Tenues fin mars sur le thème:
Gestion durable de l’eau douce en Méditerranée
Rencontres internationales Monaco
et la Méditerranée: Priorité à l’eau

Les Rencontres Internationales Monaco et la Méditerranée (RIMM) ont été créées en 2001 et ont pour vocation de réunir tous les deux ans des experts de l’ensemble du pourtour de la Méditerranée, autour de thèmes ayant pour objectif principal la protection du patrimoine culturel et naturel méditerranéen. Ces Rencontres visent, également, à encourager les responsables des pays méditerranéens à réfléchir et à travailler ensemble sur des programmes urgents et des projets d’avenir; à contribuer aux renforcements des liens euro-méditerranéens et à créer des passerelles entre pays pour sauvegarder ce patrimoine. La cinquième édition des rencontres s’est tenue les 26, 27 et 28 mars, sur le thème gestion durable et équitable de l’eau douce en Méditerranée.

photo De dr. à g.: MM. Scoullos, Fadi Comair, Mme Zeina el-Tibi, le prince Albert II de Monaco, Mmes Aziza Bennani et Bréau.

photo Le prince Albert II lors de la séance de clôture avec Mme Bennani, ambassadrice du Maroc à l’Unesco et Mme Bréau, présidente des RIMM.

Le “pétrole bleu” a été du 26 au 28 mars, au centre des débats des Vèmes rencontres internationales Monaco et la Méditerranée (RIMM), sous le haut patronage de S.A.S. Albert II de Monaco. Elles ont bénéficié de la participation d’éminents experts scientifiques et culturels venus des principaux pays méditerranéens: Algérie, Chypre, Espagne, France, Grèce, Italie, Liban, Libye, Maroc, Monaco, Palestine, Syrie, Tunisie et Turquie.

Gestion durable et équitable de l’eau douce en Méditerranée
L’approche humaine et sociale de la question de l’eau, les types de gestion de l’eau appliqués dans leur aspect ancien et leur application moderne, montrent que la situation devient de plus en plus difficile. Les efforts déployés au niveau technique pour accroître le rendement, sont variés et parfois difficiles à faire accepter par la population, exemple de l’utilisation des eaux usées. Le rôle des intellectuels pour former les nouvelles générations et sensibiliser les politiques a été mis en exergue.
M. Michael Scoullos (Grèce) a appelé à une meilleure solidarité entre chercheurs et scientifiques, afin de mieux comprendre les besoins actuels et les défis de demain. Regrettant le manque de sincérité de certains pays, notamment les Etats-Unis, lors des réunions du Vème forum mondial de l’eau à Istanbul, il a souligné que les débats des rencontres de Monaco sont plus fructueux que ceux auxquels il a assisté à Istanbul. Mettant l’accent sur l’aspect équitable de la répartition de l’eau il précise: “Nous devons garantir à tout un chacun une quantité minimum d’eau, cet accès doit être un droit assuré par les instances internationales”.
L’approche de la gestion de l’eau à conception sécuritaire, pousse à envahir les pays limitrophes. Pour cela, M. Fadi Comair, directeur général des ressources hydrauliques et électriques, relevant du ministère de l’Energie et de l’Eau du Liban, a présenté un exposé porteur d’espoir, dans lequel il a préconisé la notion d’“hydrausécurité”. M. Comair, l’un des meilleurs experts internationaux de la question de l’eau, préconise de mettre en place une institution liée à l’ONU ou à l’Union pour la Méditerranée, qui soit une Agence pour assurer un environnement adéquat; c’est-à-dire favoriser la culture de la paix, en traitant le problème par le partage équitable. Il a ajouté: “Au lieu d’investir dans les achats d’armes, investissons dans la technicité pour un meilleur rendement dont pourront profiter tous les pays du Proche-Orient”.
Des intervenants ont, également, mis en valeur le rôle de l’éducation pour sensibiliser les nouvelles générations à ce problème et concevoir une nouvelle approche de la manière dont l’eau potable devrait être gérée et utilisée.

