En dépit de certaines appréhensions
Le Liban réserve un accueil exceptionnel à Mahmoud Ahmadinejad

Rares sont les visites officielles qui ont suscité autant de controverses et de polémiques. Hypermédiatisée, marquée par un accueil populaire exceptionnel, la visite du président Mahmoud Ahmadinejad au pays du Cèdre, la première du président iranien au Liban depuis son élection en juin 2005, fait toujours couler beaucoup d’encre, d’autant qu’elle intervient à une phase délicate, tant sur le plan local que régional. Perçue comme une provocation par l’Etat hébreu, vivement critiquée par plusieurs pôles de la majorité, - d’aucuns estimant que le chef iranien était davantage l’hôte du Hezbollah que celui de l’Etat libanais - la visite a contredit toutes les attentes et surpris à plus d’un niveau. Durant sa visite couronnée par la signature de dix-sept protocoles d’entente dans différents domaines, excepté militaire et sécuritaire - bien que le président iranien a laissé entendre que Téhéran est prêt à apporter toute son aide militaire au Liban, lorsque ce dernier le demandera - le président Mahmoud Ahmadinejad a pris soin d’éviter toute provocation, en tout cas sur le plan interne. En effet, s’il a glorifié le Hezbollah, il a à maintes reprises, tenu à saluer l’action du Premier ministre, Saad Hariri, à l’assurer de l’appui de Téhéran à son gouvernement et à l’unité nationale du Liban, ainsi que son souci de traiter avec tous les Libanais sur base d’égalité.

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photo MM. Sleiman et Ahmadinejad écoutant les deux hymnes, iranien et libanais.

Arrivé à Beyrouth aux alentours de 9h10, le président de la République islamique qui, la veille de sa visite au pays du Cèdre, avait contacté par téléphone le roi d’Arabie saoudite, ainsi que le roi de Jordanie, a été accueilli, officiellement, à l’AIB par le président de la Chambre, Nabih Berri; le ministre des Affaires étrangères, Ali Chami, représentant le président de la République (le protocole iranien veut que le président de la République l’accueille à l’entrée du palais présidentiel); le député Mohamed Raad, représentant le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, ainsi que par les représentants des différents blocs parlementaires.
Sacrifiant le protocole et écourtant les discours, le président iranien est vite allé rejoindre la foule venue à sa rencontre. En effet, un bain de foule enthousiaste l’a accueilli dès son arrivée dans la capitale libanaise. Mobilisés depuis deux semaines par le Hezbollah et le mouvement Amal, des centaines de personnes, majoritairement chiites ont, dès les premières heures de la matinée, envahi les rues et réservé un accueil festif exceptionnel au président Ahmadinejad. Drapeaux libanais et iraniens, banderoles et affiches en hommage à l’invité de marque, arcs de triomphe ont été hissés un peu partout, alors que les chants partisans résonnaient dans les lieux.
A l’AIB, le président iranien salue les pères des deux martyrs Abbas Moussawi et Imad Moghnié, ainsi que les ressortissants iraniens venus pour le recevoir. Court passage au salon d’honneur; puis, son convoi se dirige en direction du palais présidentiel de Baabda. Il avance lentement sous une pluie de riz et de pétales de roses, sous les acclamations des centaines de personnes qui ont envahi les rues depuis la mosquée Al-Rassoul Al-Azam jusqu’à l’entrée de l’aéroport. Des hélicoptères survolaient la région, suivant le convoi, alors que les éléments des FSI, des soldats de l’Armée, ainsi que les membres de la garde républicaine iranienne assuraient un étroit cordon sécuritaire.

photo Et passant en revue la garde d’honneur.

photo Un tête-à-tête a rassemblé les deux présidents.

