Appel du chef du CPL à la “désobéissance civile”
Sleiman exige l’arrêt des attaques contre les institutions
Par Nadim El-HACHEM

Bien que la fête du Fitr devait faire perpétuer la trêve instituée depuis le sommet tripartite de Baabda, la tendance était à l’escalade, suscitée par le dossier des faux témoins et, aussi, les services de renseignements des FSI, tous deux ayant été soulevés et critiqués par le général Michel Aoun, chef du CPL et le général Jamil Sayyed. Les deux hommes ont haussé le ton, au point qu’on a prêté au président Saad Hariri l’intention de les poursuivre en justice.

photo Sleiman prépare sa visite aux USA et au Mexique.

photo Berri: tout rentrera dans l’ordre...

En revanche, les milieux chrétiens et spécialement maronites, se sont félicités des retrouvailles à Dimane de S.Em. le cardinal Sfeir et de M. Sleiman Frangié, chef des Barada que l’éminent prélat a retenu à déjeuner. A son départ du siège patriarcal, le leader nordiste a réaffirmé son attachement au chef de son Eglise et proclamé des prises de position différentes de celles de ses alliés politiques.
Dans le même temps, le président Bachar Assad a reçu M. Gebrane Bassil, ministre de l’Energie et de l’Eau, qui est reparti de Damas avec la promesse formelle du chef de l’Etat syrien de fournir au Liban l’électricité dont il a besoin en période d’étiage.
Le président Saad Hariri, contrairement à ce que certains ont pu penser, a mis l’accent sur “la nécessité de préserver la trêve instaurée lors du sommet libano-syro-saoudite”, prouvant ainsi que Damas n’est nullement d’avis de déstabiliser le climat politique en terre libanaise, preuve en est que les deux pays ont signé, en juillet dernier, dix-huit accords sur base du protocole de coopération, d’amitié et de coordination.
Le président Sleiman a réagi, exigeant l’arrêt des attaques contre les institutions. De leur côté, les pôles de la majorité et les forces du 14 mars ont vivement dénoncé le “putsch permanent du Hezbollah” et l’ont mis en garde contre son “acharnement à faire du Liban l’otage de considérations régionales”...
Cela dit, le climat politique a été profondément perturbé à la fin du Fitr, par les déclarations intempestives du général Michel Aoun et du général Jamil Sayyed.
Le premier a appelé les Libanais à la “désobéissance civile”, alors que le second a repris ses attaques contre le président Saad Hariri qui lui a opposé un silence imperturbable, alors que dans sa coterie on lui prête l’intention de poursuivre en justice l’ancien directeur général de la Sûreté...
Les forces du 14 mars ont diffusé un communiqué à l’issue de leur réunion hebdomadaire dans lequel ils font état “d’un projet de coup d’Etat du Hezbollah”, ajoutant que “le peuple ne redoute pas ce projet et poursuivra son combat en faveur de la souveraineté nationale et de l’indépendance”.
De plus, plusieurs membres du Courant du futur soutiennent que “le général Aoun a perdu sa boussole nationale, légale et politique”, l’accusant “d’avoir pris à partie le Pouvoir dès le moment où le général Fayez Karam - poursuivi pour connivence avec l’ennemi israélien - a été transféré à la prison de Roumié”...
Au cours d’une visite à l’Université de Louaizé, le général Aoun a dit qu’il traitait avec une mafia et s’est interrogé sur la tâche dont s’acquittent les services de renseignements des FSI. “Avec qui coopèrent-ils à l’étranger, qui les contrôle et leur fournit des fonds pour étendre leurs activités” et de conclure: “Nous parlons de la violation de la Constitution et de la loi et on nous accuse de critiquer le chef de l’Etat”...
Le président Najib Mikati et son allié, le député Ahmed Karamé, se sont élevés contre les attaques dont le chef du gouvernement est la cible. “Ceci, disent-ils, est un fait particulièrement dangereux parce qu’il affecte le désir de vivre en commun”.
M. Ziyad Kadri, député de la Békaa, préconise “la prise de mesures judiciaires contre ceux qui mènent campagne contre le Premier ministre”.
Enfin, M. Ghadanfar Abadi, ambassadeur d’Iran, a déclaré à l’issue d’un entretien avec S.Em. le cardinal Sfeir: “Il faut mettre un terme aux manœuvres visant à susciter la sédition... Par l’union des Libanais, Israël restera impuissant et ne pourra pas menacer le Liban”.

photo A. Gemayel: une Résistance qui n’en est pas une...

photo Geagea: le Bloc de la réforme est devenu celui de la faillite...

