Ne conservant du Liban que les bons souvenirs
Yara Lapidus: “Mon lien avec le Liban est fondamental
et indestructible”

Yara Lapidus est née à Beyrouth en 1972. Son adolescence a été partagée entre le Proche-Orient, les États-Unis et la France. Ce métissage se retrouve dans son timbre, sa tonalité et le goût de chanter en plusieurs langues. Après un passage dans la mode et sa rencontre avec son couturier de mari, elle revient à la musique. Auteur-compositeur-interprète, elle a donné un concert sur la célèbre scène de l'Olympia à Paris, en mars 2009. Elle vient de publier un premier album: Yara. Son clip intitulé Le Cèdre, a été présenté lors d’une réception offerte par l’ambassadeur Boutros Assaker et son épouse, dans les prestigieux salons de l’ambassade du Liban à Paris.

photo

photo

Pourquoi avez-vous choisi d’utiliser le nom de votre mari pour votre carrière d’artiste?
En réalité, je me suis posé la question au moment où je devais choisir un nom d’artiste. Je pensais n’utiliser que mon prénom, malheureusement Yara était déjà pris, en tant que pseudonyme, par une chanteuse libanaise et, aussi, par une Australienne.
Après consultation avec Olivier, nous avons pensé que la meilleure solution était de me lancer avec le nom Lapidus. J’ai donc tout simplement adopté le nom de l’homme que j’ai choisi pour compagnon depuis douze ans. Cela dit, une interview en 2009 dans Figaro Madame, a été un test qui a confirmé ce choix. Je m’étais présentée comme Yara, mais à sa parution, l’article était intitulé: “Yara Lapidus lance son premier album”. J’ai donc intitulé l’album Yara et je l’ai signé Yara Lapidus.
L’idéal pour moi aurait été de n’utiliser que Yara, car j’aime beaucoup l’originalité de mon prénom. Pourtant, gamine il me complexait. A l’école, mes camarades se moquaient de moi et me taquinaient avec des sobriquets de tout genre. Yara, “fille de la lune” est un prénom d’origine brésilienne. J’ai grandi avec un prénom qui me différenciait des autres et a certainement forgé ma personnalité. Aujourd’hui, ce prénom est très à la mode et je suis fière d’être la plus vieille Yara du Liban.

photo

photo

JE NE CONSERVE DU LIBAN QUE DE BONS SOUVENIRS
Vous avez également grandi entourée par l’amour de l’art. Bercée par la musique de votre mère guitariste et peintre, initiée à l’esthétique par votre père architecte et sculpteur, un frère ingénieur, pianiste et mélomane... Quel souvenir gardez-vous de votre enfance, sachant que comme tous les Libanais de votre génération, vous avez vécu des moments difficiles?

Je préfère ne conserver que les bons souvenirs, le goût d’un Liban d’avant les événements: un soleil couchant devant la maison paternelle à Tyr, un vent chargé de jasmin et de gardénia. Au moment où tout autour de nous n’était que destruction et haine, l’art était, aussi, pour moi la meilleure manière de créer un esprit positif et, surtout, de l’espoir. L’art m’a toujours fascinée. Je pense qu’à travers la création artistique, quelle qu’elle soit, nous pouvons créer des ponts et des chants d’amour. Au depart, j’ai voulu suivre le chemin de mon père et je me suis inscrite en première année de prépa d’architecture à l’Alba. J’ai, ensuite suivi mon intuition et j’ai préféré continuer dans le stylisme à S Mode. Parallèlement, j’ai tenu à faire l’Ecole du Louvre pour avoir une culture artistique plus consistante. Auparavant, j’avais également suivi des cours de théâtre au Liban, avant d’intégrer le cours Florent à Paris; puis, chez Corinne Blue. Toutes ces expériences ont forgé ma vocation artistique.

LE STYLISME M’A FAIT RENCONTRER OLIVIER
Est-ce que ce parcours vous a permis de connaître votre mari?

