Sah el-Nom avec Feyrouz:
Des instants de bonheur dans la grisaille du jour

Rien n’a pu arrêter Feyrouz de chanter et d’accorder aux Libanais des instants de bonheur auxquels ils aspirent. Alors que des dizaines de milliers de manifestants campaient des dizaines de mètres plus loin pour réclamer le départ du gouvernement Sanioura, des milliers de fans de la vedette se pressaient aux portes du Biel pour l’écouter chanter. Ils étaient venus de tout le Liban, certains de la Békaa. L’affluence était telle, que leurs voitures ont mis une heure pour rejoindre depuis Saifi le spectacle.

photo Feyrouz, une légende renouvelée dans Sah el-Nom.

photo Kronfol-Feyrouz affronte Zeidoun
(Elie Chouéri), le conseiller
de Wali (Antoine Kerbaj).

La comédie musicale Sah el-Nom signée par Assi et Mansour Rahbani, avait fait en 1970 une courte carrière au théâtre Picadilly à Hamra avant d’être présentée à la Foire internationale de Damas. Elle avait été programmée cet été pour inaugurer le cinquantenaire du Festival de Baalbeck. Dans une nouvelle réalisation signée Ziad Rahbani, mise en scène de Berj Fazlian, elle avait fait le bonheur des habitants de Baalbeck auxquels elle avait été présentée en avant-première le 12 juillet. Mais la guerre a bouleversé le calendrier annoncé: les soirées des 13-14-15 juillet ont été annulées.

photo Grande affluence du public au Biel.

photo Le spectacle s’est joué à guichets fermés pendant trois soirées consécutives.

La vie ayant repris ses droits, le comité du Festival de Baalbeck la programmait de nouveau au Biel pour trois soirées: les 1-2-3 décembre. Face aux turbulences du moment, le comité a tenu bon. Ziad Rahbani a eu cette réaction: “Nous donnerons le spectacle, à moins qu’un hélicoptère israélien atterrisse à la terrasse du Biel”. Le spectacle a été donné, à guichets fermés, au milieu d’une grande affluence illustrant combien le cœur du Liban pouvait battre pour les arts, la culture et résister aux vents contraires.
Sah el-Nom est une histoire simple relatée de manière suave, dans le propre style des Rahbani racontant la vie d’une localité où le wali (Antoine Kerbaj) dort tout le mois pour se réveiller un jour, signer trois décrets et se rendormir. Ses sujets attendent de mois en mois qu’il daigne enfin se pencher sur leurs requêtes. Kronfol-Feyrouz n’en peut plus, elle vole le tampon, signe des décrets à toute volée, est poursuivie par le wali à son réveil, jette le tampon dans le puits, est condamnée à mort; puis, graciée après avoir récupéré le tampon du fond du puits. Le peuple était venu à son secours. De cette intrigue abracadabrante, dénuée de toute logique, mais qui amuse et émeut à la fois, portant une forte teneur symbolique, les Rahbani ont créé une comédie musicale qui a ravi les spectateurs, désireux d’évasion et surtout, heureux de pouvoir écouter encore une fois Feyrouz, légende vivante qui déplace toujours les foules.

Par Evelyne MASSOUD
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4083 Du 9 Au 16 Decembre 2006
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