“Vivat! Liban”: Un spectacle de grande classe à Paris
pour témoigner la solidarité avec le Liban

“Vivat! Liban” pour que vive le Liban! Ce spectacle parrainé par l’ambassade du Liban en France et soutenu par le ministère français de la Culture, la ville de Paris et le Conseil des ambassadeurs arabes en France, a réuni sur la scène du Théâtre National de Chaillot à Paris, dimanche 22 octobre, une trentaine de chanteurs, musiciens, danseurs, conteurs et cinéastes, d’artistes, de musiciens et de poètes français et libanais, pour témoigner leur solidarité avec le Liban. Les bénéfices iront à Première Urgence, Aide Humanitaire internationale, pour sa mission au Liban.

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Les artistes de “Vivat! Liban” saluant le public; à gauche Roger Assaf,
Nabil el-Azan; au centre Sapho et Abdel-Rahman el-Bacha.

Dès le mois de juillet, pendant que le Liban subissait une nouvelle guerre israélienne, plusieurs artistes, en particulier Hanane Hajj Ali et Roger Assaf, à partir du Liban; Hanane Abboud Achkar et Nabil el-Azan, à partir de Paris, ont œuvré avec acharnement pour monter ce spectacle de solidarité. Sur fond de photographies géantes des destructions de Beyrouth et du Sud, des enfants racontant leur expérience de la guerre côtoyaient les poèmes de Salah Stétié, Vénus Khoury-Ghata, Elias Sambar, Elias el-Khoury et Mahmoud Darwich ou de Roger Assaf, à travers lesquels ils manifestaient leur attachement au Liban.
Hanane Hajj Ali présentait un texte dans lequel elle affirme: “Le Liban est une histoire d’amour entre les hommes et les dieux”. Le spectacle mis en scène par Nabil el-Azan, a présenté une grande diversité, riche en émotions et tableaux. Sapho a chanté la Résistance. Abdel-Rahman el-Bacha a enchanté le public. Une chorégraphie dansée à merveille par le groupe Black Blanc Beur a été présentée.
Plusieurs autres artistes ont prêté leur voix et leur talent, notamment Souad Massi, Zad Moultaka, Yasmine Hamdane, Nacer Khemir, Simon Abkarian. Un texte d’Amin Maalouf a été lu avec émotion par Dominique Blanc. Au total, une communion d’artistes pour manifester à leur manière leur refus de la violence, leur sympathie pour le Liban et tout le peuple libanais.
Cette manifestation d’envergure s’est déroulée dans une salle comble, devant un public en-thousiaste composé de plusieurs centaines de Libanais, de Franco-Libanais et d’amis français du Liban. On notait, également, la présence de nombreuses personnalités. A la fin du spectacle, Nabil el-Azan pouvait se décla-rer satisfait d’avoir tenu le pari de mener à bien ce projet ambitieux: “J’ai vécu un moment de partage, d’émotion et de communion incommensurable. La réaction du public m’a révélé que mon désir de contribuer à la réussite de ce spectacle est comblé”.

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Sapho entourée de notre collaboratrice, Zeina El-Tibi
et de la danseuse Lamia Safieddine.

Dick Rivers: “Pour mes amis libanais”
Dick Rivers, qui tient une place de choix auprès d’un public toutes générations confondues et fait partie de l’élite des chanteurs ayant jeté les bases du rock en France au début des années 60, avec Eddy Mitchell et Johnny Halliday, avait tenu à être présent afin de chanter pour ses amis libanais.
Le célèbre rocker a déclaré à La Revue du Liban: “Je me sens très proche du peuple libanais, à travers mon amitié pour beaucoup de Libanais et, particulièrement, pour Hanane Hajj Ali. Lorsqu’on m’a contacté pour me demander de participer à un spectacle de solidarité suite aux douloureux événements que le Liban a vécus cet été, je n’ai pas hésité à accepter. Pour moi, ce qui compte avant tout c’est l’amitié et la fidélité. Je ne connais malheureusement pas le Liban, mais j’espère m’y rendre pour y chanter un jour. C’est un pays extraordinaire et tous ceux qui ont eu l’occasion d’y aller m’en parlent avec beaucoup d’affection.
“Ce que le pays a subi cet été, ajoute-t-il, était horrible. Pour nous Français et Européens, c’est un problème très compliqué. Nous entendons plusieurs sons de cloche et tout semble confus. Ce que je peux affirmer, c’est que je trouve ridicule de régler des problèmes politiques par la violence et la guerre aveugle. Le spectacle “Vivat! Liban” est justement un appel à une communion où tout le monde se rencontre pour s’aimer et se respecter, quel que soit le Dieu qu’on vénère. Nous avons tous le même Dieu. Des spectacles tel que celui-ci, mèneront peut-être les politiciens à réaliser que l’art peut réunir les peuples. J’ai toujours entendu parler du Liban, comme étant la Suisse d’Orient. Un pays où il faisait bon vivre, une merveilleuse civilisation dans laquelle tous pouvaient s’exprimer et vivre sa différence. Je souhaite que ce pays se reconstruise rapidement et redevienne le paradis de l’Orient”.

