Le gouvernement d’union nationale voit le jour
Saad Hariri: “Nous ouvrons une nouvelle page”

En costume sombre, comme le stipule le protocole après le 15 octobre, les nouveaux ministres du Cabinet Hariri, se sont alignés sur les marches menant à la pelouse de la présidence, pour la traditionnelle photo-souvenir. Seul, Salim Sayegh, ministre Kataëb des Affaires sociales, n’a pas répondu à l’appel. Mécontents de “la manière dont Koraytem s’est comporté avec le parti”, les Kataëb réunis en urgence à Saïfi ont, en effet, en signe de protestation, décidé de boycotter la séance de la photo officielle, ainsi que la première séance du Conseil des ministres tenue à Baabda sous l’égide du président de la République (voir nos pages 20 et 21). Nonobstant cette fausse note, le Liban s’est doté, enfin, cette semaine d’un nouveau gouvernement d’union nationale. Une naissance survenue après d’âpres tractations menées entre opposition et majorité.

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Il aura fallu donc quatre mois et douze jours après la première désignation du chef du Courant du futur au poste de Premier ministre pour accoucher du Cabinet d’union nationale. “Un gouvernement qui est à l’image du Liban”, comme l’a précisé le nouveau Premier ministre Saad Hariri, dans un discours qu’il a prononcé depuis le palais de Baabda, juste après la lecture des décrets de formation. “Nous ouvrons une nouvelle page”, a-t-il dit avant de souligner que “ce gouvernement peut paraître aux yeux de certains le reflet des différends confessionnels et politiques, mais nous devons prouver au monde entier qu’il est aux yeux des Libanais, la véritable image de l’entente nationale.
“L’entente signifie la coopération, la coordination et la participation (…) Il faut que le Conseil des ministres devienne un pouvoir exécutif efficace responsable des affaires du pays et non un lieu de querelles politiques”, a-t-il indiqué.
“Ce gouvernement sera soit une chance de renouveler la confiance dans les institutions de l’Etat et de donner un exemple réussi sur la gestion des affaires du pays à travers l’entente nationale, soit il sera une étape à travers laquelle les Libanais répèteront leur échec”, a remarqué le Premier ministre.

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Le Premier ministre s’est rendu à Rabieh
où le général Aoun lui a communiqué les noms des ministres
du CPL avant de l’inviter à déjeuner.

Le nouveau Cabinet qui s’est réuni mardi après-midi pour désigner la commission chargée de la rédaction de la délaration ministérielle (présidée par Saad Hariri, cette dernière regroupe les ministres Boutros Harb, Tarek Mitri, Mohamed Fneich, Jean Oghassabian, Wael Bou Faour, Ziyad Baroud, Gebran Bassil, Charbel Nahas, Ali al-Chami, Salim Sayegh, Rayya Haffar et Youssef Saadeh), a été applaudi par les différentes puissances internationales.
Les Etats-Unis ont, ainsi, exprimé l’espoir que le nouveau gouvernement s’efforce d’appliquer intégralement les résolutions internationales. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon s’est félicité de la formation du Cabinet et a espéré que les dirigeants libanais “continueront à travailler ensemble dans un esprit d’unité, de dialogue et de coopération”.
De son côté, l’Union européenne a encouragé le Cabinet à “mener à bien les nécessaires réformes politiques et économiques”. L’Italie, quant à elle, a qualifié la formation du Cabinet de “nouvelle positive et encourageante pour l’avenir du Liban et du Moyen-Orient”. Enfin, le président français, Nicolas Sarkozy, a adressé ses “félicitations chaleureuses et amicales” à Saad Hariri. Il a jugé que “ce gouvernement d’union nationale répond aux aspirations du peuple libanais et s’inscrit dans le prolongement des élections du 7 juin dernier”.
Pour sa part, le président syrien Bachar Assad a adressé un message à son homologue libanais dans lequel il exprime “l’espoir que cette étape marquera une période de prospérité pour la République libanaise et le peuple libanais frère”.
Notons que selon les analystes, M. Hariri devrait se rendre en Syrie à la tête d’une importante délégation de son gouvernement avant le 15 décembre, après l’adoption de la déclaration ministérielle et le vote de confiance au parlement.

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Juste après l’annonce de la formation du gouvernement,
le Premier ministre s’est rendu à Bkerké.