Oui, mon activité dans le stylisme m’a offert l’occasion de rencontrer Olivier. C’était lors d’un stage de styliste dans la maison de couture des Lapidus. Je n’avais pas encore 20 ans et je n’aurais jamais pensé qu’un jour il sera l’homme de ma vie. Par la suite, nous avons eu l’occasion de nous revoir à plusieurs reprises. Et nous nous sommes mariés.
Vous avez inspiré des collections Lapidus et avez été également mannequin…
Je suis très flattée d’avoir inspiré Olivier pour sa Rock édition. La collection a été créée autour de moi. Du coup, j’ai dû en effet être présente pour les essayages des 40 pièces qui la composent. Contrairement à ce qui a été dit, je ne suis pas mannequin, j’ai toujours été styliste. Mais il est vrai qu’il m’est arrivé de défiler une fois pour cette collection, mais je ne pense pas qu’on puisse m’homologuer comme mannequin. Je ne fais pas de casting et je ne suis dans aucune agence de mode. Ce n’est pas du tout mon métier.
Vous et votre mari êtes deux artistes. Est-ce que l’un influence plus particulièrement l’autre?
En réalité, nous sommes extrêmement complices. Nous avons des caractères qui se complètent et, surtout, nous vivons dans le respect mutuel. Notre quotidien se déroule tellement naturellement, que nous ne voyons même plus à quel moment l’un peut influencer l’autre. Au point que les mots que je prononce sont souvent ceux qu’il voulait justement dire; la couleur qu’il choisit c’est justement celle dont j’avais envie. Même concernant l’éducation de nos deux filles, nous gardons cet équilibre.

LE CÈDRE EST DANS MON ÂME ET MON CŒUR
Le vidéo-clip “Le Cèdre” de votre album “Yara” a été filmé au Liban. Quel lien conservez-vous avec le Liban?

Mon lien avec le Liban est fondamental et indestructible. Mes sentiments pour le Liban sont tellement forts que j’ai parfois de la peine à les décrire. Comme il est dit dans ma chanson Le Cèdre “Adieu le cèdre, J’ai pris le risque de te perdre. Mais si mon corps est à Paris, tu as mon cœur, tu me l’as pris et mon âme aussi…”.
Vous avez vécu à Beyrouth mais votre dernier album est surtout un hymne à l’amour pour la ville de Tyr. D’où vient ce lien si fort?
Je suis née à Beyrouth et j’y ai grandi, mais mon père est originaire de Tyr. Mes grands-parents y vivaient et c’est chez eux que nous passions nos dimanches et que les réunions de famille avaient lieu. C’est mon enfance, des souvenirs très chers. La maison de la famille est située au bout du vieux port; je me réveillais le matin avec le bruit des vagues et la journée, je cherchais leurs caresses sur mes pieds, les promenades au bord de la mer étaient pour moi la meilleure des détentes. Les souvenirs que je garde de mon enfance à Tyr sont très forts, ils sont profondément ancrés à jamais dans ma mémoire.

LE VIEUX QUARTIER DE TYR, UNE PETITE VENISE
En tant qu’artiste, ne pensez-vous pas que le patrimoine culturel de Tyr mériterait d’être mieux conservé?

Bien sûr. Le vieux quartier de Tyr est pour moi une sorte de petite Venise qui devrait particulièrement être mis en valeur. Il en est de même des autres parties de la ville qui devraient être préservées des constructions sauvages ou des tours qui dénaturent cette cité dont l’histoire est prestigieuse.
La dimension culturelle et historique de Tyr, ancienne ville de Phénicie, a longtemps brillé sur le bassin méditerranéen. Aujourd’hui, ses anciens souks, ses vieux quartiers et, surtout, ses vestiges gréco-romains attestent de sa gloire passée, mais tout cela se trouve dans un état de délabrement consternant. Il est vraiment temps de se pencher sur ce problème. Peut-on laisser Tyr dépérir? N’a-t-on pas le devoir de lui rendre des honneurs dignes d’une cité qui a toujours été la fierté du peuple libanais? Mon chant pour cette ville tant aimée est ma manière de lui rendre hommage en espérant pouvoir servir sa cause.

(De notre correspondante à Paris Zeina el-TIBI)
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4259 - DU 24 AVRIL AU 1 MAI 2010
Editions Speciales Numéros Précédents Contacts Recherche