Tournée pastorale historique au Liban-Sud
Le patriarche Raï réitère son appel à un dialogue responsable entre les Libanais

Déterminé plus que jamais à réitérer ses positions partout où il va, comme il l’a affirmé lors du huis clos qui l’a rassemblé au chef de l’Etat Michel Sleiman et au président de la Chambre Nabih Berri à Msaïleh au dernier jour de sa tournée historique au Liban-Sud, le patriarche maronite Mgr Béchara Boutros Raï, en dépit des critiques directes ou voilées qui lui ont été adressées, n’a rien modifié tant sur le plan de son discours ou sur celui de son programme visant à se rendre dans toutes les régions libanaises sans exception. Profondément convaincu de ses démarches mais, surtout, de l’importance à ce que les chrétiens restent ancrés dans leur terre d’origine, tout en entretenant de bonnes relations avec leurs voisins d’autres religions, le chef de l’Eglise maronite dont le volet politique de sa prochaine visite pastorale aux Etats-Unis a été annulé en raison de ses récentes positions, s’est rendu au Sud, terre qu’aucun patriarche maronite n’a foulée depuis l’indépendance. Mû par la volonté de préserver la présence chrétienne, non seulement au Liban mais dans la région toute entière, Mgr Raï a tenu à rappeler aux Sudistes venus à sa rencontre, qu’il n’est pas le patriarche des maronites, uniquement, mais celui de tous les Libanais. Le maître de Bkerké, surnommé désormais “l’imam des patriarches” a, à chaque étape de sa visite, appelé à un dialogue franc et direct entre les Libanais, à l’ouverture du Liban sur le monde mais, aussi, à la sauvegarde de la coexistence et de l’entente islamo-chrétienne, essence même du pays du Cèdre.

A l’accueil triomphal que les Sudistes, chrétiens et musulmans, ont réservé au chef de l’Eglise maronite lors de sa tournée paroissiale au Liban-Sud le week-end dernier, la première d’un patriarche dans la région, l’histoire retiendra, également, que c’est la main tendue vers “l’autre différent”, partenaire et frère dans la patrie que le patriarche Raï s’est rendu dans le Sud bastion de la Résistance, peu soucieux de la nouvelle vague de critiques que pourrait éventuellement provoquer son accueil par les représentants du Hezbollah. Prêchant amour, solidarité et entente, le patriarche maronite n’a eu de cesse de souligner devant tous ses interlocuteurs “la nécessité de préserver le pays-message”.

Berri pour un dialogue ouvert et franc
Couronnée par un aparté politique, d’abord avec le président de la Chambre, Nabih Berri et son épouse, auquel se sont joints plus tard le président de la République Michel Sleiman et son épouse, la troisième et dernière journée du patriarche au Liban-Sud a été marquée par le déjeuner offert en la résidence du chef du Législatif à Msaïleh en l’honneur du patriarche maronite et auquel ont également pris part le commandant en chef de l’Armée, le général Jean Kahwagi; le commandant en chef de la Finul, le général Alberto Assarta; alors que les deux députés Fouad Sanioura et Bahia Hariri se sont abstenus d’y participer.
Prenant la parole, M. Nabih Berri a, à cette occasion, souligné la nécessité de paver la voie à “un dialogue ouvert et inconditionnel (...) direct et franc, aboutissant à un accord sur une stratégie nationale de défense, à rebâtir la confiance entre les Libanais ainsi que des solutions drastiques à notre crise économique et sociale (...)”.
Evoquant les événements en Syrie, M. Berri a jugé “nécessaire de cesser tout propos, toute instigation, tout financement ou armement transfrontalier, ou toute provocation”, avant de mettre en garde contre un complot occidental, dans la lignée des accords secrets de Sykes-Picot en 1916, qui, “ne vise pas la Syrie seulement, mais plusieurs pays de la région, y compris le Liban. C’est pourquoi nous appelons les proches et les moins proches à ne pas craindre la résistance, mais à craindre pour cette résistance”, a-t-il dit rejetant toute relation que peut entretenir une communauté avec un Etat quelconque au détriment de l’intérêt du Liban.
Sur ce, le chef du Législatif a réaffirmé “la fidélité du Liban envers ses engagements internationaux liés à la résolution 1701”, avant d’inviter la communauté internationale à “obliger Israël à se retirer de Chebaa, de Kfarchouba et du Ghajar (...)”.
M. Berri a, par ailleurs, assuré que “nous arrêterons toute tentative d’imposer au pays un projet de naturalisation et nous insistons sur le droit au retour des Palestiniens”.