Les leçons du passé
Il est intéressant de noter que plusieurs intervenants ont rappelé qu’il serait utile d’établir un lien entre les techniques utilisées dans le passé et celles que les chercheurs espèrent utiliser dans le futur, afin de mieux rentabiliser l’utilisation et répondre aux besoins d’une population croissante. Les recherches ont montré que les techniques anciennes gardent leur pertinence, compte tenu de l’augmentation de la demande en eau. Les techniques hydrauliques utilisées par les anciens (qanâts, foggaras, puits verticaux…) ont permis de stabiliser la population dans les régions rurales et favorisé un meilleur rendement.
Les grands besoins en énergie électrique poussent, aujourd’hui, à la réhabilitation des Foggaras en Algérie, par exemple. Mme Yamna Djellouli Tabet a affirmé: “C’est l’histoire et le patrimoine à ne pas négliger et une manière de sauver la population habitant autour des oasis. Une manière de redonner vie aux villages”.
Pour l’anthropologue marocain Toufic Ftaïta la question de la gestion de l’eau dans les oasis et la technique des répartitions mise en place par les anciens respectait une répartition sociale, celle-ci s’est dégradée avec la modernisation des techniques créant un comportement individualiste qui a engendré un déséquilibre social dans la communauté rurale marocaine. Le professeur Mohamed Al-Dbiyat a insisté sur l’efficacité du système qui s’est développé sur l’Oronte, particulièrement les norias à Hama et Homs délaissées au profit des motopompes. Il a mis l’accent sur l’importance de ces vestiges pour le patrimoine syrien.
Selon l’historien Mohamed El Faëz, lauréat des Vème Rencontres, les vestiges d’anciens systèmes hydrauliques peuvent être un moyen d’encourager un tourisme culturel et historique. Ce spécialiste du génie des jardins anciens, rappelle le rôle historique de Bagdad et ses écoles hydrauliques, notamment le rôle de l’épouse de Haroun El Rachid qui, réalisant le manque d’eau dont souffraient les pèlerins, avait imaginé un parcours de 1.424 km, “Derb Zoubaida”, de Bagdad à La Mecque sillonné de bassins circulaires afin de ravitailler les voyageurs.

Le Maroc à l’honneur
Le Maroc était le pays à l’honneur des Vèmes Rencontres internationales Monaco et la Méditerranée. Sa participation en tant qu’invité d’honneur à ces rencontres, vise à faire connaître son patrimoine hydraulique à un public plus large et à engager une campagne de sensibilisation à l’échelle internationale, de façon à le sauvegarder et à le valoriser pour un développement durable.
M. Jean Margat, président du Plan Bleu pour la Méditerranée et vice-président de l’Institut méditerranéen de l’eau, a indiqué que la gestion de l’eau a été depuis des décennies une question “très bien organisée et suivie” par les autorités marocaines, aussi bien au niveau central que local, rappelant que le royaume a entrepris un important travail d’aménagement des eaux. Mettant en exergue la politique de construction de barrages adoptée par le Maroc depuis son indépendance, M. Margat a précisé que “cette stratégie a donné ses fruits dans la mesure où il y a actuellement près de 16 milliards de mètres cubes de volume de tous les barrages réunis”.
M. Mohamed El Faëz, professeur à l’Université Cadi Ayyad, de Marrakech, historien de l’agronomie et des jardins arabes, a expliqué que l’intérêt de ces rencontres est d’attirer l’attention sur le génie de l’eau dans la civilisation arabo-musulmane, rappelant que le Maroc a accumulé un très riche patrimoine dans les domaines de la gestion de l’eau, de la mobilisation des ressources hydrauliques et, surtout, en matière de préservation et d’économie de l’eau. Evoquant ses travaux sur l’histoire de l’hydraulique arabe, l’universitaire marocain a rappelé que les pays de la région ont eu un apport considérable en matière d’économie et de gestion durable de l’eau et que ce passé peut servir de modèle pour améliorer ce qui se fait actuellement ou ce qui se fera à l’avenir.
Mme Bennani, ambassadrice du Maroc à l’Unesco, a rendu hommage à son pays qui développe une nouvelle politique en mouvement, grâce aux réformes sociales et économiques engagées par Sa Majesté le roi Mohamed VI. Selon Mme Bennani, la politique du royaume tend à mettre fin aux disparités locales et qui s’engage dans l’édification de l’Etat de droit: “Les valeurs que prône aujourd’hui le Maroc, dit-elle, s’harmonisent avec celles de Monaco en particulier et de l’Union européenne en général”.