Au palais présidentiel
M. Mahmoud Ahmadinejad a entamé son séjour par une visite au palais de Baabda, où il s’est entretenu avec le président de la République, Michel Sleiman. Conformément au protocole libanais, M. Sleiman a reçu son hôte à l’entrée du palais présidentiel avec les honneurs dus à son rang. Tapis rouge et tribune pour écouter les deux hymnes, iranien et libanais et vingt-et-un coups de canons. Puis, les deux chefs d’Etat passent en revue la garde d’honneur. Le président iranien et les membres de la délégation qui l’accompagnent ont, ensuite, salué les officiels présents pour les accueillir, en tête desquels le Premier ministre Saad Hariri. MM. Sleiman et Ahmadinejad passent, ensuite, au salon des ambassadeurs pour un huis clos auquel a assisté l’ambassadeur iranien à Beyrouth Ghazanfar Asl Roknabadi qui a joué le rôle d’interprète... Une demi-heure plus tard, les membres des deux délégations ont rejoint les deux chefs d’Etat pour une réunion élargie durant laquelle dix-sept accords bilatéraux et protocoles d’entente ont été signés dans différents domaines, notamment hydraulique et énergétique.
Au terme de la réunion, M. Ahmadinejad a planté l’arbre de l’amitié libano-iranienne dans le jardin du palais présidentiel, avant de signer le registre d’or. Un point de presse commun devait, ensuite, avoir lieu en présence de nombreuses personnalités politiques, dont notamment, le chef du CPL, le général Michel Aoun, le chef des FL, Samir Geagea et le chef du PSP, Walid Joumblatt...

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M. Ahmadinejad s’est entretenu respectivement avec le président
de la Chambre Nabih Berri et le Premier ministre Saad Hariri.

L’aide iranienne, illimitée et inconditionnée
Remerciant Téhéran de son soutien permanent au pays du Cèdre pendant les agressions israéliennes, plus particulièrement lors de la guerre de juillet 2006, sa contribution à la reconstruction ainsi que son appui face aux menaces israéliennes constantes, le président de la République, Michel Sleiman a précisé avoir discuté avec son homologue iranien des questions communes aux deux pays, soulignant la nécessité de renforcer les relations bilatérales dans tous les domaines “d’Etat à Etat dans l’intérêt des deux peuples, notamment en cette période pleine de défis et de dangers”.
M. Sleiman a, en outre, assuré que lors des pourparlers, l’accent a été mis sur l’engagement des deux pays à préserver l’unité nationale et le vivre ensemble, tout en soutenant les institutions étatiques et en consolidant la paix civile, de façon à mettre en échec les complots et les tentatives israéliennes visant à semer la discorde.
M. Sleiman qui s’est déclaré, par ailleurs, satisfait du fait que la coopération libano-iranienne dépasse les limites de la politique, a réaffirmé que le Liban “qui œuvre pour contraindre Israël à appliquer la résolution 1701, se réserve le droit de libérer ses terres, par tous les moyens possibles et légitimes”.
Sur le plan arabe, le chef de l’Etat a insisté sur la nécessité de s’attacher aux droits arabes, à savoir: la reprise des terres occupées et le refus de l’implantation. Réitérant son soutien au droit de retour des Palestiniens, il a assuré s’être entendu avec son interlocuteur sur l’attachement aux droits arabes et aux efforts visant à trouver un règlement global, qui passe par la récupération des terres occupées et la consécration du droit au retour des réfugiés, ainsi que l’engagement et le respect des décisions du sommet de Beyrouth de 2002 et celles de la Conférence islamique en harmonie avec les résolutions internationales. Et ce, face à l’entêtement israélien à pouruivre ses exactions et à continuer la construction de colonies, tout en judaïsant Jérusalem. M. Sleiman qui a reconnu le droit de Téhéran de développer une force nucléaire ayant un but pacifique, a tenu à assurer que les discussions ont porté sur la nécessité de distinguer entre le terrorisme et la résistance, tout comme il a été question de préserver l’unité de l’Irak.

photo Au palais de Baabda, Mahmoud Ahmadinejad a adopté un ton modéré.

photo Le président iranien entouré des dirigeants libanais lors du dîner offert à Aïn el-Tiné.