Entretien Sfeir-Frangié
Pour en revenir à la rencontre entre le cardinal Sfeir et M. Frangié, il nous revient que l’éminent prélat a évoqué la possibilité de réunir le chef des Marada et le Dr Samir Geagea, chef des Forces libanaises, prélude à une réconciliation intermaronite.
Autre sujet débattu: le pourvoi aux postes vacants dans l’Administration publique, sous l’angle du préjudice causé à la communauté maronite. Décision a été prise de procéder au choix d’éléments compétents dont la communauté maronite abonde, pour qu’il soit proposé à la désignation des candidats aux postes vacants, par les quatre leaders de la communauté: MM. Frangié, Samir Geagea, Michel Aoun et le président Amine Gemayel, ce qui consacrera la réconciliation tant souhaitée.
En réponse aux questions des reporters de presse, le député de Zghorta a émis ces réflexions: “Le fait étrange ne consiste pas, pour moi, de venir à Dimane ou de me rendre à Bkerké. Quant à la rupture de nos relations avec Sa Béatitude, elle était de caractère politique... Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas éloignés du patriarcat, mais avons besoin que quelqu’un prête l’oreille à ce que nous disons et proclamons. En toute franchise, Son Eminence a écouté nos propos d’autant qu’il a été toujours persuadé que nul parmi nous n’est contre la souveraineté du Liban et son indépendance, mais chacun a sa manière de voir et sa façon de se comporter”.
Et d’ajouter: “Nous avons, quant à nous, notre façon de juger, notamment celle de penser que les chrétiens et les maronites ne disparaîtront pas si Sleiman Frangié et Samir Geagea ne se retrouvent pas. Il y a mille manières d’élaborer une stratégie en vue de l’unification des chrétiens. En fait, il s’agit entre nous d’un différend d’ordre politique et le général Aoun s’est abouché plus d’une fois avec le Dr Geagea... Quant au conflit personnel, nous affirmons qu’il s’est dissipé. Nous devons nous entendre autour de constantes chrétiennes communes et dans ce cas, nous aurons réalisé la réconciliation au sein de la communauté”.
A propos des critiques que le général Aoun décoche à l’encontre du président Michel Sleiman, M. Frangié dit: “Le général Aoun est un allié, un frère et un ami. Nous sommes engagés ensemble envers une politique unique, sans former une copie conforme. Nous sommes avec le chef de l’Etat et lorsque le général Aoun le critique, il a ses raisons. Quand à moi, lorsque j’ai des griefs à formuler, je me rends à Baabda pour m’en entretenir avec le président de la République”.
A la question: “Avez-vous invité le cardinal Sfeir à Zghorta”, il répond: “Sa Béatitude fixe le jour de sa visite et nous irons à sa rencontre. Zghorta est sa paroisse et son diocèse et il ne m’est jamais venu à l’esprit d’embarrasser Mgr Sfeir en lui adressant une invitation, car celle-ci aurait été considérée comme étant d’ordre politique. Que Son Eminence fixe le jour et il sera de notre devoir de l’accueillir avec les honneurs dus à son rang”.

VISITE DE SLEIMAN AUX USA ET AU MEXIQUE
Le Conseil des ministres ne siègera pas, cette semaine, au palais de Baabda où les préparatifs ont été entamés en prévision de la visite que le chef de l’Etat se propose d’effectuer aux Etats-Unis - pour prononcer le mot du Liban aux Nations unies - et au Mexique.
Quant au rapport sur le dossier des faux témoins, le ministre de la Justice le soumettra au Conseil des ministres lors de sa prochaine séance.
Walid Joumblatt, lui, a explicité sa position envers les problèmes de l’heure, dans sa déclaration hebdomadaire au journal du parti Al-Anba’. “Pourquoi, s’est-il demandé, cette campagne contre le président Saad Hariri qui a accompli un grand pas dans le cadre de son positionnement politique, pour lequel il mérite d’être félicité et encouragé, au lieu d’être la cible d’attaques injustifiables”.
De sa visite à Paris, la semaine dernière, le chef du PSP l’a qualifiée de “personnelle”. J’en ai profité pour rencontrer M. Bernard Kouchner, chef du Quai d’Orsay, qui a été un ancien ami de Kamal Joumblatt et avec lequel j’entretiens des relations amicales depuis le temps de la guerre libanaise”.
Quant aux commentaires faits autour de cette visite, M. Joumblatt les qualifie de faux et fantaisistes.