L’implication de Monaco
S.A.S Albert II de Monaco a tenu à participer à la séance de clôture. Il a salué les efforts déployés par tous les chercheurs présents et rappelé combien les problèmes liés à l’eau sont importants et graves. Le prince a affirmé que “l’avenir de l’humanité dépend d’une bonne gestion hydraulique et du respect de l’environnement”.
Après avoir exposé les nombreuses actions entreprises par la coopération internationale monégasque, il a ajouté: “Votre colloque a prouvé que cette question de l’eau douce a toujours été au cœur des préoccupations de la population du bassin méditerranéen”. Il a conclu sur une note optimiste: “Je veux exprimer ma foi dans la capacité de ce bassin méditerranéen, berceau de notre civilisation, à redevenir cet espace où cultures et confessions peuvent coexister dans l’harmonie et partager une conception commune d’une gestion équitable des ressources hydrauliques. Votre colloque m’apparaît comme l’anticipation de la concrétisation de ce vœu”.
Mme Bréau, présidente des RIMM, a clôturé ces rencontres riches en études et en recommandations et appelé à une prochaine rencontre en 2010 à Marrakech.

S.A.S. Albert II de Monaco à “La Revue du Liban”:
“Garantir la sécurité des ressources en eau est désormais un impératif majeur”

S.A.S. le prince Albert qui a déjà eu l’occasion de venir en visite officielle au Liban, a bien voulu répondre aux questions pour La Revue du Liban.
Pourquoi la Principauté est-elle très impliquée, notamment par le biais de votre fondation, dans la protection de l’environnement et du développement durable?
Forte de son Histoire et de sa position d’Etat neutre, capable de rassembler dans le respect et le dialogue, les représentants de ces peuples dont la coexistence est souvent un défi, la Principauté est bien décidée à assumer son rôle dans un combat qui concerne toute l’humanité. En effet, aujourd’hui, le monde doit faire face à un défi planétaire commun qui demande des actions urgentes et concrètes, en réponse à trois grands enjeux environnementaux: le changement climatique, la biodiversité et l’eau. Garantir la sécurité des ressources en eau dans les différentes régions de la planète est désormais un impératif majeur.
A votre avis, l’Union pour la Méditerranée peut-elle être un moyen pour aboutir à la paix dans cette région et, de ce fait, peut-elle aider à une meilleure gestion de la richesse hydraulique au Proche-Orient?
Tous les pays riverains de la Méditerranée sont confrontés aux mêmes enjeux et pour ne prendre que la problématique de l’eau, nous sommes tous devant la menace d’un stress hydraulique, lié au manque d’accès à l’eau potable. La gestion de l’eau est un problème majeur; il faut y pallier dès maintenant. L’augmentation de la population appelle à une meilleure administration; il faut absolument modifier notre comportement et notre relation vis-à-vis de l’eau, sans pour autant sacrifier des besoins élémentaires en hygiène ou en source de bien-être. Nous devons tous, y compris les responsables, apprendre à être économes. Le Liban n’est pas exempt de ces problèmes, mais je sais que le pays du Cèdre attache une grande importance à la bonne intendance de son eau et en montre la voie. Je suis convaincu que c’est en joignant nos efforts que nous parviendrons à trouver des solutions. Tout ce qui peut aider à combattre l’inégalité, sera un facteur de paix. Je pense que ce message doit ressortir des rencontres d’aujourd’hui. Pour ce qui concerne les Etats membres de l’Union pour la Méditerranée, il leur incombe de prouver au monde que la Méditerranée n’est pas seulement l’objectif de nos efforts, mais est, avant tout, le socle de nos espoirs.
Quelle est la nature des relations entre la Principauté et le Liban?
Il existe des relations d’amitié traditionnelle entre la Principauté de Monaco et le Liban. Monaco s’est engagée dans plusieurs actions concrètes pour renforcer ces relations, par exemple une convention d’aide au reboisement de la forêt libanaise, une participation à la réhabilitation de la Bibliothèque nationale du Liban et plusieurs actions humanitaires. Comme je l’ai écrit au Président Michel Sleiman après son élection, je souhaite ardemment que le Liban consolide la paix civile et redevienne cette terre d’accueil tant aimée.

Zeina el-Tibi
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4205 Du 11 Au 18 Avril 2009
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