Le liban, symbole de la dignité
Prenant la parole, Mahmoud Ahmadinejad a, pour sa part, rendu hommage à la résistance du Liban, face à l’ennemi sioniste. Le président iranien qui s’est déclaré “heureux de se retrouver entre ses frères et amis”, s’est arrêté sur l’équation armée-peuple-résistance à laquelle il a rajouté le gouvernement, précisant au passage que le Liban est désormais le symbole de la dignité, qu’il représente la fierté et la liberté de tous les peuples de la région.
Assurant que la coopération entre le Liban et l’Iran est “illimitée”, il a estimé que les positions libanaise et iranienne sont “complémentaires”. “Votre pays a modifié les équations régionales”, a-t-il dit avant d’assurer: “Nous sommes deux peuples qui aimons et réclamons la justice. Nous avons des intérêts et des ennemis communs”, soulignant que les peuples du Proche-Orient sont capables de gérer leurs affaires.
“Nous voulons un Liban uni et développé. Nous nous tiendrons aux côtés du gouvernement jusqu’à ce que ces buts soient atteints”, a-t-il encore déclaré. Et de considérer que les traités qui ont été signés, témoignent de la réelle volonté politique d’approfondir et de renforcer les relations bilatérales entre les deux pays.
Le point de presse terminé, le président iranien a présenté un cadeau à son homologue libanais: un appareil technologique pour le développement de logiciels informatiques, fabriqué en Iran, que six Etats du monde possèdent uniquement. Il devait, ensuite, avoir un huis clos respectivement avec le président de la Chambre et le Premier ministre, avant de prendre part au déjeuner offert en son honneur au palais de Baabda et auquel tout le Liban politique a pris part.
Contrairement aux informations véhiculées, les deux leaders chrétiens, Amine Gemayel et Samir Geagea, ont répondu présents. Les deux chefs devaient, également, prononcer des discours de circonstance.
Du palais de Baabda, où il a passé six heures, le président de la République islamique s’est rendu au centre-ville, place des Martyrs, où il a déposé une gerbe de fleurs sur le monument des martyrs avant de regagner dans l’après-midi son lieu de résidence à l’hôtel Phœnicia Intercontinental. Il était accompagné de MM. Elias Murr, ministre de la Défense; Ali Abdallah, ministre de la Jeunesse et des Sports, ainsi que du général Jean Kahwagi, commandant en chef de l’Armée.

photo Le président de la Chambre remettant l’écusson
au président iranien.

photo La Première dame libanaise Mme Wafa’ Sleiman s’est entretenue avec la Première dame iranienne Mme Azam Farahi Ahmadinejad. Lors de leur tête-à-tête, les deux dames ont discuté des efforts libano-iraniens dans les domaines des affaires sociales et de l’éducation. Suite à leur entretien, elles ont effectué une tournée des écoles publiques à Bir Hassan. Vers midi, Mme Sleiman a offert un déjeuner en l’honneur de la Première dame iranienne. Mme Ahmadinejad devait, également, assister au dîner organisé en son honneur par Mme Randa Berri.

Meeting populaire dans la banlieue-sud: Téhéran n’a pas de projet pour la région
Moment fort de la visite: le meeting populaire organisé par le Hezbollah et le mouvement Amal dans la banlieue-sud, au stade al-Raya où un accueil grandiose a été réservé au président de la République islamique, reçu en héros. Décor aux couleurs de l’Iran et chants enthousiastes arabo-perses en l’honneur de cet invité exceptionnel, résonnent avec force. Une ambiance festive règne sur les lieux. Vers 19h15, Ahmadinejad fait son apparition sous les acclamations d’une foule en délire. “Khoch Omadid”, scandait la masse à tue-tête. Quelques minutes; puis, le secrétaire général du Hezbollah apparaît sur l’habituel écran, déchaînant à son tour, une foule déjà surexcitée. S’adressant par vidéoconférence, le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah assure que “ce que l’Iran souhaite aux Palestiniens et aux Libanais, n’est autre que ce qu’ils désirent eux-mêmes. L’Iran ne possède pas d’autres projets”, a-t-il encore assuré. Revenant sur les allégations concernant un projet iranien pour la région et un autre arabe en contre-attaque, le leader chiite a dit: “C’est un plan qu’ils imaginent pour effrayer les gouvernements et les Etats arabes”. Evoquant, également, les rumeurs selon lesquelles l’Iran est à l’origine des dissenssions et cherche toujours à semer la discorde, il a assuré que Téhéran n’a jamais contraint le Hezbollah à prendre certaines décisions ou mesures.
“M. Ahmadinejad a exprimé sa position avec toute transparence, partout dans le monde, que ce soit auprès de l’Organisation des Nations unies ou à Genève”, a-t-il dit. Selon lui, le président iranien est juste dans ses paroles, surtout lorsqu’il affirme “qu’Israël est illégitime et qu’il faudrait qu’il diparaisse complètement”.
Revenant sur l’affaire du pasteur US qui voulait brûler le Coran, afin de commémorer les attentats du 11 septembre 2001, sayyed Hassan Nasrallah a mis en garde contre ceux qui cherchent à envenimer les relations entre chrétiens et musulmans.

