Boutros Harb présente sa conception de la stratégie de défense
Quatrième round du dialogue national au palais de Baabda

Excepté le déjeuner auquel le président de la République Michel Sleiman a invité les Quatorze, le quatrième round du dialogue national au palais de Baabda n’aurait été qu’une réédition des séances précédentes. Tenue au lendemain de l’agression contre Gaza et des tirs de roquettes sur Israël à partir du Liban-sud, cette nouvelle réunion n’avait pour but, aux yeux de certains observateurs, que de continuer à calmer et à stabiliser le jeu à cinq mois des élections législatives.

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Reporté au 2 mars prochain, le débat au palais de Baabda n’a enregistré, cette semaine, aucune avancée palpable. Cela dit, la quatrième séance qui a vu le député Boutros Harb présenter sa vision sur la stratégie de défense nationale s’est terminée, comme d’habitude par la publication d’un communiqué de presse dans lequel les participants ont exprimé leur détermination “à œuvrer à l’application des décisions du dialogue national, surtout en ce qui concerne le règlement du dossier de l’armement palestinien hors des camps et la réunion des conditions néccessaires à la réussite de ce processus”.
Les congressistes ont, par ailleurs réitéré le rejet unanime de toutes les parties libanaises de l’implantation des réfugiés palestiniens, appelant à la réactivation du plan d’action visant à soutenir leur droit au retour. Ils ont, également, exprimé leur satisfaction quant à l’unité des positions libanaises, notamment en ce qui concerne la condamnation de l’agression contre Gaza et de la solidarité avec le peuple palestinien, d’une part, ou du souci unanime d’épargner au Liban les retombées de l’offensive israélienne et des conflits régionaux qui l’ont accompagnée, d’autre part.
Saluant les réconciliations interarabes au sommet du Koweït, les Quatorze ont souhaité que ce processus “puisse se répercuter de manière positive sur la scène locale”. Ils se sont, enfin, mis d’accord pour poursuivre la formation du comité d’experts chargé d’étudier les différentes propositions portant sur la stratégie de défense, de les synthétiser et d’en déterminer les dénominateurs communs, avant de les fusionner en un seul projet qui sera ultérieurement soumis à la table du dialogue.
Sans surprise, la quatrième séance de la conférence nationale, d’environ deux heures et demie, a démarré, comme d’habitude, par une allocution du chef de l’Etat. Après avoir passé en revue les derniers développements locaux et régionaux enregistrés depuis la dernière rencontre, s’attardant particulièrement sur les répercussions de l’offensive israélienne contre Gaza, le président de la République a salué l’unité de toutes les parties libanaises qui ont dénoncé ce crime et refusé de voir le Liban en subir les retombées néfastes.
Pour ce qui des armes palestiniennes au Liban, M. Sleiman a regretté l’incapacité du Liban à appliquer la résolution décidée lors de la conférence nationale place de l’Etoile, en dehors d’un contexte arabe favorable, outre l’absence de mécanismes pratiques et nécessaires pour régler ce dossier épineux.
Le chef de l’Etat qui a également évoqué les circonstances de sa participation aux sommets du Koweït et de Doha a, aussi, salué les nouvelles étapes franchises par le processus de réconciliations interlibanaises. Il a, enfin, insisté sur “la nécessité de procéder à la nomination de certains hauts fonctionnaires à l’approche des élections” dont, entre autres le directeur général du ministère de l’Intérieur, certains administrateurs et des membres du Conseil constitutionnel à désigner par le gouvernement.

photo Le député hezbollahi Mohamed Raad en compagnie des ténors de la majorité Amine Gemayel, Walid Joumblatt et Saad Hariri.

photo Poignée de main entre les députés Michel Aoun et Saad Hariri sous le regard d’Hagop Pakradounian.