Profil du nouveau gouvernement
Chaudement salué par la communauté internationale, le gouvernement d’union nationale, bien qu’il a suscité agacements et grincements de dents de part et d’autre, permettra selon les observateurs d’ouvrir la voie à une nouvelle ère et à de nouvelles perspectives politiques internes et régionales. Hétéroclite, représentant quasiment les différentes composantes libanaises, il est composé de 30 ministres, dont 15 pour la majorité, 10 pour l’opposition et cinq “neutres” désignés par le président Sleimane. Il se caractérise par le fait qu’il met en scène du sang nouveau au détriment des figures partisanes. En effet, en sus du Premier ministre Saad Hariri, treize nouvelles figures, dont deux femmes Rayya el-Haffar et Mona Afeiche, intègrent pour la première fois le gouvernement. Le Hezbollah est, quant à lui, représenté pour la troisième fois de son histoire au gouvernement avec deux portefeuilles: le ministère d’Etat de la Réforme administrative et de l’Agriculture. Par ailleurs, seize ministres ont retrouvé leurs postes, alors que deux changent de maroquins: Gebran Bassil et Mohamed Fneich.

Qui est Saad Hariri?
Propulsé sur le devant de la scène politique locale il y a cinq ans, juste après l’assassinat de son père, Saad Hariri, bien que peu impliqué dans les affaires publiques, est devenu depuis chef du Courant du futur et de la majorité parlementaire. Triomphant lors des législatives de 2005 et 2009, le jeune leader qui détient également la nationalité saoudienne, n’a cessé de rechercher les assassins de son père, qualifiant d’historique la mise en place du TSL (Tribunal spécial pour le Liban).
Né le 8 avril 1970, licencié en gestion de l’Université George Washington, il dirigeait depuis 1996 à Riyad, Saudi-Oger, l’entreprise de travaux publics grâce à laquelle son père a fait fortune. Marié à Lara Bachir Azm, d’origine syrienne, il est père de trois enfants, qui vivent avec leur mère en Arabie saoudite pour des raisons de sécurité. Le magazine Forbes a évalué en 2009 la fortune de Saad Hariri à 1,4 milliard de dollars.

Qui sont les 13 nouveaux ministres?

Fadi Abboud: Né le 21 mars 1955, le nouveau ministre du Tourisme désigné par le CPL, est marié et père de deux enfants. Après des études à l’école Saint-Joseph à Qornet Chehwane et l’école internationale de Choueifat, il décroche un diplôme en économie et en développement de l’Université de Westminster à Londres. PDG de l’usine d’ustensiles plastiques GPI depuis 1982 et de Naas Food Company, directeur de la société Gempco, il a été élu président de l’Association des industriels en 2002 et réélu en 2006. Fadi Abboud est membre du conseil exécutif et président de la commission économique au sein de la Ligue maronite. Il est, également, membre de la Chambre de commerce internationale et de la Chambre de commerce libano-américaine.

Mona Afeiche: Ministre d’Etat désignée par le président de la République, Mona Afeiche est née le 24 décembre 1942. Mariée à Faddoul Choueiri, elle est mère de deux enfants et grand-mère de cinq petits-enfants. Diplômée en droit français et libanais de l’Université Saint-Joseph, elle pratique la profession d’avocate depuis 1967. Membre actif du Conseil disciplinaire et du comité d’éthique à l’Ordre des avocats, elle est également active au sein de plusieurs ONG. Présidente du comité exécutif de la Fondation du père Osseirane, elle milite depuis des années en faveur des droits des mineurs en conflit avec la loi et de la modification des lois discriminatoires envers les femmes.

 

Ali Hussein Chami: Né le 21 avril 1945 à Jarjouh, le nouveau ministre des Affaires étrangères a été désigné par le mouvement Amal. Marié, titulaire de plusieurs diplômes en sciences politiques et administratives de l’Université de Grenoble et de l’Université libanaise, il est professeur à la faculté de droit et des sciences politiques à l’UL. Auteur de plusieurs ouvrages portant sur des questions diplomatiques et administratives.

 

 

 

Abraham Dedeyan: Né à Beyrouth le 28 octobre 1939, le nouveau ministre de l’Industrie désigné par le CPL est marié à Marie Wadih Yakhour et père de quatre enfants. Titulaire d’un diplôme en génie civile de l’Université américaine de Beyrouth en 1961, il a été élu député de Beyrouth de 1996 à 2000. Membre de l’Ordre des ingénieurs de Beyrouth, Dedeyan a, entre 1961 et 1965, travaillé en Syrie à la construction de plusieurs bâtiments officiels à Damas et à Lattaquieh. Entre 1965 et 1991, il a dirigé la société Hamad ben Khaled al-Thani au Qatar.

