Obsèques populaires à Antoine Ghanem et ses deux compagnons

Dans une atmosphère lourde et pesante, le Liban a fait ses adieux à Antoine Ghanem, quatrième fi-gure parlementaire de la révolution du Cèdre à être fauchée par un attentat à la voiture piégée.

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Les cercueils portés à bout de bras.

Devant la permanence des Kataëb à Furn el-Chebbak, des centaines de personnes se sont rassemblées dès les premières heures du matin pour accompagner à sa dernière demeure le député d’Aley-Baabda et ses deux compagnons, Nohad Ghorayeb et Tony Daou. Debout de part et d’autre de la rue prin-cipale, sur les balcons, une foule en pleurs a accueilli sous une pluie de riz et de pétales de fleurs, leurs cercueils qu’elle a fait danser et porté à bout de bras jusqu’à l’église du Sacré-Cœur à Badaro, où les ténors de la majorité ont afflué.

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Les trois cercueils entourés par des cadres Kataëb.

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Bravant menaces et dangers, les pôles de la majorité ont assisté aux funérailles.

Vendredi aux alentours de 9 heures 30, les familles et les proches des victimes se sont rendus à l’hôpital libano-canadien où les corps du député et de ses deux compagnons ont été transportés juste après l’attentat. Enveloppés du drapeau libanais, les cercueils sont salués par l’hymne des Kataëb avant d’être hissés dans trois corbillards et le cortège funèbre démarre en direction de Aïn el-Remmaneh, fait un détour du côté de la permanence Kataëb de la localité; puis, du domicile du député martyr. Arrivé au niveau de Furn el-Chebbak, le cortège funèbre s’arrête. Les cercueils sont descendus et portés à bout de bras. La rue couverte de rubans blancs est noire de monde. Les cris de douleur et de colère fusent. Hissés haut, les portraits des martyrs et les fanions des FL, des Kataëb et du PSP se mêlent. Des femmes en noir donnent libre cours à leur chagrin, se lamentent. Parmi elles, la mère de Tony Daou, jeune homme de 24 ans et membre du comité estudiantin des FL. Brandissant un portrait encadré de son fils, elle tente de s’agripper à son cercueil couvert du fanion des FL. Le cercueil du député Antoine Ghanem est porté par des cadres Kataëb, d’anciens compagnons de route. Le cortège funèbre avance difficilement, aux rythmes des hymnes partisans et patriotiques. Il est devancé par les scouts Kataëb exécutant la marche militaire, ainsi que les chefs des permanences et des sections, des responsables FL, des représentants du 14 mars, des présidents des municipalités de la région et du clergé.

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L’ancien Premier ministre Najib Mikati...

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... Michel Murr...

Il est rejoint par une délégation du Nord brandissant les portraits de feu René Mouawad. Peu avant sa bifurcation vers l’avenue Sami Solh, il fait une pause. La foule rend un dernier hommage aux martyrs et fait danser les cercueils. Encore une fois, les cris de colère et de haine fusent. On fustige le Hezbollah, le 8 mars, le régime de Bachar el-Assad, aussi. Quelques minutes et les applau-dissements s’élèvent à leur entrée dans l’église du Sacré-Cœur noire de monde. Présidé par Mgr Samir Mazloum, vicaire patriarcal maronite, assisté de nombreux prélats, dont le métropolite de Beyrouth, Mgr Elias Audé, l’office religieux s’est déroulé en présence de la grande famille des Kataëb et des différents pôles de la majorité: Amine Gemayel, leader des Kataëb; Walid Joumblatt, chef du PSP; Saad Hariri, chef du Courant du futur et Samir Geagea, chef des FL.
Sont, également, présents: Hagop Pakradounian, représentant le parti Tachnag; les juges Saïd Mirza, procureur général et Antoine Kheir, président du Conseil supérieur de la magistrature; le député Abdellatif al-Zein, représentant le président de la Chambre; Geir Pedersen, représentant du secrétaire général de l’ONU au Liban; les ambassadeurs américain, russe, Jeffrey Feltman, Serguei Boukine et André Parant, chargé d’affaires de France.

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... Samir Geagea, chef des F.L...

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... Geir Pedersen, représentant de l’ONU au Liban...

