La béatification du frère Estéphan Nehmé, moine libanais maronite, est une bénédiction. Un événement de taille écrit en lettres d’or dans le registre du ciel et l’Histoire du Liban. Ce moine de la montagne libanaise voyait Dieu dans Ses créations et dans la nature qui ne cesse de glorifier Son nom depuis la nuit des temps; y a consacré sa vie entière, vénérant le Très-Haut en prenant soin de la terre, piochant, semant et récoltant, ses yeux rivés vers le ciel et son cœur priant sans arrêt. Ce 27 juin est, désormais, une date inoubliable ayant été le jour de la béatification du Vénérable Estéphan Nehmé, frère profès de l’Ordre libanais maronite, au cours d’une messe solennelle célébrée au monastère des SS. Cyprien et Justine à Kfifane, pendant laquelle Mgr Angelo Amato, préfet de la Congrégation des Causes des Saints à Rome, l’a proclamé Bienheureux.
Des milliers de fidèles (plus de 60.000) venus de tous les coins du Liban et de l’étranger pour participer à cet événement grandiose, ont assisté à la messe de béatification célébrée par sa Béatitude le patriarche maronite, S.Em. le cardinal Mar Nasrallah Boutros Sfeir assisté du représentant du Souverain Pontife, Mgr Angelo Amato; de Mgr Boulos Emile Saadé, archevêque de Batroun; de l’abbé Elias Khalifé, supérieur de l’Ordre libanais maronite; des RR.PP Milad Torbey, préfet général à l’Ordre libanais maronite et Claude Nadra, secrétaire général; des RR.PP. Boulos Azzi, postulateur des Causes des Saints et Michel Eliane, supérieur du couvent de Kfifane; du curé Joseph Bouari et de l’aumônier de Mar Youssef à Jrabta, le père Najm Hachem.

Le chef de l’Etat Michel Sleiman et son épouse Wafa’ entourés de Mmes Mouna Hraoui, Nayla Mouawad,
du Premier ministre Saad Hariri et du président Amine Gemayel.
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A la tête des personnalités présentes, le chef de l’Etat Michel Sleiman et son épouse Wafa’; le Premier ministre Saad Hariri, le président Amine Gemayel, Mgr Gabriele Caccia, nonce apostolique; M. Gabriele Checchia, ambassadeur d’Italie, nombre de dignitaires religieux, de parlementaires et de ministres, tandis que le président de la Chambre Nabih Berri et le général Michel Aoun ont brillé par leur absence. Quant à la surprise de la cérémonie était la présence de Marina Nehmé, nièce du frère Estéphan, âgée de 95 ans, qui a été guérie, miraculeusement, par son intercession, ce miracle a été adopté comme base de sa béatification.

Un tableau représentant le frère Estéphan Nehmé
sur la façade de l’église du monastère.
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Après l’entrée en procession du cardinal et des officiants, le patriarche maronite s’est adressé à Mgr Angelo Amato, le suppliant de proclamer Bienheureux le Vénérable frère Estéphan Nehmé en ces termes: “L’Eglise maronite et l’Ordre libanais maronite ont demandé, humblement, à Sa Sainteté le pape Benoît XVI d’accepter d’inscrire parmi les Bienheureux, le Serviteur de Dieu, le Vénérable Estéphan Nehmé de Lehfed, moine libanais maronite”.
Les cardinaux Nasrallah Sfeir et Angelo Amato célébrant la messe, assistés de plusieurs prélats et membres du clergé.
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S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir lors de son arrivée.
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Le père Boulos Azzi, postulateur des Causes des Saints de l’Ordre libanais maronite, a lu, ensuite, le profil biographique du nouveau Bienheureux, né le 8 mars 1889 au village de Lehfed (caza de Jbeil), dans une famille formée de quatre frères et deux sœurs dont il est le cadet. Il a perdu son père en 1903 et sa mère en 1914 et c’est à l’âge de 16 ans qu’il est entré au monastère SS. Cyprien et Justine-Kfifane en se consacrant dans l’Ordre libanais maronite. Il a porté les habits du noviciat et a pris le nom d’Estéphan, nom de son père et du patron de son village, avant de prononcer ses vœux monastiques le 23 août 1907 à l’âge de 18 ans.