Message de paix de Sapho
La grande artiste franco-marocaine qui vient de présenter son nouveau répertoire à Beyrouth: Sapho chante Léo Ferré est une diva passionnée et envoûtante qui dénonce la violence et l’intolérance. Elle a répondu en ces termes à nos questions.
Comment peut-on être encore passionnée lorsqu’on vit dans un monde apathique?
Nous sommes, en effet, dans une période désastreuse, mais le monde en a connu d’autres. Les guerres mondiales, par exemple, ont été des époques terribles pour l’humanité. Nous ne vivons pas actuellement une véritable guerre mondiale mais presque. Mais je crois qu’une poignée de résistants peut changer le monde, même momentanément; en tout cas pour l’honneur, pas forcément pour la performance. Si nous voulons que notre vie ait un sens, il faut toujours s’élever et dire Non surtout quand c’est trop ignominieux et dégoûtant.
On peut penser que je fais de l’angélisme, mais je suis convaincue que ce sont ceux qui croient à la guerre qui se leurrent. Les discours de la guerre ne sont qu’une série d’idéologies boiteuses qui cherchent à allumer la haine et servir des intérêts tels que des ventes d’armes ou la mainmise sur les richesses pétrolières. Des gens pensent mourir pour leur patrie ou pour une juste cause, alors qu’ils sont totalement manipulés.
Considérez-vous le Hezbollah comme une Résistance?
Il ne peut être considéré comme résistance quand il s’attaque à des civils. En revanche, le Hezbollah peut se trouver dans une situation de résistance que je ne peux pas ignorer, mais je n’accepte pas certaines méthodes utilisées. Il faut que la loi soit la loi pour tous, lorsque l’Etat d’Israël ne rend pas la Palestine aux Palestiniens, il est hors la loi. Lorsqu’il bombarde des civils innocents au Liban, il est encore hors la loi. Lorsque le Hezbollah s’attaque à des civils, il est aussi hors la loi. Nous ne pouvons pas ignorer la complexité de la situation mais, en même temps nous pouvons être très clairs concernant les lois à respecter. La loi doit être appliquée partout et il faut s’en tenir à une loi humaine sinon c’est le chaos. Par contre, il faut demander la justice et non pas la charité.

Profondément pacifiste!
Vous considérez-vous comme une femme engagée?
Je suis profondément pacifiste et j’ai envie que les gens vivent. Je viens au Liban, parce que c’est une terre déchirée, blessée, brûlée ayant besoin qu’on l’aime et qu’on lui dise qu’on la soutient. Lui dire, aussi, qu’une autre vie est possible; elle a existé et donc peut exister encore. Cette notion de “vivre ensemble” est possible il ne faut jamais l’oublier. Plus largement, je suis consternée par ce qui se passe au Proche-Orient, la montée de la violence, de la déraison, des extrémismes de toute sorte. Je condamne la politique américaine dans tout le Proche-Orient. Consciemment ou pas, nous le saurons avec le recul du temps pour pouvoir juger. Cette politique est mani-pulatrice et allume les incendies. Par exemple, nous avons tous mesuré que les buts de la guerre en Irak n’étaient pas ceux qu’on affichait et nous nous doutions un peu des raisons qui poussent les Etats-Unis à agir ainsi. De toute manière, cette politique est condamnable, parce qu’elle cherche à provoquer un conflit de civilisation qui n’existe pas en réalité. Hélas! on voit en même temps la perversité complice de leurs pseudo-adversaires, qui sont les intégristes. C’est là où nous devrions tous être vigilants.
Vous avez rencontré Yasser Arafat lors de sa visite à Paris en 1989 et vous lui avez dédié un poème. Avez-vous été attaquée pour vos positions politiques?
J’ai, en effet, été attaquée et critiquée par des juifs fanatiques. Mais je ne suis pas la seule à militer pour une véritable paix; beaucoup de personnalités juives dans le monde militent pour la paix. Ainsi, Simone Bitton, cinéaste israélienne, a été présente parmi nous en solidarité pour le spectacle “Vivat! Liban”. Il est vrai qu’une certaine communauté juive ne comprend pas ce que je cherche à dire, comme s’il fallait choisir son camp! Je ne choisis ni la peste, ni le choléra. Je suis pour un camp qui n’existe pas pour l’instant. Nous ne sommes pas obligés d’être claniques et ne sommes pas obligés d’appartenir à un groupe. Sauf si c’est le groupe de la justice et de la paix qui est transnational.

