Des rats entraînés au déminage

Après les chiens démineurs, le tour est aux rats et à leurs ennemis jurés, les chats, de repérer les mines antipersonnel. En Tanzanie, des rats géants sont, désormais, dressés pour détecter la présence de mines. Le programme exporté par une organisation de recherche belge “Anti-Personnel Mine Product Development” (APOPO), semble prometteur.

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Tout se joue sur l'odorat.

L’aventure commence en Belgique en 1997. APOPO réalise des études sur le potentiel des rats dans la détection de mines antipersonnel. Le rongeur qui déterre, aisément, ses aliments grâce à son odorat développé, constitue un cobaye idéal. Trois ans plus tard, l’organisation exporte le projet à l’Université d’agriculture Sokoine, en Tanzanie. Quelques mois après, les deux partenaires s’associent au Centre international de déminage de Genève (Gichd). Depuis, les rats sont dressés. Leur entraînement se déroule dans des conditions presque réelles au Mozambique, pays où quelque 500.000 mines sont toujours actives.

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Un rat avec son entraîneur.

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Les rats peu avant leur entrée en action.

Qu’est-ce qui a mené les chercheurs à choisir le rat? D’abord, à cause de son odorat. Son flair très développé lui permet de repérer l’emplacement des mines. Ensuite, en raison de la facilité de son dressage. Les exercices peuvent démarrer en peu de temps. Pas question, toutefois, de travailler avec n’importe quel rat. Du coup, le bon vieux rat de laboratoire est évincé. Ce dernier ne vit que deux ans, alors que le rat géant peut vivre jusqu’à sept ou huit ans. Mieux, il est plus résistant aux maladies tropicales.

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Une banane pour récompenser l'effort fourni.

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Sélectionnés pour leur odorat ultra-sensible et leur poids-plume,
les rats formeront la prochaine génération des démineurs.

En premier lieu, les rongeurs sont formés dans un milieu artificiel où les mines n’explosent pas. Tout se joue sur l’odeur que dégagent les explosifs. Les formateurs placent les rongeurs dans une sorte de conduit circulaire en grillage disposé sur le terrain supposé à risques. Lorsqu’ils en dénichent une, ils grattent et reniflent le sol pour indiquer son emplacement. Et comme tout travail mérite salaire, les rats géants sont récompensés. A chaque mine découverte, l’entraîneur leur offre une banane ou des ca-cahuètes. Il doit, cependant, tenir compte de leur ligne car leur poids plume, environ 1,5 kg (pour 75 cm), évite l’explosion des mines. Les rats seraient-ils donc en train de voler la vedette aux chiens démineurs? Pas vraiment. Ils apprennent vite, mais ne sont pas tout à fait opérationnels. Les chiens, eux, suivent très facilement une trajectoire en ligne droite. En revanche, il est toujours indispensable de baliser le chemin emprunté par les rats. Or, sur le terrain, cet inconvénient complique leur déploiement. En effet, il faudrait que le personnel délimite leur zone d’action, ce qui est très dangereux sans déminage préalable.
Cela dit, le rat géant surpasse son confrère canin dans deux domaines: les rongeurs n’éprouvent aucune gêne à travailler avec un formateur différent contrairement aux “chiens démineurs”. Bien plus, ils sont beaucoup plus performants pour identifier les filtres présentant une odeur d’explosifs. Cette technique vise à amener la source de danger potentiel à l’ani-mal, qui manifestera ou non le degré de danger de l’extrait.
Une autre espèce s’entraîne, aussi, à la détection des mines: les abeilles. L’expérience qui en est encore à ses balbutiements en Grande-Bretagne, capte l’attention. Celle menée en Colombie, aussi. Le pays qui déplore la présence de 100.000 mines plantées par les rebelles, enregistre le taux le plus élevé de victimes des mines au monde, soit une victime chaque huit heures. Fait qui a amené une unité spéciale de la police colombienne à mener ses propres expériences. Pour ce, elle a réuni dans une même cage, les deux ennemis jurés: le rat et le chat. Confronté à son ennemi, le rat est alors obligé de rester en alerte constante. Il est, également, conditionné de manière à se concentrer beaucoup plus, une fois libre. Les chats dont les griffes sont couvertes pour éviter de tuer les rongeurs, ont pour rôle d’habituer le rat à la présence du danger; donc à cesser de s’agiter ou de fuir!

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4119 Du 18 Au 25 Août 2007
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