L’oraison funèbre
Après l’Evangile, Mgr Joseph Taouk donne lecture du message patriarcal tenant lieu d’oraison funèbre. Il rappelle que le défunt, Antoine Ghanem, était l’un des députés qui avaient quitté le Liban pour éviter de subir le même destin macabre que certains de ses collègues. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Il a été victime de sa fidé-lité à la nation. Lui et ses compagnons ont pris le chemin du martyre au nom de la patrie et tout ce qu’elle représente de valeurs, de patrimoine et de climat de liberté. “Il est connu que l’arbre de la patrie ne grandit qu’avec le sang de ses fils”, dit Mgr Sfeir, en espérant “que le martyre d’Antoine Ghanem soit une rançon pour ceux qui sont encore parmi nous, luttant pour un lendemain meilleur”.
L’oraison funèbre est suivie par le mot de la famille, prononcé par Mounia Ghanem, fille aînée d’Antoine Ghanem. Digne dans sa douleur, elle s’adresse à l’assassin “avec l’arme tranchante de la prière, pour assurer qu’Antoine Ghanem qui a consacré sa vie au Liban jusqu’au martyre, était un cèdre qui a été arraché à la forêt, mais les cèdres sont fiers, purs et tenaces”. S’adressant, enfin, à son père, elle réaffirme son “attachement éternel à ses enseignements”.

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... Mgr Elias Audé...

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... et M. Melhem Karam.

Gemayel: Mettons fin au jeu des intérêts
Lors des obsèques, l’ancien président de la République Amine Gemayel rend hommage à la mémoire d’Antoine Ghanem. Le chef supérieur des Kataëb affirme que “le martyre d’Antoine Ghanem est une nouvelle incitation pour tenir à tout prix l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels. C’est, aussi, un message adressé à la Ligue arabe et à l’ONU qui doivent protéger l’échéance constitutionnelle pour sauver le Liban.”
Déplorant les controverses cons-titutionnelles dont le but n’est que d’entraver les élections présidentielles et mettre fin au rôle des chrétiens à la tête de l’Etat en menant le pays au vide, M. Gemayel s’adresse aux parlementaires, en ces termes: “Le martyre d’Antoine est une créance que devrait honorer tout député. Tout législateur qui boycotterait l’élection présidentielle aura à répondre de son acte devant le peuple et la patrie.” Et d’estimer que “tout législateur qui boycotterait l’échéance assassinerait Antoine Ghanem une nouvelle fois. Tout député chrétien qui refuserait de se rendre au parlement, désobéirait à l’appel des archevêques maronites et trahirait la confiance de l’électeur chrétien”. Il souligne par la même occasion que “nul ne peut revendiquer le partenariat et l’équité, tout en monopolisant la prise de décision et en pratiquant le boycottage”.
Appelant les leaders libanais à mettre un terme au jeu des intérêts privés et des ambitions personnelles impossibles, le chef supérieur des Kataëb considère que “l’entente nationale passe par l’élection d’un président et par l’adhésion inconditionnelle à l’Etat.”

Les condoléances
A la fin de l’office religieux, l’ancien président de la République porte le cercueil de son fidèle compagnon de route, sous les applaudissements de la foule. Le cortège funèbre reprend le chemin inverse de Furn el-Chebbak et se dirige vers le cimetière de Mar Nohra où allait reposer le député martyr, ses deux compagnons devant être inhumés dans leurs villages respectifs.
Juste après les funérailles et tout au long des jours qui ont suivi, les familles des martyrs, entourées par la grande famille des Kataëb, ont reçu les condoléances. Délégations populaires et officielles ont ainsi défilé en l’église du Sacré Cœur, entre autres: MM. Geir Pedersen, représentant de M. Ban Ki-moon au Liban; Patrick Laurent, chef de la Commission européenne au Liban; Louis de Lorimier, ambassadeur du Canada; Gunter Rudolf Keynes, ambassadeur d’Allemagne; Eduardo de Seixas, ambassadeur du Brésil; Mme Georgina Mallat, ambassadrice de Colombie; Jeffrey Feltman, ambassadeur des Etats-Unis; Serguei Boukine, ambassadeur de Russie; André Parant, chargé d’affaires de France; Mme Nayla Mouawad, ministre des Affaires sociales; MM. Ghazi Aridi, mi-nistre de l’Information; Khaled Kabbani, ministre de l’Education nationale; Ghassan Tuéni, Ibrahim Kanaan, Walid Khoury, Gilberte Zouein, Edgar Maalouf, Salim Salhab, députés; Issam Naaman, Béchara Merhej et Sami el-Khatib, anciens parlementaires; le général Achraf Rifi, directeur général des FSI; Mgr Roland Abou Jaoudé, vicaire patriarcal; le R.P. Abdo Abou Kassem, directeur du Centre catholique d’information; Cheikh Mohamed Hajj Hassan, chef du Courant chiite libre; une délégation de cheikhs druzes, une délégation du comité exécutif du parti Ramgafar; Emile Rahmé, chef du parti Tadamon (Solidarité) et Melhem Karam, président de l’Ordre des journalistes, etc.

M.A.-K.
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4125 Du 29 Septembre Au 6 Octobre 2007
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