APPEL DE AOUN À L’INSUBORDINATION...
Cependant, il nous faut revenir aux déclarations du général Michel Aoun qui a appelé les Libanais à “l’insubordination sélective”, puisqu’elle ne concerne que les services de renseignements des FSI...
Le tout, au rythme de la polémique sur le dossier des faux témoins, alors que le chef du gouvernement se confine dans un silence imperturbable.
Par contre, sa coterie laisse entendre que le président Hariri envisage de poursuivre en justice le général Jamil Sayyed, pour avoir menacé d’attenter à sa vie, si ses revendications n’étaient pas satisfaites...
Le général Aoun qui avait donné raison à l’ancien chef de la Sûreté, avait qualifié l’Etat de “cadavre puant”, tout en poursuivant ses critiques contre le président Hariri.
Il y a lieu de signaler que les attaques tant de Jamil Sayyed que de Michel Aoun, ont provoqué des sons de cloche apparemment contradictoires au sein du 8 mars, les prestations des deux hommes continuant à susciter des remous dans les divers milieux politiques.
Le Hezbollah, lui, reprend sa cabale contre les faux témoins et M. Mohamed Raad, chef du Bloc de fidélité à la Résistance, a émis cette réflexion à ce sujet: “Si vous entendez régler le problème, politiquement, vous faites fausse route et vous ne parviendrez nullement à la vérité. Le seule clé pour y parvenir, est de poursuivre les faux témoins”.
Le Bloc du futur a, quant à lui, répliqué à ceux qui critiquent le Premier ministre, accusant certains “d’avoir interprété les propos de M. Hariri, comme une marche en arrière”.

A. GEMAYEL: UNE RÉSISTANCE QUI N’EN EST PAS UNE...
Le président Amine Gemayel a, de son côté, pris à partie la Résistance disant: “Toute résistance qui n’œuvre pas en faveur de la stabilité et la quiétude du citoyen, n’en est pas une... Quiconque ne soutient pas l’Etat et agit de manière à perturber la sécurité, ne peut se prévaloir du titre de résistance.... Notre message et notre résistance ont consisté de tout temps à réédifier nos institutions légales, l’unité nationale et à empêcher l’implantation.
Dans une harangue prononcée lors de l’inauguration du siège des Kataëb à Bejjé (caza de Jbeil) le président Gemayel a dit: “La Résistance ne peut être comprise qu’en faveur du Liban, de son entité et de ses institutions... Toute résistance qui n’est pas en faveur de l’entité et de l’Etat, est une milice qui menace la sécurité du citoyen et attente à sa vie à l’intérieur, sème la panique et réquisitionne les biens-fonds, alors que ses armes doivent être dirigées vers l’ennemi israélien”...
D’autre part, l’ambassade d’Egypte a répliqué au général Jamil Sayyed qui a pris à partie un membre du personnel de la mission diplomatique.
“Les fausses allégations du général Sayyed, dit le communiqué de l’ambassade, ne sont nullement acceptables, d’autant qu’elles comportent des incitations criminelles contre l’un de nos diplomates”.
De son côté, M. Sami Gemayel, député du Metn, coordonnateur du comité central des Kataëb, a riposté à tous ceux qui s’attaquent au parti, parce qu’il ne partage pas leurs idées et ne vise pas les mêmes objectifs.
“Nous avons pris sur nous de ne pas répondre aux calomnies durant les vingt dernières années, mais dorénavant nous ne nous tairons plus. Nous tenons à assurer que notre politique nous fait honneur et nous n’avons pas honte de n’importe quel acte accompli sur le plan national... Nous n’accepterons de vivre sur cette terre que la tête haute et notre dignité sera sauvegardée. Notre culture est celle de la paix, de l’ouverture et de l’amour de l’autre. Nous défendrons notre honneur et ne tolérerons aucune atteinte à qui que ce soit, comme nous ne souhaitons le mal à personne”.

