L’histoire de frère André et de
l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal
Nelly Hélou - Montréal

A l’occasion de la fête de Noël, nous avons voulu évoquer l’histoire admirable du québécois frère André qui a été canonisé le 17 octobre 2010 au Vatican. Sa vie et son oeuvre, ainsi que le célèbre oratoire Saint-Joseph dont il fut le fondateur, sont une fierté pour son pays, le Canada et un message de vie pour l’humanité.

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Au Vatican, en présence de près de 10.000 pèlerins québécois, S.S. Benoît XVI a proclamé qu’un petit paysan humble, natif de Mont Saint-Grégoire tout près de Montréal, vient d’accéder au plus haut rang de la chrétienne.
Mais c’est à Montréal même, à l’Oratoire Saint-Joseph dont frère André fut le fondateur, que l’émotion était la plus vive.
Dans la crypte de l’Oratoire, plus de 3.000 fidèles s’étaient rassemblés en pleine nuit (vu le décalage horaire), pour suivre en direct sur un écran géant, la cérémonie de canonisation. Un peu avant 5 heures du matin (heure du Québec), lorsque le Saint-Père a prononcé le nom de frère André et proclamé sa canonisation, ils se sont mis debout, applaudissant et retenant difficilement leurs larmes de joie et d’émotion. Dans les jours qui ont suivi, les foules ont afflué vers l’oratoire où des messes solennelles ont été célébrées. On pouvait voir les pèlerins montant à genoux les marches qui mènent vers la basilique. Tous voulaient prendre une photo-souvenir devant la statue de frère André à l’intérieur de la basilique et immortaliser cet événement. Dans un passage de son homélie lue en français, Benoît XVI a salué l’ancien portier du collège Notre- Dame, comme un homme pieux qui avait permis par sa simplicité à “beaucoup de voir Dieu”... “Pour lui, tout parlait de Dieu et de sa présence” ( …) “Puisse l’exemple du frère André inspirer la vie chrétienne canadienne”.
En l’honneur de cette canonisation, samedi 30 octobre, une grande messe a été célébrée au Stade olympique de Montréal par le cardinal Jean-Claude Turcotte, en présence des Premiers ministres du Canada et du Québec, Stephen Harper et Jean Charest, de 58 évêques et près de 50.000 fidèles, avec la participation de la chorale de l’oratoire. La cérémonie était grandiose et émouvante.

photo Les pèlerins montant à genoux jusqu'à la Basilique.

photo Grande messe au stade olympique de Montréal, en hommage à cette canonisation.

Qui est frère André?
Il s’appelait Alfred Bessette. Il est né le 9 août 1945 dans une famille pauvre de dix enfants. A l’âge de 9 ans, il perd son père et trois ans plus tard sa mère. “J’ai rarement prié pour ma mère, mais je l’ai souvent priée”, dira-t-il plus tard. La famille est dispersée et à l’âge de 12 ans ce petit adolescent à la santé fragile, doit faire face à la vie pour se trouver un travail, alors qu’il est à peine capable de signer son nom et de lire un livre de prière. Il fait plusieurs petits métiers: apprenti, dans des chantiers de constructions, garçon de ferme, cordonnier, boulanger,... se rend aux Etats-Unis pour travailler dans les filatures et revient au Canada en 1867. En 1870, Alfred Bessette se présente au noviciat de la Congrégation de Sainte-Croix à Montréal. Son état de santé fait douter ses supérieurs de sa vocation. Il est finalement accepté et s’appellera André. Il est nommé portier au collège Notre-Dame. “Quand je suis entré en communauté, racontait-il avec humour, mes supérieurs m’ont mis à la porte et j’y suis resté quarante ans sans partir...”
Dès son plus jeune âge, Alfred Bessette avait une dévotion particulière à Saint-Joseph qui va l’accompagner toute sa vie. Et c’est en l’invoquant dans ses prières qu’il est devenu “faiseur de miracles”. Tout a commencé en 1877. L’économe du collège, frère Aldéric, avait une blessure à la jambe que les médecins ne pouvaient guérir. Frère André lui remit, alors, un petit flacon d’huile sainte qu’il avait appelée “huile de Saint-Joseph”, lui disant: “Frottez-vous avec cette huile et vous serez guéri” et lui a recommandé d’invoquer le bon Saint-Joseph. Aldéric fut guéri et c’est, alors, que de bouche à oreille la nouvelle s’est répandue. Cette première guérison allait changer le destin de frère André. De partout, les gens vont se presser à la porte du collège pour demander son aide et celle de Saint-Joseph. Ils viennent du Canada et des Etats-Unis. Des personnes de plus en plus nombreuses déclarent avoir été guéries et la réputation de sainteté de frère André ne cesse de se répandre et de grandir.
Durant 25 ans, le religieux accueillera la foule dans son petit bureau, six heures par jour. Et le soir, ce sont les visites à domicile ou dans les hôpitaux. Certains ne jurent que par lui. Mais d’autres crient au charlatanisme. A l’intérieur des murs du collège il ne fait pas non plus l’unanimité et plusieurs parents interrogent la direction afin de savoir si elle va laisser longtemps ce cirque se poursuivre. La direction du collège va alors ordonner au frère André d’accueillir le public de l’autre côté de la rue dans l’abri de tramway. La petite histoire relate qu’on lui aurait dit: “Allez donc faire vos miracles sur la colline d’en face”. Il s’y rend, place une statue de Saint-Joseph non loin de l’abri de tramway et envoie les pèlerins y prier.
C’est alors que lui vint l’idée de faire ériger une petite chapelle dédiée à Saint-Joseph destinée à canaliser la ferveur populaire.