Le frère Estéphan qui a travaillé dans la menuiserie, n’a jamais cherché à occuper un poste et a passé sa vie monastique comme ouvrier dans les champs, travaillant et priant. Il s’est déplacé entre plusieurs monastères de l’Ordre, dont ceux de Notre-Dame de Mayfouk, de Saint Antoine Houb, le monastère de Saint Maron-Annaya, de Mar Shalita-Qattara et celui de Notre-Dame de Secours à Jbeil, avant de rejoindre le monastère SS. Cyprien et Justine à Kfifane où il est décédé, le 30 août 1938, alors qu’il n’avait que 49 ans.
Mgr Angelo Amato portant la sculpture “La Croix et le Cèdre”.
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Attendant pour présenter les offrandes.
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Son corps est resté intact
En 1951, lorsqu’on a ouvert la tombe du frère Estéphan à Kfifane afin de la préparer pour l’enterrement du père Youssef Alsorati, on a trouvé son corps intact. Notons qu’après sa mort et vu sa réputation de sainteté, les fidèles ont afflué sur son tombeau et il a produit un grand nombre de miracles. Mais c’est le 30 août 2001 que le Chapitre général de l’Ordre a pris la décision de présenter la demande pour entamer la procédure pour la proclamation de sa sainteté. Le 21 novembre de la même année, le dossier a été présenté à la Congrégation des causes des Saints et le 2 mars 2007, le pape Benoît XVI a déclaré l’héroïcité de ses vertus et l’a déclaré Vénérable le 17 décembre 2007.
Ensuite, Mgr Amato a donné lecture de la Lettre Apostolique par laquelle le pape ordonne d’inscrire le Serviteur de Dieu, frère Estéphan Nehmé au nombre des Bienheureux. “Nous, en réponse à l’imploration de notre frère, Sa Béatitude Eminentissime, le cardinal Mar Nasrallah Boutros Sfeir, patriarche d’Antioche des maronites et du Synode maronite et de nombreux fidèles et après avoir reçu l’avis de la Congrégation des Causes des Saints, Nous, par notre autorité apostolique, concédons que le Vénérable Serviteur de Dieu, Estéphan Nehmé, frère profès de l’Ordre libanais maronite qui a passé sa vie monastique dans la prière contemplative, dans le travail manuel caché et dans l’esprit de service envers ses confrères, se prodiguant avec un dévouement sans limite, en faveur des plus pauvres qui souffraient à cause de plusieurs années de famine, soit appelé Bienheureux et qu’on puisse célébrer sa fête dans les endroits, selon les règles du Droit en vigueur chaque année le 30 août, jour de sa naissance au ciel”.
Des dignitaires religieux de toutes les communautés ont assisté à la cérémonie de béatification.
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Le cardinal Nasrallah Sfeir recevant les offrandes.
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Moment fort de la cérémonie, une icône du nouveau Bienheureux a été dévoilée solennellement et le vice-postulateur a transféré ses reliques dans une procession avant de les mettre sur un support élevé à la droite de l’autel entourée des bougies et des fleurs, afin qu’elles soient vénérées par le représentant du pape en les encensant.
Les reliques du frère Estéphan Nehmé avançant parmi la foule.
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La chorale du Saint Esprit-Kaslik a animé la cérémonie
avec la participation de la chorale de Qadisha.
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Sfeir: “Le chemin de la sainteté
est étroit”
Après la lecture de l’Evangile, le patriarche s’est adressé en langue française à Mgr Amato lui souhaitant la bienvenue. “Malgré l’exiguïté de son territoire et le petit nombre de ses habitants, a-t-il souligné, le Liban ne cesse de donner à la sainte Eglise catholique des saints. C’est une grâce pour laquelle nous remercions Dieu”, avant de prononcer son homélie en arabe. “Dieu, a-t-il déclaré, a mis la sainteté à la portée de tous et beaucoup de gens y aspirent, mais comme dit le Christ, le chemin de la sainteté est étroit, entrez de la porte étroite parce que le chemin qui mène à la perdition est large et nombreux sont ceux qui y entrent”, soulignant que le frère Estéphan est entré par cette porte étroite en rejoignant l’Ordre libanais maronite à l’âge de 16 ans.
Le cardinal Sfeir a axé son homélie sur les étapes de la vie monastique du frère Etéphan jusqu’à sa mort en 1938, des suites d’un malaise suivi d’une grande fièvre; puis, d’un arrêt cérébral qui a mis fin à sa vie. Le prélat maronite a, également, évoqué les vertus du nouveau Bienheureux qui a excellé dans le métier de la menuiserie, à tel point qu’on disait qu’il n’abandonnait jamais la scie pour ne pas laisser son manche refroidir, signalant qu’il travaillait dans les jardins et les vignobles, grâce à une constitution robuste que Dieu lui a donnée.