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photo Le président de la République islamique déposant une gerbe de fleurs sur le monument des martyrs.

Les instances juridiques sont exploitées pour accuser des amis
A son tour, le président iranien a prononcé un discours dans lequel il a estimé que le monde est aujourd’hui à deux doigts d’un grand changement, dont les symptômes commencent à se manifester dans notre région, accusant au passage les “arrogants” (en référence aux puissances occidentales) d’avoir employé la force matérielle, ainsi que la violence, pour étendre leur pouvoir dans la région. Contrairement au ton modéré dont il a usé au palais présidentiel, le président de la République islamique s’est de nouveau emporté contre l’Occident et l’Etat hébreu qui, à ses yeux, “est une entité étrangère qui doit être rayée de la carte”. Par ailleurs, en allusion à la décision tant attendue du TSL concernant l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le président iranien a dit: “Au Liban, nous avons vu comment des nouvelles erronées ont été fabriquées et comment sont exploitées les instances juridiques dépendant des organisations hégémoniques pour pointer du doigt les alliés, dans l’objectif de déclencher les divisions et la guerre civile (...) Ils veulent nuire aux relations fraternelles entre le Liban et la Syrie”, a-t-il dit. “Les ennemis ne veulent voir aucun peuple de la région uni, puissant et développé”, a-t-il estimé. “S’ils n’écoutent pas nos conseils, les peuples de la région se chargeront de les chasser”, a-t-il encore menacé, avant de glorifier une fois encore la victoire de la Résistance contre l’entité sioniste qui a, a-t-il rappelé, essuyé des défaites par étapes, dont la dernière est la riposte courageuse de l’Armée libanaise à Adaïssé.

photo Une manifestation monstre au stade al-Raya en l’honneur du président iranien.

photo Sayyed Hassan Nasrallah: “L’Iran n’a pas de projet pour la région”.

À aïn el-Tiné
Après le festival de la banlieue-sud, Mahmoud Amadinejad s’est rendu à Aïn el-Tiné pour prendre part au dîner offet en son honneur par le président de la Chambre. Le dîner a été précédé par une réunion à huis clos entre le président de la Chambre et le chef du CPL, Michel Aoun rejoints peu après par le Premier ministre, Saad Hariri et le commandant en chef de l’Armée, le général Jean Kahwagi. Lors du dîner, le numéro 2 de la République a affirmé que le renforcement militaire de la troupe nationale constitue une priorité pour le pays du Cèdre. “Nous remercions l’Iran de son initiative, d’avoir suggéré de fournir de l’aide militaire à l’Armée”, a-t-il déclaré précisant, à cet égard, qu’il ne s’agit pas d’une aide militaire réservée aux chiites, mais à tous les Libanais. De son côté, M. Ahmadinejad a promis que son pays se tiendra aux côtés du peuple libanais et de son gouvernement, quelles que soient les circonstances. Au deuxième jour de sa visite à Beyrouth, le président de la République iranienne a tenu tôt dans la matinée, (dès 7 heures) en son lieu de résidence, une réunion avec des dignitaires religieux représentant les différentes communautés religieuses.
Ces derniers ont été invités à se rendre en Iran. M. Ahmadinejad a, ensuite, rencontré 26 personnalités politiques libanaises, entre autres le général Michel Aoun, le leader druze, Walid Joumblatt et l’ancien Premier ministre Omar Karamé. Les pourparlers ont porté sur la conjoncture régionale et la résistance. Il s’est ensuite rendu au campus de l’Université libanaise à Hadath où il a animé une conférence. A cette occasion, le ministre de l’Education, Hassan Mneimné lui a décerné un doctorat honorifique en sciences politiques. Avant son départ pour le Sud, le président de la République islamique devait assister au déjeuner offert au Sérail par le Premier ministre Saad Hariri.
Arrivé au Grand Sérail peu avant 14 heures, le président iranien a eu un huis clos avec le Premier ministre Saad Hariri durant une heure. Les deux hommes ont discuté des différentes questions tant régionales que locales notamment le dossier du TSL. Ils ont été rejoints d’abord par l’ambassadeur iranien à Beyrouth Ghazanfar Asl Roknabadi; puis, par le président de la Chambre Nabih Berri et enfin le président de la République Michel Sleiman. Les congressistes devaient, ensuite, prendre part au déjeuner auquel ont assisté plusieurs personnalités politiques.
Ont brillé par leur absence, le chef des F.L. Samir Geagea et les députés du bloc des F.L. Le chef du PSP Walid Joumblatt s’est absenté lui aussi, à l’instant où les députés de son bloc ont répondu présents.
Cap après vers le Sud. Le président iranien devait se rendre, d’abord, au stade de Bint Jbeil où une célébration populaire lui a été consacrée. Sur place, une ambiance surchauffée l’a accueilli. En effet, des centaines de milliers de sudistes, brandissant les fanions du Hezbollah et d’Amal, les drapeaux libanais et iranien, ainsi que les portraits de l’ayatollah Khomeini et l’ayatollah Khamenei ont afflué au stade de la ville qui, rappelons-le, a opposé une résistance farouche aux Israéliens en 2006 et a été sauvagement bombardée. La masse rassemblée a patienté durant des heures. Entre-temps, une délégation conjointe iranienne et hezbollahie a déposé une couronne de fleurs sur le tombeau du martyr de la Résistance, l’ancien secrétaire général du Hezbollah sayyed Abbas Al-Moussaoui à Nabi Chit. Et ce n’est que vers 17h30 que le président iranien parvint sur les lieux avec à ses côtés le ministre de la Jeunesse et des Sports Ali Abdallah, les députés Mohamed Raad et Ali Bazzi, ainsi que cheikh Nabil Kaouq, responsable du Hezbollah au Sud. Souhaitant la bienvenue au président de la République islamique au nom de tous les Libanais, le député hezbollahi Mohamed Raad a prononcé un mot de circonstance dans lequel il a rappelé que c’est à Bint Jbeil, capitale victorieuse du Sud, que la légende des sionistes s’est brisée, à l’orée de la Palestine et de Jérusalem. Ici-même où sayyed Hassan Nasrallah a dit qu’Israël est plus fragile que la toile d’araignée, là où les résistants sont tombés pour assurer la victoire. Il a, enfin, remercié M. Ahmadinejad pour son soutien constant au Sud et au Liban.