Débat dominé par l’armement palestinien
Suite à l’intervention du chef de l’Etat, les congressistes ont entamé leurs discussions, dominées par la question de l’armement palestinien.
Prenant la parole, Samir Geagea chef des Forces libanaises a évoqué l’enquête sur les tirs de roquettes à partir du Liban-Sud et s’est longuement attardé sur ce dossier, appelant à un règlement rapide du problème de l’armement palestinien hors des camps, pour en finir avec les tirs de roquettes à partir du Liban.
M. Geagea a, par ailleurs, vivement critiqué “la dualité des positions du Hezbollah et déploré “le parrainage par le parti de la manifestation à Awkar au cours de laquelle le chef de l’Etat a été conspué”. Le chef des FL qui a réclamé l’ouverture d’une enquête judiciaire, s’est dit étonné de la passivité observée par le Parquet à cet égard.
Par ailleurs, alors que les ténors de la majorité ont réclamé un document écrit portant sur la stratégie de défense du Hezbollah, le M. Mohamed Raad, représentant le parti de Dieu, est arrivé au palais de Baabda les mains vides. Aux journalistes, le député hezbollahi a lancé “Il n’y a rien aujourd’hui!”. Fait qui a amené certaines parties du 14 Mars à estimer que le Hezbollah ne présentera jamais de projet de stratégie “afin de ne pas soumettre ses choix aux discussions et critiques”.
En outre, lorsque les Quatorze ont évoqué la formation du comité technique chargé de résumer les différentes propositions de stratégie de défense, plusieurs participants se sont interrogés sur “l’efficacité du travail de cette équipe, en l’absence d’un document écrit présenté par le Hezbollah”.
De son côté, le général Michel Aoun, chef du CPL, qui a assuré au terme de la réunion que “la séance s’est terminée comme elle avait commencé” a, une fois de plus, réitéré sa position concernant l’implantation des réfugiés palestiniens au Liban. Le chef du Bloc de la réforme et du changement s’est, également, interrogé sur l’utilité de la proposition de loi déposée par plusieurs parlementaires de la majorité pour amender la Constitution, en vue d’y faire inscrire une interdiction explicite de l’implantation.
A l’issue des discussions, le député Boutros Harb a présenté sa propre version concernant la stratégie de défense. Etalé sur 8 pages et divisé en six volets, le document propose la remise des armes du Hezbollah à l’Armée en fonction d’un calendrier-programme, tout en protégeant les cadres de la Résistance. Le document qui prône, par ailleurs, une neutralité positive du Liban, appelle à l’application de la résolution 1701, de l’accord de Taëf et des différentes décisions de la conférence du dialogue national.
Dans son introduction, le député de Batroun souligne que le Liban risque l’effondrement et qu’une entente est nécessaire pour protéger le pays et l’Etat et éviter que le Liban se transforme en une scène pour les règlements de comptes régionaux et internationaux, “particulièrement, à l’instant où certains pays voisins tentent d’hypothéquer la décision nationale libanaise”.
M. Harb qui a regretté que les Libanais ne parviennent pas à s’accorder sur les moyens d’affronter les dangers résultant des attaques israéliennes, des ilôts de sécurité et des armes palestiniennes, ainsi que l’opportunité du maintien des armes hors du cadre de la légalité a, en outre, estimé que ces divergences constituent, au plan interne, une bombe à retardement qui menace l’unité du pays et de l’Etat.
Selon M.Harb, “ce qui accentue les craintes concernant le sort du pays, ce sont les idées de certains qui ignorent l’impact de la situation actuelle sur l’avenir de l’Etat ou qui pensent que la formule actuelle de l’Etat ne correspond plus à leurs orientations ou à leurs ambitions”.
“Ils présentent, alors, des propositions susceptibles de détruire les fondements de l’Etat et d’exposer le pays au risque d’une guerre civile, aux résultats connus d’avance”, a-t-il indiqué, avant d’insister sur “la nécessité d’un dialogue calme et objectif de nature à concilier les propositions contradictoires”.
Revenant sur la conception et de la majorité et de l’opposition de la stratégie de la défense, M. Harb a relevé que l’examen du dossier des armes du Hezbollah d’une façon objective, “est fondamental”, soulignant à cet égard que “le débat ne doit pas ignorer les sacrifices de ses combattants et de ses cadres pour la libération du territoire libanais.”
Cependant, les propositions contradictoires avancées par chacun des deux camps rivaux, rendent tout débat à ce sujet stérile. “Voilà pourquoi, nous essayons de privilégier une entente sur une solution ayant pour base les principes fondamentaux des Etats souverains et démocrates, résolus à protéger leurs terres et leur souveraineté, sans exposer leur entité à des dangers menaçant leur existence et leur avenir”, a-t-il précisé.
Et le député Harb de proposer sa propre conception de la résistance, soulignant à ce stade, l’importance “d’avoir une vision commune à ce sujet et une volonté de coexistence au sein d’un système politique pluraliste”.
Par ailleurs, revenant sur la liberté de décision politique et militaire de la Résistance, M. Harb a exprimé ses réserves quant aux propos de Sayyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah selon lesquels “le système démocratique crée une distance entre l’Etat et le peuple, laissant à ce dernier une marge de liberté en dehors de l’autorité et de l’orientation étatique”. Considérant que ce discours constitue une atteinte aux principes les plus élémentaires de la Constitution et de la coexistence, le député a rappelé que “la seule marge autorisée par la démocratie se limite au droit des citoyens à s’opposer à la politique de l’Etat et à la critiquer. Ces derniers ne sont pas autorisés à contourner la Constitution, les lois et la charte nationale ou de court-circuiter les engagements internationaux de l’Etat”, a-t-il conclu.

Application de la 1701 et neutralité positive du Liban
Estimant que le maintien des armes aux mains des milices, même pour les besoins de défendre l’Etat, favorise l’anarchie et le terrorisme et empêche l’Etat de maintenir la sécurité, le député nordiste a indiqué “qu’il revient aujourd’hui à l’Etat d’assumer le rôle de la résistance”. Sur ce, il a suggéré l’adoption d’une stratégie de défense en fonction des orientations suivantes: limiter à l’Etat la responsabilité de défendre le Liban; œuvrer pour mettre en application la résolution 1701 du Conseil de sécurité; se conformer à l’accord de Taëf, notamment en ce qui concerne le retour à l’accord d’armistice et au déploiement de l’Armée jusqu’à la frontière internationalement reconnue; consolider l’Armée et répondre pour cela à ses besoins; adopter les moyens modernes permettant à la troupe d’affronter l’ennemi; établir une garde nationale relevant des forces régulières en y intégrant les cadres du Hezbollah et ce, pour protéger la frontière; remettre les armes du Hezbollah à l’Armée, en fonction d’un calendrier-programme acceptable; prendre les mesures nécessaires pour protéger les cadres du Hezb; consolider les garanties internationales pour la protection du Liban; exiger que la Syrie présente une reconnaissance écrite de la libanité des fermes de Chebaa et d’accepter de délimiter la frontière; commencer sans tarder à appliquer les résolutions du dialogue national; ramasser les armes palestiniennes hors et à l’intérieur des camps; demander à la Syrie de fermer les camps palestiniens qu’elle contrôle; approuver l’amendement constitutionnel interdisant l’implantation des Palestiniens; enfin, s’éloigner de la politique des axes régionaux ou internationaux et proclamer la neutralité positive du Liban.

Micheline Abi-Khalil
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4195 Du 31 Janvier Au 7 Février 2009
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