Palestine et les “tendances lourdes”
Par ISSAM KARAM

...Et la loi sur l’électricité a été approuvée, à la suite d’un round dans lequel j’ai vu un visage démocratique parlementaire, même si cela émane d’une politique de vexation. Le Libanais, de nature, est impulsif et extrémiste. Pas de moyen-terme chez lui. Sauf s’il est contraint d’être au beau milieu. La Kayssia et la Yamania, dans la montagne, ont tranché le nœud de l’hostilité entre elles au moyen de l’épée, dans la bataille de Aïn Dara en 1711. La Yazbakia et la Joumblattia, toutes deux émanant de la Kayssia à la suite de l’immigration de la Yamnia au Djébel druze en Syrie, ne se sont rencontré que quand la situation l’exige. N’allons pas plus loin. Walid Joumblatt a cédé à Talal Arslan le commandement de la Montagne, parce que l’occultation du sang était devenue obligatoire après les histoires du 7 mai. Le Bloc destourien et le Bloc national sont restés en confrontation par l’épée... politique. Et nul n’a encore oublié comment Emile Eddé a été sorti de la Chambre des députés alors qu’il avait été élu député en 1943. Le 8 mars et le 14 mars sont une image non corrigée, ni polie, de l’éminent prédécesseur.
Le projet de l’électricité est devenu une loi, au terme d’un round parlementaire et démocratique auquel nous n’avons cessé d’aspirer... non comme les projets qui nous provenaient tous faits ne permettant aucun amendement, voire aucune rectification... tels Taëf et Sykes-Picot.
Et l’énergie noyée dans la Méditerranée... doit devenir un acte effectif. Nul ne rêvait d’une richesse libanaise de gaz et de pétrole. Comme nul ne rêvait d’un “printemps arabe”... Hosni Moubarak, qui l’eût imaginé dans le box des accusés, entouré de ses fils Alaa et Jamal? Aucune fois, le peuple n’a renversé le Pharaon. Et il n’est venu à l’idée de personne que Moammar Kadhafi puisse devenir un réfugié, même toujours armé à Syrte, sa ville natale.

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Le changement est fils du temps et de l’événement. L’Amérique a perdu sa démocratie après le 11 septembre. Comme si l’Amérique s’était “libanisée” et est devenue impulsive et extrémiste. Pourtant, le 11 septembre, a provoqué une réaction américaine pareille à celle de Pearl Harbour. Ce jour-là, l’Amérique est partie à la guerre. Et le 11 septembre, l’Amérique a recherché une guerre, même injuste, injustifiée tout en ayant une fausse option. Et le Patriot Act n’est pas nouveau pour l’Amérique. George Bush s’est engagé sur la voie de John Adams, le second président américain et le premier à résider à la Maison-Blanche en 1800, l’appellation n’étant intervenue qu’en 1809. La pierre blanche a distingué la Maison-Blanche des maisons qui l’entourent, bâtie avec des tuiles rouges.
Adams a imposé un régime sévère, afin de pouvoir réprimer une rébellion dont il a craint qu’elle ressemble à la révolution de 1789 des lois en France. Et Abraham Lincoln a imposé une dans la guerre de sécession trop belles à être comparées au Patriot Act. Tous sont des impulsifs... Comme les Libanais. Les révolutionnaires de Benghazi devaient échapper au feu de Kadhafi, mais l’Otan œuvrant en vue du sauvetage, a dépassé les limites fixées par le Conseil de sécurité, en ne s’arrêtant pas à la protection des civils. Moammar Kadhafi... Comme Saddam Hussein... sont indéfendables; comme il serait indéfendable de réduire la Libye à un second Irak... tout comme il est difficile d’admettre le veto américain contre la reconnaissance de l’Etat de Palestine à l’ONU, soixante-quatre ans après le partage de la Palestine. Ce jour-là, en 1947, l’Assemblée générale a approuvé le partage. Aujourd’hui, l’Amérique se dresse au Conseil de sécurité contre le droit, les grands principes, allant surtout à l’encontre des “tendances lourdes”. L’Etat de Palestine se range parmi les “tendances lourdes”, s’érigeant contre le courant onusien qui s’oppose à son instauration. L’Europe est divisée. L’une est avec la Palestine... La France et l’Angleterre. Et l’autre contre... L’Allemagne se souvenant toujours du legs nazi. C’est pourquoi, l’Europe n’est pas influente dans le forum international... Sauf en optant pour un centrisme auquel elle a été forcée.

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Le Liban, en assumant la présidence du Conseil de sécurité, a été un élément sage. Le discours de son président fut un mot connaisseur et pondéré. Comme s’il revenait à la parole de De Gaulle répondant en ces termes à André Malraux: “Mon émule c’est Tintin... Parce que nous somme les deux petits qui ne se laissent pas fouler par les Grands!