J’ai grandi dans une atmosphère d’ouverture
Votre origine marocaine a-t-elle aidé à votre ouverture d’esprit?
Le fait d’être née au Maroc, à un moment où musulmans, juifs et chrétiens vivaient en harmonie, m’a certainement aidée à avoir cette ouverture d’esprit et cet amour pour autrui.
Mon père était berbère marocain et comme chacun le sait, le passé de la communauté berbère est riche en différentes langues et musiques. Il était, aussi, curieux de la langue et de la culture arabes, chantait merveilleusement bien en arabe andalou, adorait Feyrouz qui était d’ailleurs sa préférée.
J’ai donc grandi dans une atmosphère d’ouverture; nous vivions les uns avec les autres; nous nous apprécions les uns les autres et c’est pour cela que je crois profondément que la coexistence est possible. C’est un souvenir d’enfance qui ne me quitte pas. Je suis convaincue que la folie n’est pas de vivre ensemble, mais de s’entretuer.
Mes amis juifs très sionistes, invoquent l’Holocauste pour justifier l’existence d’Israël, mais je ne vois pas pourquoi on devrait s’appuyer sur les horreurs que perpétuent les autres pour à son tour en commettre. Je ne remets pas en cause l’Etat d’Israël, aujourd’hui on peut considérer qu’ils ont le droit du sol; par contre, c’est un scandale que la Palestine n’existe pas! Ceci me paraît insuppor-table et c’est d’autant plus insupportable de la part de gens qui ont souffert. Mais je pense que c’est une peur irrationnelle qui les hante. Ce qui paraît complètement absurde, c’est que cette petite région du monde irradie la guerre sur toute la planète. Il faut qu’on arrête cette folie.
A travers vos chansons, votre présence au spectacle “Vivat! Liban” et votre voyage au Liban, voulez-vous lancer un message pour la paix?
Mon message est un message de paix mais, aussi, de sens critique. Il faut résister à la haine et au ressentiment; on ne peut pas effacer la folie et la mort, mais on peut décider d’être moins fou et moins naïf; on peut essayer de déployer des efforts pour vivre tout simplement, dans la dignité.

Première Urgence au Liban

Le spectacle “Vivat! Liban” a été organisé au profit de la mission au Liban de Première Urgence- Aide humanitaire internationale. Thierry Mauricet précise les objectifs de cette ONG:
“Nous accomplissons un travail humanitaire. La spécialité de Première Urgence est d’intervenir dans des zones de conflits armés et de catastrophes naturelles; nous ne demandons pas l’avis des belligérants et nous agissons dans le cadre du droit international humanitaire. Première Urgence est présente au Liban depuis 1996. Nous sommes arrivés lors de l’opération militaire israélienne “Raisins de la colère” qui a provoqué le déplacement de centaines de milliers de civils. Nous nous sommes occupés, au Sud et à Beyrouth, des déplacés libanais. Nous aidons toutes les communautés, tous ceux qui en ont besoin, sans rentrer dans les détails politiques. Nous sommes restés au Liban pendant dix ans sur d’autres types d’activités: nous nous occupions, notamment, des réfugiés des camps palestiniens de Saïda. La présence de nos équipes sur place nous a permis d’être très réactifs dès que la guerre a démarré.
Le 14 juillet nous avions pu procéder aux premières évaluations des besoins. L’aide alimentaire et médicale a pu se faire deux jours plus tard. Pendant toute la durée de la guerre, nous avons été actifs à Tyr et dans des villages plus au Sud. Depuis l’arrêt des combats, nous nous occupons de remettre en marche le système d’adduction en eau potable d’une trentaine de villages au Sud, ce qui concerne 50.000 personnes. Provisoirement en attendant que les réseaux en eau potable soient mis en marche, on fait des “water truking”, c’est-à-dire l’installation de citernes et la distribution d’eau en bouteille.
On prévoit de participer à la reprise de l’activité économique du Sud en aidant les artisans. C’est une activité que nous maîtrisons, car nous l’avons mise en œuvre dans d’autres pays. Beaucoup d’artisans ont perdu leur outil de travail et nous espérons leur redonner les moyens de se recons- truire. Les bénéfices du spectacle “Vivat! Liban” contribueront à améliorer tout le système d’aide mis en place au Liban par Première Urgence Internationale.”

Zeina el-Tibi (Paris)
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4078 Du 4 Au 11 Novembre 2006
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