La vertu est au milieu
Par Aline LAHOUD

“La vertu est au milieu” (In medio stat virtus), une devise devenue un code de vie et de gouvernement chez les anciens Romains. C’est pour l’avoir ignorée que les successeurs de César Auguste ont provoqué l’effritement et la mort d’un empire prestigieux qui s’étendait à trois continents.
Le milieu, le centre, d’après Socrate, est un lieu de rencontre obligatoire, c’est là que les centristes font tampon entre deux extrémismes décidés à en découdre, détruisant tout sur leur passage. Les grands destructeurs de l’Histoire n’étaient pas centristes. Attila n’était pas centriste, Hitler et Mussolini non plus. On doit à Staline la déportation de 30 millions d’êtres humains, la Sibérie et le goulag. Il n’était pas centriste. On doit à Ataturk le massacre et la dispersion des Arméniens. Il n’était pas centriste non plus. Tous les dictateurs qui ont pratiqué les persécutions, le déni de justice systématique et l’esclavagisme moderne n’étaient pas des centristes.
Par contre, Michel Sleiman l’est. Et d’ailleurs n’a-t-il pas accédé à la présidence que parce qu’il était à égale distance des adversaires extrémistes devenus ennemis? N’a-t-il pas fait preuve de neutralité au cours des événements hideux qui se sont succédé sur la scène libanaise ces quatre dernières années? Sans son attitude et son action de neutralité positive, les conflits auraient dégénéré en déflagrations d’une telle violence que le pays n’aurait pas pu tenir le coup.
Que lui reproche-t-on au juste? De s’être prononcé pour l’émergence d’un bloc parlementaire “centriste” qui regrouperait des députés souhaitant se tenir à égale distance des deux camps politiques en présence sur la scène locale? Faisant politiquement et moralement siens ces mots de Socrate: “Il est en tout un juste milieu, il y a des limites précises au-delà desquelles ne peut se tenir le bien”.
Ce à quoi, un membre du gouvernement a répliqué que les “neutres” feront échouer les réformes, car “la neutralité nourrit la corruption”, qu’un bloc parlementaire neutre vise à affaiblir les réformateurs ainsi que les institutions et à leur tête la présidence de la République. Pour certaines grosses pointures de la fameuse classe politique, la neutralité serait la pire des attitudes, “car les blocs indépendants provoquent l’effritement de la vie parlementaire”. A en croire que les pays dont la neutralité est reconnue et respectée par l’ensemble de la société internationale, sont en train de s’enfoncer dans la corruption et en même temps de porter atteinte à leurs institutions et à leur indépendance.
Est-ce à dire que les Suisses, les Autrichiens, les Suédois et autres Scandinaves sont corrompus jusqu’à la moelle et qu’à travers leur neutralité, ils sont en train de perdre leur indépendance? Ces neutres là et tous les autres neutres devraient dans ce cas se jeter les uns contre les autres et contre leurs voisins pour sauver leur pays de la disparition.
Personne n’a entendu dire que la Norvège, par exemple, est à la recherche d’un acheteur pour Oslo. Et pourquoi si la neutralité suisse est porteuse de corruption et qu’elle pourrait faire voler la Confédération en éclats, pourquoi tous les pourparlers internationaux, presque tous les traités de paix se déroulent et se concluent à Genève? Et pourquoi Sarkozy n’a-t-il pas mis en garde les Français contre le satanisme du centriste François Bayrou?
Vu le degré d’animosité et de haine que développent les discours des uns et des autres, Michel Sleiman tente d’empêcher les protagonistes, surtout en période électorale, de passer des invectives, de la diffamation et des gros mots au langage des armes, hantise de tous les Libanais.
Michel Sleiman, en tant que président de la République est l’arbitre suprême, rôle que lui reconnaît la Constitution. Et un arbitre impartial est neutre.

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