L’affaire dure depuis 2002 et le coup d'envoi en a été donné en 2008, lors de la réunion “marathonienne” du Conseil des ministres qui par un décret en date du 5 mai, a décidé d’attribuer le dossier du port de Jounieh, sur proposition du ministère des Travaux publics et des Transports au Conseil du Développement et de la Construction (CDR), ainsi qu’à la Direction générale des transports routiers et maritimes.
La baie de Jounieh.
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M. Georges Abou Maashar présentant le plan de réhabilitation du futur port
de Jounieh au patriarche Sfeir.
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C’est donc après un cycle de stagnations et de rebondissements, ponctués d’un suivi acharné et ininterrompu, que le Conseil du Développement du caza du Kesrouan a réussi son pari d’obtenir l’élargissement du port de Jounieh qui demeure désormais le premier port international et touristique sur le littoral du Mont-Liban.
Un port vieux de presque un siècle ayant témoigné des tragédies de la guerre libanaise. Seul exutoire libanais pour l’étranger à l’époque, ses activités se sont arrêtées en 1995, après la fin des hostilités. Il fallait donc attendre 2002 et l’initiative de feu le ministre Georges Frem pour relancer le dossier et le Conseil de développement du Kesrouan après son décès.
Vue de la baie de Jounieh
avant 1913.
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Le port de pêches abritant des barques.
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Le vieux port dans l’oasis
de Jounieh
Retour sur le passé dès le XIXème siècle, des négociants européens s’ouvrent au commerce de la ville de Jounieh, ancienne capitale du district qui commence à pointer au cours de la révolution industrielle. On vient y acheter de la laine, du coton et de la soie stockés dans les entrepôts du port, par des fabricants de l’arrière-pays. Le port de Jounieh se développe, notamment pendant la Moutassarifiat car les commerçants des cazas environnants le préfèrent à celui de Beyrouth soumis aux taxes ottomanes exorbitantes.
A partir de 1913, le port, jusque-là réservé aux bateaux ottomans, s’ouvre au commerce international avec la première mission de la flotte française à la baie de Jounieh, dont l’amiral fut reçu par le patriarche maronite de l’époque. Selon l’écrivain Youssef El Hakim, l’objectif premier de cette visite française était d’accroître les intérêts de la France vis-à-vis du Mont-Liban, de même que la prospérité économique de la région en augmentant les avantages concurrentiels du port et en explicitant sa volonté d’en faire “un lieu où les flottes étrangères jetteront leurs ancres”. L’écrivain et homme politique français, Maurice Barrès avait mis en relief ce fait historique dans son ouvrage Une enquête aux pays du Levant, en écrivant que “Bkerké garde la plus profonde satisfaction de la mission que vient de remplir au Liban la flotte française. Après avoir reçu l’amiral, le patriarche lui a rendu visite à bord dans la baie de Djouni*”.
Depuis, des années se sont écoulées, deux guerres mondiales et une guerre civile ont tendu leur voile noir sur les lieux, mais en dépit de tout, la volonté de poursuivre ce dessein ne tarissait pas dans l’esprit kesrouanais. “Après la mort du ministre Georges Frem, nous avons pris le dossier du port de Jounieh en charge et c’est depuis mai 2006 que ce port est devenu formellement un port international au service des touristes de la Méditerranée, prêt à prendre la relève au port de Beyrouth au cas où la situation sécuritaire se détériore”, affirme M. Georges Abou Maashar président du Conseil de Développement du Kesrouan.
la première phase du projet accomplie
Dans la première étape de l’élargissement du port de Jounieh, le chantier et des digues furent montées afin de déplacer les tonnes de sable des environs du port de pêche. Ces quantités de sable furent déposées dans un autre endroit public. Abritant quelques barques de pêcheurs, l’achèvement de la première phase a rayonné symboliquement, sur tout le Kesrouan.
Dans les faits, c’est à la demande de M. Abou-Maashar, qu’en juin 2006, un rapport a été établi brossant l’état des lieux de la baie de Jounieh (du port jusqu’au Casino) et détaillant toutes les données géographiques, historiques et touristiques. Par la suite, une étude a été effectuée à la demande du ministère des Travaux publics et des Transports publics, par la société italienne Progretti e Ambiante S.p.A sur la circulation hydrodynamique de la baie de Jounieh.
