaine d’années. Membre d’honneur de l’académie brésilienne des lettres, il a beaucoup contribué par ses écrits et traductions à l’enrichissement de la littérature brésilienne.
DES CLUBS “MONTE-LIBANO”
PARTOUT AU BRESIL
Et l’ambassadeur Eduardo Seixas, d’enchaî-ner: “Les Libanais font partie intégrante du peuple brésilien. On a organisé un concours du meilleur restaurant libanais hors du Liban et le prix a été attribué à un restaurant de Cuiaba dans l’Etat du Mato Grosso à la frontière Ouest du Brésil.
“Le plus grand défi des ambassadeurs du Liban au Brésil et vice-versa est de maintenir les excellents rapports existant entre leurs populations respectives, de respecter l’intégration et perpétuer la coopération séculaire qui existe déjà entre les deux peuples. Normalement, les ambassadeurs ont pour rôle de faire partager aux peuples les bons rapports qui existent entre leurs gouvernements. Dans le cas Liban-Brésil, c’est le contraire. C’était le défi de mes prédécesseurs et le mien; cela continuera avec mes successeurs. C’est une mission importante qui sera toujours notre premier objectif de travail.
“Ceci ne veut pas dire que nos rapports avec le gouvernement libanais ne sont pas excellents, mais ils ont toujours pris leurs racines à travers la société libanaise.
“A Sa? Paulo, l’établissement hospitalier le plus prestigieux est l’hôpital “Syro-libanais”. Dans toutes les villes et les provinces, il y a un “Club Monte Libano”, fleuron du Liban de haut standing.”
Le ministre brésilien de l’Education
en visite au Liban
Pensez-vous établir un échange entre jeunes Libanais et Brésiliens?
Notre rôle est de promouvoir les échanges entre les universités brésiliennes et libanaises, ainsi que des échanges d’étudiants entre les deux pays qui y feraient leurs maîtrises. C’est le rôle qu’aura à assumer notre ministre de l’Education, Fernando Haddad, en visite cette semaine au Liban: permet-tre aux jeunes Libanais et Brésiliens de mieux connaître leurs cultures respectives.
Quel est le rôle de la Chambre de Commerce libano-brésilienne?
Les entrepreneurs de nos deux pays et les Chambres de Commerce Liban-Brésil et Brésil-pays arabes travaillent à accroître les relations commerciales dans les deux sens. On doit, surtout, augmenter et promouvoir l’exportation des produits libanais vers le Brésil. Le commerce ne doit pas être actif, uniquement, à sens unique. C’était le but de la visite en 2003 de feu le Premier ministre Rafic Hariri qui a présidé le Congrès “Planet-Lebanon”, sous la présidence et les encouragements du président Lulla. En retour, en 2004, quand “Planet Lebanon” a eu lieu à Beyrouth, de nombreux et éminents hommes d’affaires y ont assisté en compagnie du président Lulla. En ce moment, nos liens commerciaux s’intensifient chaque jour davantage.
Quels produits le Liban importe-t-il du Brésil?
Du café, de la viande, du bois, des tissus, des confections textiles et des habits, en général. Et ce marché est en croissance. Les petites et moyennes entreprises brésiliennes exportant vers le Liban, sont les plus importantes au Moyen-Orient. On partage beaucoup de choses en commun, la même chaleur humaine, la même géographie. On perçoit une grande ressemblance entre Beyrouth et Rio de Janeiro, notamment leur proximité de la mer et de la montagne.
La forêt brésilienne est la plus riche du monde et l’Amazonie est appelée “Reine des Forêts”. Que faites-vous pour la préserver?
Il y a eu beaucoup de congrès internationaux sur ce sujet. Mais le plus important d’entre eux a été “Eco 92” qui s’est passé à Rio de Janeiro, en présence de tous les chefs d’Etat de la planète. Il avait pour but la préservation de l’écologie dans le monde entier mais, aussi, au Brésil dont la forêt est la plus importante de tous les continents. On doit préserver l’Amazonie et toutes nos forêts en premier, pour nous Brésiliens et en second pour l’intérêt du monde. Au Brésil, l’environnement est très respecté et on ne peut pas couper un arbre sans l’autorisation du ministère de l’Environnement.
Le président Lulla fidèle
à son programme
Le Parti de gauche des Travailleurs qui a élu le président Lulla estime qu’il a failli à ses promesses, 50 millions de Brésiliens vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Qu’en pensez-vous?
Je me rappelle du programme du président Luis Ignacio da Silva (Lulla) en 2002, sur base duquel les Brésiliens l’ont élu. Il n’y a jamais failli, à tel point que, d’après les derniers sondages, il se peut qu’il soit réélu pour un nouveau mandat. Il a toujours été fidèle à son programme mais, on ne peut pas changer le Brésil du jour au lendemain. Il y a, aussi, beaucoup à faire dans le domaine social et l’infiltration brésilienne est stabilisée. Les exportations se sont beaucoup développées, de même que les investissements économiques.
Nous pratiquons une politique commerciale et économique au niveau de l’Amérique latine: Argentine, Uruguay, Bolivie, Mexique, Colombie, etc... Le gouvernement de centre gauche a adopté l’économie libérale. Le programme du président Lulla vise à combattre la faim et la société tout entière doit l’aider.
Comment parvenir à résoudre les pro-blèmes des “favellas” et de la violence?
En rompant le cercle vicieux suivi par les parents; en éduquant les enfants, en leur donnant accès aux villes et en leur trouvant du travail. C’est l’objectif du gouvernement et de la société tout entière.
Liban-Brésil
Que pensez-vous de l’amitié libano-brési-lienne?
Elle est plus que séculaire. On rapporte qu’on a découvert des inscriptions phéniciennes sur la pierre de la Gavea à Rio de Janeiro, remontant à un voyage des Phéniciens au Brésil, bien avant la découverte de notre pays par les Portugais en 1.500. Les peuples libanais et brésilien s’aiment tant, qu’ils ne se disputent même pas dans les compétitions sportives, le football notamment. Cette année, lors de la Coupe du monde en Allemagne, nous y serons et espérons la gagner pour la sixième fois. Pour cela, nous comptons beaucoup sur l’appui libanais.
2005 a été l’année du Brésil en France. Pourquoi pas au Liban?
Ce sera l’un de mes objectifs. L’essentiel est de maintenir une continuité de présence dans les deux pays de nos cultures réciproques.
Pour terminer, je suis ravi d’être au Liban dont j’ai déjà eu un avant-goût de l’hospitalité et de l’amitié lors de la soirée qu’a organisée Ali Daher, votre consul général à Rio de Janeiro, dans un des meilleurs restaurants de Copacabana. J’en garde un excellent souvenir. |