Ni les guerres... Ni les jugements peuvent réprimer l’injustice
Par ISSAM KARAM

La controverse autour du Tribunal spécial pour le Liban, devient avec le temps une affaire beaucoup plus grande qu’une question judiciaire. Au fond, le crime du 14 février 2005, était politique et il s’est plus politisé le jour où la justice l’a traité... au plan libanais et international... sous l’angle politique. Les grandes affaires ont de tout temps été politisées... et ont politisé la justice et le juge... spécialement le juge d’instruction. Napoléon Bonaparte le redoutait. Là, j’avoue que j’ignore quelle crainte révérentielle pousse le Juge quand les politiques interviennent. Bien des magistrats, je ne parvenais pas à les connaître, ayant statué sur les grandes affaires.
La controverse s’est élargie lorsque le ministère des Télécommunications a informé les gens de la situation effroyable des réseaux libanais, contrôlés, tous, par Israël. Tous les réseaux des communications au Liban sont sous la coupe israélienne absolue. Nul ne connaissait auparavant cette situation. Comme nul, naturellement, n’ignorait l’immixtion de l’espionnage israélien dans toute chose au Liban. C’est pourquoi, j’ai demandé, maintes fois, où étaient les satellites israéliens le 14 février, eux qui contrôlent l’espace libanais 24 heures sur 24? C’est pourquoi, j’ai demandé à Serge Brammertz pourquoi il n’a pas nommé les dix Etats, dont il a dit dans un de ses rapports qu’ils n’ont pas coopéré avec l’enquête internationale? Si la Syrie était l’un de ces dix Etats, le rapport du chef de la commission d’enquête internationale, l’aurait-il épargnée? C’est pourquoi, j’ai dit que la justice internationale a perdu de sa prestance, même aux yeux de ceux qui continuent à faire confiance au Tribunal pour le Liban.
Puis, les rumeurs d’où sont-elles venues? Et quelle est leur origine? Si elles sont exactes, elles ne peuvent parvenir que de l’enquêteur, ou des gens de son entourage. Sinon, l’enquêteur, lui-même, était censé rectifier.

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Je comprends le fait de dire que le tribunal pour le Liban est une nécessité jusqu’à ce que s’arrête la voie du crime. Cependant, je demande: quand le tribunal a-t-il été instauré? Son instauration a-t-elle arrêté la voie criminelle? Combien d’hommes sont-ils tombés à l’ombre du tribunal? Je pose cette question pour qu’il en émane cette réponse: le tribunal a étendu la prestance réprobatrice attendue. Je me rappelle ici des paroles de l’ex-président américain, George Walker Bush et des paroles de l’ancien chef du gouvernement britannique, Tony Blair, à savoir que se débarrasser de Saddam Hussein, arrêtera le terrorisme. Il y a eu l’invasion de Bagdad. Et avant Bagdad, l’invasion d’Afghanistan... et le terrorisme s’est perpétué au point que la politique des envahisseurs leur enjoignait de négocier avec les terroristes. Forcer la Chine à libérer “Liu Xiaobo”, le rebelle incarcéré, pour recevoir le Prix Nobel finit par décider Pékin à le maintenir en prison, bien que Moscou s’est comporté différemment, je jour où le Prix a été attribué à Sakharov.

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Et l’acte d’accusation attendu... bien que l’Occident le considère, effectivement, comme un destin... parce qu’il émane du Conseil de sécurité international sous le chapitre VII... s’inscrit sous une vision qui dit que l’attente d’un fait est pire que la confrontation du fait lui-même. L’acte accusatoire ne produira pas, je finis par le croire, une sédition parmi les Libanais parce que les Libanais ont fini par savoir, comme ce fut le cas le long de l’Histoire, que la sédition entre eux se terminera par des réconciliations. De là, pousser la sédition est moins coûteux que son déclenchement; puis, de gagner par la suite l’entente, les mains entachées du sang et les consciences récitant l’acte de contrition, alors que les amis actifs... Damas, Riyad... et nombreux avec eux, y compris le Premier ministre turc et les autorités iraniennes, œuvrent en vue d’éloigner du Liban les imprévus fâcheux...

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Les Libanais savent que les peuples ne se pardonnent pas. Après avoir entendu Erdogan, l’hôte cher et l’ami sage, dire qu’Ankara ne rétablira pas ses relations avec Israël, tant qu’il ne s’excusera pas de l’attaque de la “flottille de la paix”, le 31 mai dernier, je me suis demandé pourquoi cette logique ne s’applique-t-elle pas à la Turquie vis-à-vis des Arméniens? Pourquoi la Belgique ne s’excuse-t-elle pas du Congo? Et la France de l’Algérie? Et tous les Etats du colonialisme... de la persécution perpétrée par des colonisateurs? Dans l’espoir que le XXIème siècle s’ouvre sur une vision humaine dépassant la haine à l’amour après qu’il aura dépassé la rancune à la tolérance? Et Israël... pourquoi ne s’excuse-t-il pas de la communauté internationale... dont toutes les résolutions sont restées lettre morte, alors que la décision du Tribunal pour le Liban doit être exécutée parce qu’il s’agit d’une résolution de la communauté internationale? Et pourquoi ne s’excuse-t-il pas des Palestiniens, qu’il tue dans leur patrie, détruit leurs maisons pour les contraindre à émigrer comme si le transfert était toujours une hantise israélienne!

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Seule la justice peut éliminer le terrorisme. Les jugements de Nuremberg, le premier tribunal international siégeant en 1945 dans la “Salle 600” jugeant Goering, Hess, Von Ribbentrop, n’a pas empêché l’émergence de leurs pairs et des meurtriers plus féroces qu’eux à l’égard de l’homme...
La justice empêche l’injustice, alors que l’amour et le pardon réalisent la paix!
Je dis cela, sachant qu’à l’instar de tous ceux qui le répètent, je serai classé parmi les béatitudes et les bienheureux!

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