Une page de l’Histoire contemporaine de l’Irak est-elle en train d’être tournée, avec la confirmation de la condamnation à mort de Saddam Hussein par pendaison dans les 30 jours qui suivent le verdict prononcé, mardi 26 décembre par le Haut tribunal irakien? Il faut suivre de près le développement des événements dans les jours à venir, en fonction des réactions internes, arabes et internationales que suscite cette décision à caractère irrévocable, dit-on. Le procès de l’ancien président s’est étiré sur neuf mois et 39 audiences. Durant cette période, trois avocats de la défense et un témoin ont été assassinés. Saddam Hussein avait dirigé l’Irak d’une main de fer de 1979 à la chute de son régime en avril 2003.
La Cour d’appel irakienne a confirmé, le mardi 26 décembre 2006, la peine de mort prononcée en novembre contre Saddam Hussein, après avoir rejeté son recours en appel. L’ancien maître de Bagdad devra être pendu dans les 30 jours qui suivent le verdict, pour le massacre de 148 villageois chiites à Doujail dans les années 80, en représailles à une tentative d’attentat contre un de ses convois.
“A partir de demain (mercredi 27), la peine pourra être exécutée à tout moment”, a déclaré le juge Aref Chahine, à l’issue de la séance au tribunal, du mardi 26 et “doit être appliquée d’ici 30 jours”.
“La Cour d’appel a approuvé le verdict sur la pendaison de Saddam”, avait auparavant annoncé Mouwafak al-Roubaï, conseiller à la sécurité nationale irakienne.
Ratification de la décision
Les décisions de l’instance d’appel du tribunal pénal irakien doivent encore être ratifiées par le président Jalal Talabani et ses deux vice-présidents. Or, il est connu que Talabani est opposé à la peine capitale, mais par le passé, il avait délégué à l’un des vice-présidents, un ordre d’exécution à mort. Le vice-président chiite Adel Abdoul Mahdi a déjà fait savoir qu’il accepterait de signer l’arrêt de mort de Saddam. Un porte-parole présidentiel a précisé que cette peine de mort est irrévocable et n’a pas besoin d’être approuvée par le président Jalal Talabani.
Selon les autorités irakiennes, le moment et le lieu de l’exécution demeureront secrets.
Par ailleurs, l’ancien raïs ne pourra pas échapper à l’échafaud, même s’il fait actuellement l’objet d’un autre procès pour son rôle dans les campagnes militaires à Anfal dans le nord du Kurdistan, qui ont coûté la vie à 180.000 Kurdes dans les années 86-87.
La peine de mort pour Barzan al-Tikriti, demi-frère de Saddam, ancien chef des services de renseignements et pour l’ancien président du tribunal révolutionnaire, Awad al-Bandar, a également été confirmée.
Les réactions
“Saddam Hussein montera au gibier en martyr et se sacrifiera pour l’Irak”, c’est ce qu’a déclaré l’ancien président dans une lettre adressée aux Irakiens et transmise aux médias. Il a de même demandé à son peuple “de préserver l’unité de l’Irak”.
Ce document rendu public le mercredi 27 décembre, aurait été écrit en novembre, juste après la condamnation à mort de l’ancien dictateur. C’est, du moins, ce qu’assure l’un de ses défenseurs.
De même, à partir d’Amman, les avocats de Saddam ont appelé les gouvernements arabes et les Nations unies à intervenir pour empê-cher son exécution. Me Khalil Doulaïmi, a qualifié le verdict du tribunal de “prévisible” et dénoncé le “procès politique” intenté contre son client. “Ce jugement figure dans les plans américain et iranien visant à diviser l’Irak et à l’engager dans une guerre civile”, a-t-il déploré.
Le parti Baas irakien a, pour sa part, menacé de mener des représailles si l’ancien président est exécuté, avertissant dans une déclaration mise en ligne qu’il s’en prendrait aux intérêts américains.
“Le Baas et la résistance sont déterminés à se venger par tous les moyens et partout, à nuire à l’Amérique et à ses intérêts si ce crime est commis”, affirme le texte. La déclaration souligne, aussi, qu’en cas d’exécution de l’ex-président irakien, il sera impossible au parti Baas de prendre part à des discussions avec des responsables américains et irakiens pour réduire la violence en Irak.
Sur le plan international, le débat est engagé autour de cette condamnation et fait rage au niveau des organisations de défense des droits de l’homme. Elle a été accueillie, favorablement, par Washington alors qu’elle met mal à l’aise l’Union européenne (UE), initialement opposée à la peine capitale.
“Ce jour important pour le peuple irakien fera date”, a estimé la Maison-Blanche. Saddam Hussein a bénéficié des procédures judiciaires et des droits légaux qu’il a si longtemps refusés au peuple irakien”, a déclaré Scott Stanzel, secrétaire adjoint à la presse.
Au niveau européen, la réaction est différente. En novembre dernier, la condamnation à mort de Saddam avait mis dans l’embarras la plupart des dirigeants du vieux continent, partagés entre leur satisfaction à l’égard de la sentence et les valeurs fondamentales de l’UE, opposée à la peine capitale. Le gouvernement italien avait carrément réclamé le retrait de cette condamnation.
Face à la sentence finale du mardi 26 décembre, un porte-parole du ministère britannique des Affaires étrangères, a réitéré le désaccord de Londres: “Nous sommes opposés à la peine de mort, mais la décision appartient aux autorités irakiennes”.
L’Inde qui entretenait des relations étroites avec l’Irak de Saddam Hussein a, de son côté, lancé un appel à la clémence.
Crainte d’un surplus de violence
Dans les rues de la capitale irakienne, les Baghdadis sont partagés. “C’est une sentence justifiée, affirme un citoyen, car l’homme a été un tyran pour son peuple. Mais à mon avis, ajoute-t-il, ce n’est pas le bon moment, les Irakiens vivent dans la violence permanente et, en plus il y a la fête d’al Adha; on aurait dû attendre un mois de plus”.
Un autre pense que la sentence va envenimer les choses: “Ce que nous voulons, c’est la paix et la sécurité et avec ce jugement la situation en Irak va encore se dégrader et se compliquer davantage”.
De fait, l’exécution de Saddam pourrait nourrir les violences intercommunautaires. La majorité chiite souhaite la mort de l’ancien dictateur, mais la communauté sunnite estime que “le procès n’a pas été équitable”.
Il faut dire que les violences sont bien loin de s’estomper en Irak. Pour la seule journée du mardi 26, une soixantaine de personnes ont été tuées dans des attentats et des attaques un peu partout dans le pays.
Par ailleurs, la décision finale de condamner à mort Saddam Hussein est intervenue le jour même où le nombre d’Américains tués en Irak depuis le début de l’offensive en mars 2003, (au nombre de 2.976), venait de dépasser le total des victimes des attentats du 11 septembre 2001, soit 2.973 morts. Face à ce bilan, le président George W. Bush a réagi disant qu’il “pleure” chacun des soldats tués en Irak, mais veillera à ce que “leur sacrifice n’ait pas été vain”.
Ces sentiments ne justifient pas, pour autant, sa politique en Irak. |