Raï: Les Libanais prêts
au dialogue
A son tour, le chef de l’Eglise maronite a estimé que l’exemple du Liban-Sud aura démontré que “les Libanais sont prêts pour le dialogue”. Pour le patriarche, sa tournée lui a permis de “témoigner de l’authentique coexistence dans toutes les villes et tous les villages que j’ai visités (...). Les habitants du Liban-Sud ont ouvert une nouvelle page au nom de la charité et de la communion”.
Mgr Raï a ainsi rappelé “les deux dimensions de sa tournée paroissiale: le testament et l’engagement” promettant au passage de transmettre les doléances des citoyens du Sud aux autorités concernées.
Sa Béatitude a entamé sa troisième journée par une visite à Rmeich. Chaleureusement accueilli sur la place du village, le patriarche a fendu la foule sous une pluie de pétales de roses et les youyous des femmes, en direction de l’église de la Transfiguration où il a célébré la messe en présence du député Ayoub Hmayed, représentant le président du parlement, Nabih Berri; du député Ali Bazzi, de M. Bilal Charara, secrétaire général des affaires externes auprès de la Chambre, ainsi que de M. Youssef Tanios, président du conseil municipal de Rmeich.
Dans son homélie, Mgr Raï a rappelé les objectifs de sa tournée, “qui englobe les chrétiens et les musulmans, en tant que partenaires de Dieu dans l’histoire de l’humanité, qui insiste sur l’entente, la charité et la mise en œuvre du pacte national à travers la coexistence”. Dans ce cadre, le patriarche a invité à s’approfondir dans la lecture et l’analyse des événements, au lieu de “les passer en revue superficiellement”.
Il a ainsi espéré que “toutes les personnes de bonne volonté”, tant dans l’Eglise qu’au sein de l’Etat, parviennent à préserver la présence islamo-chrétienne au Liban. “L’unité, la charité et la cohésion qu’expriment les habitants du Sud, toutes appartenances confondues et que nos ennemis souhaitent torpiller (...), sont les bases de la construction du pays à laquelle chacun doit contribuer”, a-t-il considéré.
“Notre mission aujourd’hui est de construire une nouvelle ère et une nouvelle histoire (...), alors que depuis 1975 les Libanais de tous bords luttent, meurent et résistent pour que le Liban reste terre de vérité, de sainteté et de paix”, a-t-il encore fait remarquer.
De Rmeich, le maître de Bkerké a mis le cap sur Kfarwé dans le caza de Nabatiyé. Toujours accompagné de l’archevêque maronite de Tyr, Mgr Chucrallah Nabil Hajj, Mgr Raï a été reçu à l’entrée du village par les députés Yassine Jaber et Hani Kobeissy, ainsi que par des représentants d’Amal et du Hezbollah. Il s’est dirigé, ensuite, vers l’église Saint-Joseph, où l’attendaient le chef du bloc du Hezbollah, le député Mohamed Raad et le député Abdellatif el-Zein. “Cette journée est une grande occasion pour nous de faire votre connaissance (...)”, a dit Mgr Raï, avant de remercier les députés et les responsables locaux “de nous avoir accompagnés tout au long de notre visite”. Et d’affirmer que “la mission se poursuit, celle de la foi islamo-chrétienne dont attestent les habitants du Liban-Sud”.