Dans la seconde phase, il s’agit de construire d’une jetée longue de 850m sur une infrastructure en béton armé et d’un quai pour l’accostage des navires de croisière. La jetée qui permettra à des navires atteignant une capacité de 2000 personnes, d’atteindre la côte sera jointe au quai du port de pêche, à l’aide d’un pont sur pilotis avec à l’extrémité du musoir, les bureaux des autorités portuaires, des douanes et de la sûreté générale. Un projet exigeant 35 millions de dollars, à assurer par à des investissements arabes (éventuellement, de la part du Koweït et du Qatar).
Un essor économique
et vital pour le Kesrouan
Situé au sein du même nœud stratégique avec le port de Beyrouth, le nouveau port n’entrera pas en concurrence avec ce dernier. Jounieh, cette belle ville côtière à 16km du nord de Beyrouth, s’étale sous un promontoire montagneux s’élevant à pic jusqu’à 500m et constitue, pour ainsi dire, un des points les plus convoités du caza.
Par conséquent, le port est incontestablement un pont de ravitaillement économique et commercial et un point stratégique. Par son emplacement géographique et son ancienneté, il assurera le développement de toute la région. Cependant, il ne faut pas omettre de signaler que le nouveau port changera la vie des habitants du Kesrouan eux-mêmes. Attentifs et perspicaces, comme devant la mue d’une chenille, ils espèrent à juste raison recueillir de sitôt cette “valeur ajoutée”. “Ce port va sûrement agrémenter notre commerce… il n’est pas question pour nous de vendre ou de lâcher prise, car nous valorisons à plus long terme le profit que l’activité du port est censée promouvoir”, explique un boutiquier du vieux quartier de Jounieh. Pour la collectivité, la présence d'un port moderne, efficace et attrayant, comporte beaucoup plus d’avantages que d'inconvénients et – fait non négligeable - le transport maritime demeure, non seulement le mode de transport le plus économique mais, aussi, le plus écologique.
PORT LE PLUS BEAU
ET LE PLUS SûR DU M.-O.
Situé au carrefour de sites touristiques (les fameuses Grottes de Jeita, le Casino du Liban, etc...), le port jouit, entre autres, de l’atout incontestable d’être “le second plus beau port du monde” après celui de Rio de Janeiro, d’après un classement de l’UNESCO. Avec l’alternance des quatre saisons sur le littoral, la vue pittoresque qu’offre la visite de Harissa, la proximité des stations de ski par rapport à la plage, le port de Jounieh est “le plus beau et le plus sûr port du Moyen-Orient”. “Avec ce potentiel énorme, il décroche la seconde place après le nouveau port de Napoli”, affirme M. Abou Maashar.
Une beauté somptueuse et sauvage que Renan a raison de décrire comme “le plus beau passage du monde”. Pour Barrès, cette “baie sereine au bord de la mer (…) dont les eaux sont vertes à la rive et plus foncées dans le lointain, ce sont des jardins d’orangers, de mûriers, de citronniers; puis, sur les premières pentes, des maisons dans les vergers. Alors s’élèvent les montagnes vêtues de lumière et d’ombre, déchirées parfois par des ravins jaunâtres d’or clair et leurs grandes formes simples, sévères, sont d’une noblesse religieuse”.
Au service du développement d’une région défavorisée, en l’occurrence le Kesrouan, capable de drainer touristes et capitaux, M. Abou Maashar interpelle les responsables politiques pour leur demander “de ne pas faire du port un tremplin d’intérêts politiques et aux dépens de ce pays rongé par le confessionnalisme et le clientélisme. Nous sommes parvenus à nous faufiler à travers les enchevêtrements bureaucratiques. De plus, les prérogatives accordées dans le projet d’élargissement du port sont très clairement stipulées par le décret du Conseil des ministres, confie-t-il. “Nous exprimons notre reconnaissance au président de la République, le général Michel Sleiman, qui nous a beaucoup soutenus, ainsi que l’ex-ministre Safadi qui a fait preuve de beaucoup d’engagement et de responsabilité et l’actuel ministre Ghazi Aridi pour son suivi logistique, sans oublier le directeur général des Transports routiers et maritimes l’ingénieur Abdel-Hafiz El-Qayssi et le Dr Nazem Khoury”.
En ces jours du printemps, les espaces maritimes de Jounieh ne connaissaient pas d'effervescence particulière, néanmoins une note d’espoir vibre au gré des futurs débarquements de ferries qui attendent le début de la saison estivale pour y affluer!
* Maurice Barrès, Une enquête aux pays du Levant, Tome I, Plon, Paris, 1923, p.121. |