Naissance de l’Oratoire
Saint-Joseph En 1904, après que la congrégation de Sainte-Croix eut acheté le terrain sur le Mont Royal, en face du collège Notre-Dame, frère André aidé d’un autre frère entame l’édification d’une petite chapelle en bois avec les dons des fidèles. Cette chapelle aux dimensions modestes est inaugurée le 19 octobre 1904. En 1908, puis, en 1910 on décide de l’agrandir et de la chauffer, grâce aux dons de plus en plus nombreux des pèlerins et tous ceux que l’oeuvre de ce saint homme ne laissait pas indifférent.
En 1917, on inaugure la crypte capable de recevoir mille personnes. Mais ce n’était encore que la base d’un projet encore plus grandiose. Et toute sa vie, frère André va s’employer avec ses amis à construire un oratoire qui deviendra le plus grand sanctuaire au monde dédié à Saint-Joseph.
Pourtant, il ne parle jamais de son oeuvre. Au contraire. Quand les foules viennent à l’oratoire pour de grandes célébrations, il s’efface, se cache presque derrière le choeur pour prier en solitaire. En 1931, alors que l’on érige la basilique, la crise économique force l’arrêt des travaux. En 1936, les autorités de Sainte-Croix convoquent une réunion spéciale pour décider s’il faut poursuivre le projet ou l’abandonner, d’autant plus que la neige et le gel menacent d’endommager la structure même de l’édifice en chantier. Le provincial convoque frère André pour le consulter. Le vieux frère dit alors à l’assemblée: “Ce n’est pas mon oeuvre, c’est l’oeuvre de Saint-Joseph. Mettez donc une de ses statues au milieu de l’édifice. S’il veut se couvrir il y veillera”. Deux mois plus tard, la communauté a réuni l’argent nécessaire à la reprise des travaux.

Haut lieu de pèlerinage
Aujourd’hui, l’Oratoire Saint Joseph qui domine la ville de Montréal de son imposante silhouette est un haut lieu de pèlerinage visité, annuellement, par plus de deux millions de fidèles venus de partout. Son Dôme de 97 mètres, est le second au monde après celui de la basilique Saint-Pierre de Rome et peut être vue de plusieurs endroits de la ville et même de l’extérieur de l’île.
Les travaux de la crypte débutèrent en 1916, selon les plans des deux architectes: Dalbé Viau et Alphonse Venne. Et la bénédiction eut lieu en 1917. L’érection de la basilique commença en 1924 et l’on fit appel aux mêmes architectes. Le moine français Dom Paul Bellot dessina la finition extérieure suivant le style de la renaissance italienne avec quelques touches modernes. La basilique, à elle seule, peut accueillir 2.000 personnes. 283 marches mènent de la route principale jusqu’au haut de l’oratoire. Le carillon compte 56 cloches de bronze et se classe parmi les plus grands d’Amérique du Nord.
En pèlerinage, j’ai visité aussi la chapelle du frère André et au-dessus sa chambre avec son lit, sa table de travail et des objets lui ayant appartenu.
Le corps de frère André repose dans une petite chapelle funéraire en dehors de l’église. Son coeur était exposé au grand public attirant les foules pour des moments de recueillement. Il fut volé dans la nuit du 15 au 16 mars 1973. Grâce à des informations divulguées au service de police, le coeur est retrouvé le 21 décembre 1974, dans une maison au sud de Montréal. Il était intact, soigneusement enveloppé. Il est à nouveau exposé au grand public.

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4293 - Du 18 Au 25 décembre 2010
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