Dans l’après-midi, sur le chemin de retour, Mgr Raï s’est rendu à Hajja, en l’église de la Sainte-Famille où les députés Michel Moussa, Ali Osseiran, tout comme le mohafez du Liban-Sud par intérim Nicolas Bou Daher sont venus l’accueillir. A Maamariya, le mufti de Tyr, cheikh Hassan Abdallah a rejoint le patriarche et pris part à la procession jusqu’à l’église Notre-Dame, où Mgr Raï a appelé à la prière régulière du Rosaire, “pour de bonnes relations avec les voisins”. Le patriarche s’est, ensuite, arrêté à Ghaziyé, avant de clôturer sa visite à Maghdouché, à laquelle il est arrivé avec deux heures de retard en raison des multiples arrêts auxquels il a dû se sacrifier pour saluer les foules venues à sa rencontre. Sur place, il a été reçu par l’archimandrite Samir Nohra et l’évêque grec-catholique de Saïda et de Deir el-Qamar, Mgr Elie Béchara.
Riche en émotions et en symboles, la tournée paroissiale de Mgr Raï dans la partie méridionale du pays a, rappelons-le, commencé samedi à Tyr où le convoi patriarcal a été accueilli par un bain de foule exceptionnel, en tête duquel se trouvaient le ministre Mohamed Fneich, les députés Michel Moussa, Ali Khreiss et Abdel-Magid Saleh, ainsi que les notables de la région. Suite à une petite escale dans le Sérail de la ville, le patriarche d’Antioche et du Levant s’est dirigé vers la cathédrale maronite Notre-Dame des mers, dans le vieux port de Tyr, avant de mettre le cap sur Cana où il s’est recueilli devant les tombes des victimes des massacres perpétrés par Israël en 1996 et en 2006. Rappelant que ces victimes sont les martyrs de tout le Liban. Mgr Raï s’est ensuite rendu en compagnie de Mme Randa Berri dans la grotte de Cana, là même où le Christ a fait son premier miracle en transformant l’eau en vin.
Le patriarche maronite et la délégation qui l’accompagne devaient, ensuite, rentrer à Tyr, précisément au Rest House où un déjeuner en leur honneur a été offert en présence de nombreuses personnalités, notamment du commandant en chef de la Finul le général Alberto Assarta. Tour à tour, le ministre Mohamed Fneich a prononcé un mot de bienvenue au nom du Hezbollah, avant que son collègue, le député Ali Khreiss parle au nom du mouvement Amal. Prononçant un mot de circonstance, Mgr Raï a, quant à lui, annoncé venir à Tyr portant un message d’amour et de communion, dans l’esprit du pacte national et avec le souci de préserver l’unité du pays du Cèdre.
De Tyr où il a effectué une visite à la Fondation de l’imam Moussa Sadr, Mgr Raï s’est ensuite rendu à Naqoura où il s’est entretenu avec le commandant de la force multinationale.
Cela dit, diamanche, au deuxième jour de son périple sudiste, le maître de Bkerké a entamé sa tournée par la région de Hasbaya. Il s’est ensuite rendu à Blat, Marjeyoun et Khiam; puis, à Nabatiyé et son entourage, avant de clôturer sa longue journée à Bint-Jbeil; puis, dans les villages chrétiens frontaliers, notamment à Alma el-Chaab, Debel, Kawzah, en passant par Aïn Ebel où il a tenu une réunion avec les parents des Libanais présents en Israël, tout comme il l’a fait à Rmeich. Dans Aïn Ebel, village que des liens étroits lient à Bkerké, puisqu’il s’agit de la terre natale du patriarche Khreich et du martyr Mgr Albert Khreich, Mgr Raï a dû dîner à 2 heures du matin, en raison de son emploi de temps surchargé!

M.A.-K.