Le haut barrage égyptien face au projet intégriste
D’où viendra une secousse stratégique pour conjurer cette malédiction?
Par Melhem KARAM

Depuis l’effondrement du projet national arabe en 1967, la rue arabe s’est retournée vers la religiosité, la faisant introduire dans la pratique sociale quotidienne et politique. A la manière de la boule de neige, cette tendance a grossi. De même, l’impuissance à traiter avec l’occupation israélienne et la politique américaine des deux poids et deux mesures ont abouti au fleurissement des mouvements de l’islam politique et du sursaut fondamentaliste émanant de la tunique des “Frères musulmans”.
Il faut ici procéder à une lecture sociologique de ces développements ayant émergé avec “Hamas” en Palestine, de l’instance sistanique électorale en Irak, de la percée parlementaire des “frères” en Egypte et de la victoire du courant néjadiste en Iran. Les experts de la sociolgie s’attendent à ce que ces phénomènes s’approfondissent et se concrétisent en 2009, à titre de réplique à l’attentisme dans les services fermés et en tant que mouvement social contre le fait accompli. Certains se rappellent l’attentat de la tribune, le 6 octobre 1981, date à laquelle Anouar Sadate a été abattu par ceux qu’il a sortis des prisons nassériennes. D’autres s’arrêtent à la tentative avortée à laquelle s’est exposé le président Hosni Moubarak à Addis Abéba le 25 juin 1995. Avant et après les deux opérations, des dizaines d’attentats ont été perpétrés par des mains islamiques jihadistes, se réclamant de la “Jamaa islamique” ou du mouvement d’Al-Jihad, tous deux étant issus d’une même idéologie. Au point que d’aucuns indiquent que Mohamed Ata, chef de “l’ouragan des avions-suicide” ayant frappé New York et Washington le 11 septembre 2001, est de la troisième génération, sorti de la tunique des frères musulmans. Alors qu’Ayman el-Zawahiry, Sleiman Aboul-Ghaith, Aboul-Hafs et Abou Zoubaida, piliers d’Al-Qaëda, représentent la seconde génération des “Frères” qui ont troqué leur passivité intellectuelle et idéologique, contre les options suicidaires.
L’histoire des Frères musulmans débute avant la naissance de leur courant, avec cheikh Hassan el-Banna en 1928 à la fin du XIXème siècle, sous l’appellation de “Mouvement de la réforme islamique”, à travers des réformateurs connus, tels Jamal Eddine el-Afghani, dont le doute entoure l’origine. On a dit que c’était un Iranien, un Hindou ou un Afghan. Selon toute vraisemblance, c’était un chiite iranien ayant caché son identité, parce qu’il a gagné le monde arabe sunnite avec cheikh Mohamed Abdo, égyptien diplômé d’Al-Azhar.
Au départ, el-Banna n’a pas considéré les “Frères” comme un mouvement politique. Mais la réalité était différente et la portée politique s’est imposée dans deux directions: s’opposer au colonialisme britannique en Egypte et tenter de réformer l’institution royale (la famille de Mohamed Ali). Ce cheikh venu des rives du canal de Suez, a connu une grande popularité et prouvé une haute capacité dans l’organisation et la structuration politico-sociale. Il a fondé au début des années 40 “l’organisme secret”, tout en étant le bras militaire du mouvement social.
En ce temps, l’Egypte était montée contre le colonialisme britannique. Le système politique était corrompu et le leadership du parti Wafd de Moustapha Nahas s’est affaibli. Aussi, el-Banna a-t-il exercé des pressions pour accélérer le cours de l’Histoire. Les “Frères musulmans ont perpétré le premier attentat politique en assassinant le Premier ministre Ahmed Maher Pacha au parlement, le meurtrier étant un membre de la confrérie, Mahmoud Issawi, le mobile étant futile: la proclamation par Le Caire de la guerre contre l’Axe (l’Allemagne).
La série des attentats par les “Frères musulmans” s’est poursuivie: assassinat du chef du gouvernement en 1948, Mahmoud Fahmi Nohrachi qui a succédé à Ahmed Maher; puis, du président du tribunal ayant condamné à mort les auteurs des crimes. Le gouvernement a riposté à la “série noire” et a tué cheikh el-Banna en 1949, dont la disparition n’a pas mis fin au mouvement qui a poursuivi ses activités, en parvenant à mobiliser un grand nombre de jeunes officiers dans une étape embarrassante. Jamal Abdel-Nasser était à leur tête, ainsi que Khaled Muhieddine, Mahmoud Abdel-Monhem et d’autres “camarades” libres.
En 1952, a éclaté la révolution nassérienne et les “Frères” ont insisté sur la proclamation de l’Etat religieux et l’application de la loi islamique (charia). La dextérité d’Abdel-Nasser est apparue dans la manière de traiter avec ces revendications et de faire face à la popularité du général Mohamed Naguib.
A l’époque, les “Frères” ont tenté de l’assassiner au cours d’un meeting populaire. Le plan a échoué et s’est retourné contre ceux qui l’ont élaboré. Alors a commencé l’épreuve des frères avec le régime en Egypte et il a été procédé à l’emprisonnement de plusieurs membres de la confrérie, la révolution nassérienne ayant changé de cap en s’inspirant du mouvement national arabe. Les “Frères” devaient être libérés en 1971 par Sadate et ont tenté vainement d’instaurer l’Etat religieux.
Un diplomate arabe dit que les groupes de la pensée jihadiste et suicidaire sont responsables, à travers leurs opérations terroristes, du report du projet démocratique dans un certain nombre d’Etat arabes qui se sont exposés à leurs menaces et périls. Ils ont entrepris des attaques violentes de sabotage; rejeté la démocratie pluraliste et empêché la modernisation des structures et des institutions. En dépit de leur crédit afghan, les organisations fondamentalistes égyptiennes ont échoué dans leurs tentatives de coups d’Etat. De plus, ils ont essayé de s’attaquer au leader du monde capitaliste et à la plus forte puissance sur la mappemonde internationale, à savoir les Etats- Unis, ce qui représente l’erreur stratégique.
Maintenant, Obama fait face à ces organisations, de même que le système arabe. Il n’y a pas lieu de les craindre après qu’elles ont été battues sur le terrain et dans l’espace idéologique. A présent, les tractations se concentrent sur le mouvement “Hamas” entre deux parties régionales: Le Caire et Téhéran. D’où viendra la grande secousse pour mettre un terme à la tragédie des souffrants?

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