photo Dans la banlieue-sud, le président iranien s’est emporté contre l’Etat hébreu et l’Occident.

photo MM. Hardan et Saad remettant l’écusson de la Résistance
au président Ahmadinejad.

Prenant la parole à son tour, le président iranien s’est déclaré heureux d’avoir eu la chance de rencontrer le peuple libanais et les résistants et moudjahidin qui font face au mal. “Paix à vous, paix à ceux qui sont toujours au premier rang pour affronter les occupants. Vous avez résisté et défendu votre pays. Paix à vous les défenseurs de la paix, de la fierté et de la dignité nationale! Paix à vous, héros! Sans votre résistance historique, nous n’aurions jamais su où se situe la ligne de frontière entre Israël et le Liban. Vous avez prouvé que votre patience et votre constance sont plus fortes que tous les arsenaux militaires, plus fortes que les épées injustes aux mains de l’ennemi sioniste. Vous avez prouvé qu’aucune force ne peut vaincre votre Résistance. Une résistance qui trouve son origine dans la force et la capacité à endurer et à supporter l’injustice. La Résistance est le symbole de la victoire du Liban et de tous les peuples de la région” (...) a-t-il dit.

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MM. Hardan et Saad remettant l’écusson de la Résistance
au président Ahmadinejad.

Il s’est, ensuite, rendu à Qana, où il a déposé une gerbe de fleurs sur les tombes des martyrs des attaques israéliennes de 1996 et de 2006 avant de se diriger vers Maroun el-Rass pour inaugurer le jardin d’Iran, qui pourrait à l’avenir se transformer en lieu de pèlerinage. Il a gagné, également, Kfarkila, pour inaugurer un jardin à la porte de Fatima, où une plaque commémorative a été érigée en signe de remerciement de sa visite. Son passage à cet endroit a été strictement encadré. Des patrouilles de l’Armée libanaise et de la Finul étaient sur le qui-vive, d’autant qu’une mobilisation parmi les soldats israéliens a été observée le long de la frontière. L’aviation israélienne avait, d’ailleurs, survolé intensivement les régions sudistes. Pour protester contre la visite du président de la République islamique au Liban-Sud, les Israéliens ont lâché 2.000 ballons aux couleurs d’Israël, symbole du retour de la diaspora juive dans la Terre promise. Du coup, en alerte, les soldats libanais et les Casques bleus se tenaient prêts à agir face à tout éventuel débordement.
Le président iranien a effectué, aussi, une escale au château de Beaufort; puis, au musée de la Résistance à Mlita où il a rencontré des cadres supérieurs de la résistance qui l’ont informé de la situation et de leurs préparatifs militaires sur le terrain en cas d’offensive israélienne contre le Liban.
Le président iranien est rentré en cours de soirée à Beyrouth. Il a clôturé sa visite en se rendant au palais de Baabda pour faire ses adieux au président de la République avant son départ de Beyrouth.