HARIRI FÊTE LES LIBANAIS
Par ailleurs, le président Saad Hariri qui s’est rendu en Arabie saoudite à l’occasion du Fitr, a adressé ses vœux aux Libanais, en général et aux musulmans, en particulier. “Les Libanais, a-t-il dit, sont capables de dépasser tous les périls, ceux de l’intérieur et de l’extérieur, par leur attachement indéfectible aux constantes de la justice, de la vérité, du désir de vivre en commun et de l’unité nationale.
“Nous n’épargnerons aucun effort en vue de réunifier les rangs et prévenir les divisions”.
Sur un autre plan, le Liban s’apprête à accueillir le 3 octobre, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad qui aura des entretiens avec les présidents Sleiman, Berri et Hariri.
Il effectuera une tournée au Liban-Sud, pour la première fois depuis son accession au pouvoir en 2005.
Quant au président Nabih Berri qui a effectué sa visite hebdomadaire au président Sleiman, mercredi, il a fait peu de cas des attaques dont la magistrature suprême est l’objet actuellement, “car tout, en définitive, rentrera dans l’ordre”.
Le chef du Législatif s’est montré d’avis qu’il faut passer outre à ces critiques “d’autant, a-t-il ajouté, qu’aucun différend fondamental n’oppose les présidents Sleiman et le général Aoun”.

GEAGEA: QUI MENACE L’ÉTAT?
Le Dr Samir Geagea, chef des Forces libanaises, considère que “le plus grand danger qui menace l’Etat en ce moment, réside dans le fait que la décision stratégique n’est pas entre les mains de l’Autorité légale”. Il rappelle que durant le dernier round de la table du dialogue, il avait insisté pour que l’Etat dispose de la décision relative à la défense de la patrie.
“Certains milieux œuvrent en vue de faire tomber l’Etat en renversant le gouvernement d’union nationale, car si ce dernier venait à tomber, il serait difficile d’en constituer un autre”.
En recevant une délégation de Baskinta, le Dr Geagea a émis ces réflexions: “Nous entendons parler ces temps-ci de modifications au niveau des alliances et des blocs parlementaires. Mais à mon avis, l’un des blocs était une chose et il en est devenu une autre: il était précédemment le Bloc de la réforme et du changement et il est devenu le Bloc de la faillite et de la dégradation”.
Devant la délégation de la Ligue socio-populaire de Zahlé, le Dr Geagea a déclaré: “Tout ce qui se passe au Liban, on peut le présenter comme étant un grand conflit entre la logique de l’Etat, d’une part et la logique du non-Etat devant mener le pays vers le chaos où sévissent des groupes armés échappant au contrôle de l’Autorité et de la loi, ainsi que nous l’avons vu dans l’incident de Bourj Abi-Haïdar”.
L’émir Talal Arslan, président du parti démocratique libanais, a rendu hommage aux propos positifs tenus par le président Saad Hariri au journal Ach-Chark Al-Awsat, par lesquels il a ouvert une nouvelle page dans les relations entre le Liban et la Syrie ce qui engagera le pays vers une nouvelle voie.
De plus, il a demandé au chef du gouvernement d’innocenter le Hezbollah de l’attentat contre son père, ainsi qu’il a innocenté Damas. “Ceci mettra en échec les tentatives israéliennes de fomenter une sédition intérieure”.

LE GÉNÉRAL KAHWAGI À DIMANE
Quant à S.Em. le cardinal Sfeir, il a rendu hommage au rôle national dont s’acquitte l’institution militaire, en ce qui concerne notamment l’application des résolutions internationales relatives au Liban, à travers sa coopération avec la Finul.
Le chef de l’Eglise maronite a demandé à toutes les parties de maintenir l’Armée au-dessus des tractations politiques, “étant donné qu’elle représente l’un des piliers de l’unité nationale et du projet de l’Etat”.
Sa Béatitude a tenu ces propos en recevant à Dimane le général Jean Kahwagi, commandant en chef de l’Armée, accompagné du brigadier Edmond Fadel, directeur des Renseignements militaires et de plusieurs officiers supérieurs.
Son Eminence a passé en revue la situation dans le pays, dans son ensemble, s’étendant sur l’incident de Adaïssé et sur les mesures sécuritaires prises avec la Finul, en vue de prévenir de nouveaux accrochages dans la zone frontalière.
Le cardinal Sfeir n’a pas manqué de féliciter la troupe de l’action menée sur le plan du démantèlement des réseaux d’espionnage au profit d’Israël.

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