Des personnes portant solennellement les offrandes et se dirigeant vers l’autel.
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A l’occasion de son décès, a-t-il poursuivi, le supérieur du monastère a écrit: “Il était un travailleur actif, intéressé au monastère. Il a excellé dans les travaux manuels, tout en étant fidèle à ses devoirs et à ses vœux, accomplissant ce qu’on lui avait assigné avec perfection”.
Le cardinal Sfeir a signalé que le corps du frère Nehmé, enterré dans le monastère de SS. Cyprien et Justine à Kfifane, est resté intact jusqu’à l’an 1951, puisqu’en ouvrant sa tombe pour y déposer un autre, on a découvert que ses mains bougent, ses yeux fermés et ses habits intacts et quand son corps a été exposé à l’air, la blancheur de son visage s’est accentuée, mais comme les croyants ont commencé à affluer pour le vénérer, le supérieur du couvent l’a remis dans le tombeau le 10 mars 1950.
“Le frère Estéphan Nehmé n’était pas cultivé comme al-Hardini, poursuit le cardinal Sfeir, ni un ermite comme saint Charbel, ni crucifié sur la croix de la douleur comme sainte Rafka, mais il était un simple ouvrier, son travail était une prière, lui qui ne s’est jamais plaint d’un travail, ni refusé un service qui lui a été demandé et n’a jamais cherché la gloire ou un profit matériel. Il était un exemple à suivre dans son impartialité et son abnégation et il répétait toujours, surtout avant d’entamer n’importe quel travail “Dieu me voit” (…)
“Il disait toujours que si les prêtres jouissent des biens de la terre plus que les frères, ces derniers jouiront de la gloire du ciel avant les prêtres et même plus qu’eux, car la logique du ciel diffère de celle de la terre”. Le cardinal Sfeir a, enfin, parlé des vertus que la famille du frère Estéphan lui a inculquées comme l’esprit de dévotion, l’amour de Dieu et de la Vierge Marie.
Le président Sleiman et la Première dame ont été accueillis par une salve d’applaudissements.
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Le chef de l’Etat se recueillant devant la tombe du nouveau Bienheureux.
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Mgr Amato: “Un ange à visage humain”
Vient, ensuite, la présentation des offrandes dont un livre de prière datant de 1820 (imprimerie Kozhaya) écrit en syriaque et qu’on peut prononcer en arabe; un ouvrage biographique sur le frère Estéphan Nehmé du père Youssef Khachane, frère libanais maronite imprimé en 1968, une icône représentant le nouveau Bienheureux, ainsi que des jarres de vin, d’huile et d’eau de la source “al ghrair” découverte par le nouveau Bienheureux dans son village Lehfed.
Après la communion, Mgr Amato a prononcé un mot dans lequel il a considéré qu’une nouvelle page glorieuse de la sainteté est ajoutée aux autres pages illuminées par saints Charbel, Neemtallah al-Hardini, sainte Rafka et Abouna Yaacoub, ajoutant que “la montagne blanche” que le prophète Moussa a souhaité voir est le pays du nouveau Bienheureux, l’homme saint qui s’est élevé tout haut dans le ciel comme les cèdres du Liban, une terre de sainteté que le Christ a visitée arrivant jusqu’à Tyr et Sidon où il a libéré une femme du diable qui la torturait à la demande de sa mère”.
Un croyant portant le livre de la messe de béatification écrit en quatre langues.
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Sœur Marina Nehmé, nièce du nouveau Bienheureux, transportée par des secouristes
de la Croix-Rouge pour assister à la messe.
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Aussi, a-t-il parlé du Liban, fief des chrétiens qui revêt une importance religieuse et historique vu qu’il abrite nombre d’associations dynamiques et de nombreux monastères, églises et saints, ainsi que votre grande vénération de la Vierge Marie. Mgr Amato a, enfin, évoqué les vertus du frère Estéphan, un moine modèle et un ange au visage humain. Enfin, l’abbé Elias Khalifé a prononcé un mot de circonstance où il a estimé que c’est un jour de joie, le frère Estéphan ayant porté à Dieu ce qui est le plus précieux de l’histoire de notre Eglise maronite et le patrimoine du peuple libanais constitué de valeurs évangéliques, de vertus chrétiennes et humaines que Saint Maron et ses disciples ont incarnées depuis 1.600 ans. A l’issue de la cérémonie de béatification, le président Sleiman et le patriarche maronite ont visité le monastère et se sont recueillis devant la tombe du nouveau Bienheureux.
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