photo Le président recevant le doctorat honorifique des mains de MM. Mneimné et Chucr.

photo A Bint Jbeil, le président iranien saluant la foule qui a patienté des heures durant.

Lettre ouverte à Ahmadinejad
A quelques heures de l’arrivée à Beyrouth du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, les réactions se sont multipliées. A l’instant où les figures et différentes composantes de l’opposition affichaient haut et clair les messages de bienvenue, plusieurs voix dans le camp du 14 mars ont émis des réserves. Les chancelleries occidentales, elles, ont adopté des positions mitigées.
Cela dit, le déplacement du président iranien a été critiqué par plus de 200 politiciens, intellectuels et journalistes. En effet, des hommes politiques et des membres de la société civile ont adressé au chef de l’Etat iranien une lettre ouverte dans laquelle ils lui ont rappelé que le Liban est “un pays de soutien”, l’invitant à s’abstenir de considérer le Liban comme un avant-poste dans sa “bataille universelle” et mettant en garde contre l’émergence d’une “question chiite” au Liban et au Moyen-Orient. Ils ont ainsi critiqué “l’ingérence” de l’Iran dans les affaires du pays et son soutien financier et militaire au Hezbollah. “Depuis longtemps, grâce à votre soutien, un groupe libanais se sent puissant face aux autres groupes et face à l’Etat”, lit-on dans la lettre adressée au président iranien et signée par environ 250 personnes. “Vous imitez ceux qui vont ont précédé en s’ingérant dans nos affaires” poursuit le texte, en référence à la Syrie, ancienne puissance de tutelle politique et militaire sur le Liban.

photo Tsahal s’est mobilisé tout au long de la frontière.

photo Deux mille ballons aux couleurs d’Israël ont été lâchés dans le ciel
pour protester contre la visite au Liban-Sud de Mahmoud Ahmadinejad.

“Votre soutien à l’Etat libanais est démenti par le fait que vous continuez à approvisionner une partie libanaise en argent et en armes, indique la lettre. Le mieux que vous pouvez offrir au Liban, vu votre relation spéciale avec la résistance islamique, c’est de la convaincre d’intégrer l’Etat”, affirment les signataires.
Ils ont, par ailleurs, accusé M. Ahmadinejad de favoriser l’apparition d’une “question chiite” dans la région, en raison de sa “tendance à mettre la main sur les éléments chiites dans certains pays arabes, dont le pays du Cèdre”.
“La visite du président iranien Mahmoud Ahmadinejad intervient suite à une invitation de la part du chef de l’Etat libanais, Michel Sleiman. Le Quai d’Orsay n’est pas donc inquiété par ce déplacement, car il s’agit d’une visite d’un chef d’Etat à un autre chef d’Etat”, a indiqué, pour sa part, le ministre français des Affaires étrangères par le biais de la porte-parole adjointe, Christine Fages. Elle a, par ailleurs, minimisé l’importance des accords comerciaux signés entre des hommes d’affaires libanais et iraniens, affirmant que ces accords bilatéraux n’ont rien à voir avec les sanctions décidées par le Conseil de sécurité et par l’UE.
“Nous devons séparer entre les relations bilatérales avec l’Iran et le dossier des sanctions contre la République islamique”, a indiqué Mme Fages. Washington a emboîté le pas à Paris, en ce qui concerne la réaction sur le déplacement du président iranien au Liban. “Tant que c’est une visite officielle qui ne viole pas la souveraineté et la stabilité du pays du Cèdre, nous ne sommes pas inquiets”, a assuré le vice-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Jeffrey Feltman. Il a ajouté que l’objectif des Etats-Unis n’est pas de faire pression sur le Liban ou même de s’ingérer dans ses affaires personnelles. “Nous voulons simplement réduire les tensions ni plus ni moins”, a conclu M. Feltman.

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4284 - DU 16 AU 23 OCTOBRE 2010
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