Sima al-Moudarress al-Barbir organise une exposition rétrospective de ses œuvres au palais de l’Unesco. D’origine syrienne, mariée à un Libanais, Dr Nasir al-Barbir, elle nous confie que, depuis son plus jeune âge, elle a un penchant très poussé pour le dessin et la peinture. Contrairement aux autres enfants qui occupaient leurs loisirs à jouer, elle préférait s’amuser avec ses crayons et couleurs. Plus tard, après l’obtention du bac, parallèlement à des études en “Lettres arabes”, elle a continué à approfondir sa technique du dessin et de la peinture, selon les critères académiques et à produire des tableaux de facture assez réaliste.
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Ayant beaucoup voyagé et résidé plusieurs années en Arabie saoudite, Sima al-Moudarress al-Barbir évoque, dans ses œuvres, l’atmosphère des pays qu’elle a visités. Elle cherche à rendre, à chaque fois, une “couleur locale” bien observée, les mœurs et les modes de vie. A travers les tableaux représentant des éléments de la nature, des paysages ou des scènes de genre, on peut constater qu’elle a sincèrement rendu l’esprit des êtres, des lieux et espaces, en quête du motif pittoresque.
Au fur et à mesure, avec le temps, son langage a évolué vers un mode d’expression proche du romantisme. En effet, si par académisme on entend un art fait, surtout, de mesure et par romantisme un art fait de passion, on s’aperçoit que celui de Sima al-Moudarress al-Barbir, dans son évolution, est plus romantique qu’académique et que l’épithète “académique” ne s’applique qu’avec une certaine réserve à l’ensemble de sa production.
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Ainsi, Sima al-Moudarress al-Barbir a travaillé son art avec assiduité et suivi, sans défaillance apparente, une ligne qui ne laisse paraître aucune contradiction. Il ne semble pas qu’il y ait dans son parcours, une place pour l’aventure hasardeuse. Si elle ne propose pas de nouvelles théories et n’adhère pas, bruyamment, à celles qui se sont élaborées ces dernières années, on la sent très consciente de ce qu’elle veut faire.
Sa vision analytique et non synthétique, joue dans sa production un rôle très important. Elle condense dans les limites du schéma visuel, en une organisation de signes, de formes et de couleurs, chaque élément de l’apparence, en le suivant dans sa transformation et son évolution vivante. Elle dessine, d’abord, le modèle dans toute sa simplicité, avant de le livrer à la couleur et par elle s’expliquer avec lui et par lui s’expliquer avec elle. Cette dialectique du trait, de la forme et de la couleur, l’a amenée à entrevoir les possibilités d’une expression figurative, à travers laquelle elle est parvenue à exprimer le meilleur d’elle-même.
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Ses compositions résultent, visiblement, d’une recherche, poétique et intimiste, de la réalité intégrale existante, sensible miroir de la société, de la nature et de la vie. C’est pourquoi, toute invention de forme, toute figuration symbolique du sentiment et des idées a, dans sa production, l’élan propre et le contrôle de la chose vue. Le dénominateur commun aux modes d’expression, aux rythmes graphiques et chromatiques qu’elle tire de ses sujets et ceux que son sentiment introduit à l’intérieur de ces rythmes, est l’expression et l’exigence de la vérité.
Cette artiste est particulièrement intéressée par l’être humain, spécialement par le “nu”, l’expression des corps et des visages. Elle a, minutieusement, étudié les formes, structures et proportions des personnages qui figurent dans ses compositions. Ces personnages et nus, campés au milieu d’espaces assez dépouillés, nous affrontent sans que rien ne vienne distraire le regard. Les couleurs aux tonalités, tantôt chaudes et tantôt froides, harmonieusement modulées, vibrent de toute leur intensité, tout en mettant en valeur le graphisme.
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Accord heureux entre l’inspiration,
la technique et la sensibilité
Il paraît important de signaler que, dans sa dernière manière, Sima al-Moudarress al-Barbir ne s’est pas contentée de reproduire, intégralement, les êtres et motifs qui meublent ses compositions. Elle se rend compte qu’un tableau est autre chose qu’une épreuve photographique et que la technique, si maîtrisée qu’elle soit, ne peut se passer du “style”. Aussi, a-t-elle recherché le “style” par la ligne, le trait, la combinaison des volumes et des couleurs.
A l’instar des impressionnistes, elle veut exprimer le frémissement de la lumière, la transparence de l’atmosphère, le scintillement de l’eau. Sa notion de l’instantané ne concerne pas les formes en mouvement, mais l’immobilisation du temps. La texture couleurs, lumière, traits, formes, acquiert une consistance atmosphérique. Les espaces, toujours découpés suivant un jeu subtil de correspondances simplifiées et mûrement réfléchies, sont reliés les uns aux autres, par l’intermédiaire de passages lumineux et, plus encore, par des césures profilées.
Les silhouettes et nus, plus librement interprétés que lors de périodes précédentes, interpellent le regard. Une dialectique particulière se joue entre la présence objective des éléments composant chaque image et leur potentiel symbolique. En variant à l’infini leurs qualités spécifiques et leur mode d’interférence, des différences de netteté, d’intensité, de passages arbitraires de la monochromie à la polychromie, contribuent, avec les ruptures d’équilibres, à accentuer la puissance expressive des œuvres.
Sima al-Moudarress al-Barbir est parvenue, aujourd’hui, à un accord heureux entre l’inspiration, la technique et la sensibilité. Son œuvre est essentiellement enracinée dans la tradition figurative. Elle l’accomplit sans provocation, sans désir de surprendre. Son métier, qu’elle possède bien, n’est plus mis au service exclusif de la représentation objective de la réalité, fût-elle fouillée et scrupuleuse, mais il est mis, aussi, au service de l’imaginaire permettant, ainsi, une plus grande liberté dans le mode d’expression.
Dans la clameur et la turbulence des professions de foi les plus véhémentes, à une époque où les arts visuels intégrant les nouvelles technologies, prennent de plus en plus d’essor, cette artiste joue, en sourdine, une musique aux accords discrets. Même les dissonances y perdent leur acidité. |