 

 

Rayya el-Haffar: Première femme à occuper le poste de ministre des Finances, Rayya el-Haffar nommée par le Courant du futur est née à Tripoli en 1967. Epouse de Janah el-Hassan, elle est mère de trois enfants. Diplômée en gestion et spécialisée en finances et en investissements de l’Université américaine de Beyrouth; puis, de l’Université George Washington, membre du bureau de Rafik Hariri depuis 2003, elle était conseillère de feu Bassel Fleihane, ancien ministre de l’Economie et de l’ancien ministre des Finances, Fouad Sanioura.

 

 

Hussein al-Hajj Hassan: Né à Hawch al-Nabi à Baalbeck le 17 octobre 1960, le nouveau ministre hezbollahi de l’Agriculture, est titulaire d’un doctorat en physique-chimie de l’Université d’Orléans depuis 1987. Elu en 1996 député du Hezbollah pour la Békaa, caza de Baalbeck-Hermel, il enseigne plusieurs disciplines à l’UL.

 

 

 

 

Adnane al-Sayyed Hussein: Ministre d’Etat désigné par le président Sleiman, est né à Louaizé en 1954. Marié à Souha Rezzo et père de trois enfants, il est titulaire d’un doctorat en sciences politiques et est expert en relations internationales. Professeur à la faculté de droit et de sciences politiques de l’UL, il est également conférencier à la faculté d’état-major de l’Armée libanaise. Adnane al-Sayyed Hussein a contribué à la rédaction du livre d’éducation civique après les accords de Taëf.

 

 

Hassan Mneimné: Coordon-nateur du secteur éducatif au sein du Courant du futur, il est devenu ministre de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur. Né à Beyrouth en 1949, Hassan Mneimné est marié à Nada Abdel-Wahad et père de trois enfants. Diplômé en histoire de l’UL, il a décroché son doctorat de la Sorbonne, Paris-I. Professeur universitaire, il a à son actif plusieurs publications d’ordre politique.

 

 

 

Charbel Nahas: Né à Beyrouth le 16 août 1954, le nouveau ministre des Télécomm-unications proche du CPL est marié et père de quatre enfants. Titulaire d’un diplôme d’architecture et d’urbanisme de l’Ecole polytechnique et de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées de Paris, il est également détenteur de diplômes d’économie et d’anthropologie. Professeur durant 12 ans à l’Université libanaise, il est chargé de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth entre 1982 et 1986. Entre 1998 et 1999, Charbel Nahas propose un plan de réforme financière au gouvernement. Le nouveau ministre a travaillé comme consultant et réalisé plusieurs études de développement au Liban et dans le monde arabe en collaboration avec le PNUD et l’UE.

Mohamed Rahhal: Né le 22 mars 1979, le nouveau ministre de l’Enviro-nnement désigné par le Courant du futur, est le plus jeune ministre du Cabinet Hariri. Célibataire, il est détenteur d’un diplôme en droit de l’UL. Depuis 2004, il est coordonnateur général du bureau de commerce et des relations publiques de l’Université libanaise internationale et membre du comité préparative du Conseil de l’Union des jeunes arabes, rattaché à la Ligue arabe.

 

 

Youssef Saadé: Né à Zghorta en 1967, le ministre d’Etat représentant les Marada, est marié à Tania Frangié et est père d’un garçon. Détenteur d’un diplôme en gestion des affaires de l’USJ, il est coordo-nnateur politique du courant des Marada depuis 2006. Youssef Saadé qui a entamé sa carrière politique aux côtés du député Sleimane Frangié, gère la fondation des Marada depuis 1992. Il est membre fondateur du rassemblement national chrétien. Il a fait, également, partie de la commission quadripartite supervisée par Bkerké.

 

 

Salim Sayegh: Devenu vice-président du parti Kataëb en 2008, le nouveau ministre des Affaires sociales est né à Beyrouth en 1961. Marié, père de deux enfants, il est détenteur de plusieurs diplômes, dont un doctorat en droit de l’Université de Paris II, un DESS en diplomatie et en droit sur les organisations internationales, ainsi qu’un master en relations internationales. Professeur à l’Université de Paris-Sud depuis 1996, il dirige au sein de cette même université le Centre d’études et de la résolution des conflits. Phalangiste engagé depuis 1974, il a occupé le poste de conseiller de l’ancien président Amine Gemayel.

 

Sélim Wardé: Né à Zahlé le 1er octobre 1968, le ministre de la Culture proche des Forces libanaises, est marié et père de deux enfants. Diplômé en gestion, il est le fondateur du Domaine Wardé et est président du syndicat des producteurs de spiritueux au Liban. Secrétaire général de la Fédération des vignes et du vin, il est membre de l’Association des industriels libanais, membre de la Chambre de commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Zahlé et de la Békaa.

Par Micheline Abi-Khalil
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4236 Du 14 Au 21 Novembre 2009
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