À la tribune de l’ONU, Mahmoud Abbas appelle
à la reconnaissance d’un Etat palestinien
À Ramallah, il a été accueilli en héros
Par Nelly Hélou

Dans un discours qualifié d’historique, Mahmoud Abbas (alias Abou Mazen), 76 ans, chef de l’Autorité palestinienne, a tenu bon et confirmé la demande de reconnaissance d’un Etat palestinien par les Nations unies, dans les frontières d’avant le 6 juin 1967. Devant les représentants du monde entier, il a brandi la lettre remise au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon et exprimé sa détermination à poursuivre le chemin jusqu’au bout. De retour à Ramallah, il a été accueilli par les Palestiniens en héros. Reste à savoir comment vont évoluer les choses après ce 23 septembre, sachant que les Etats-Unis et Israël désapprouvent cette démarche et sont plutôt favorables à la reprise des négociations israélo-palestiniennes directes, seul chemin possible selon eux vers la paix.

Vendredi 23 septembre, Mahmoud Abbas a officiellement demandé aux Nations unies de reconnaître un Etat palestinien dans les frontières d’avant juin 1967, incluant la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza. Il a remis à Ban Ki-moon une lettre demandant l’adhésion à part entière de la Palestine, une démarche qui requiert l’aval du Conseil de sécurité et dont l’examen pourrait prendre un certain temps.
“Je pense qu’aucune personne douée d’un peu de conscience ne peut rejeter notre demande d’adhésion à part entière aux Nations unies et notre admission en tant qu’Etat indépendant”, a lancé Abou Mazen dans son discours à l’Assemblée générale, où il a été ovationné. “Nous tendons la main au gouvernement et au peuple israéliens pour faire la paix”, a ajouté le leader palestinien.
Evoquant la colonisation israélienne, il a souligné: “Ces implantations juives anéantiront la chance de parvenir à une solution à deux Etats et menacent de saper la structure de l’Autorité palestinienne voire son existence. (...) Notre peuple poursuivra sa résistance populaire pacifique”.
A travers cette demande, “Abbas a réussi à internationaliser sa cause”, affirme plus d’un analyste et même “de sortir de son isolement”. Il a non seulement effectué une percée hors du cadre des négociations israélo- palestiniennes, cliniquement mortes depuis septembre 2010, mais il a aussi mis en évidence aux yeux du monde le soutien massif que 131 pays et non des moindres dont la Chine et la Russie ont déjà apporté à la création d’un Etat palestinien.

Accueil triomphal à Ramallah
Dimanche 25 de retour en Cisjordanie, Abou Mazen, a été accueilli en héros. A la Mouquattaa, siège de la direction palestinienne à Ramallah. Il s’est rendu en premier lieu au tombeau de Yasser Arafat, leader historique du mouvement national palestinien.
S’adressant à la foule venue l’accueillir, Mahmoud Abbas a lancé: “On dit qu’il y a un printemps arabe. Mais il y a aussi un printemps palestinien ici, même un printemps du peuple et une résistance pacifique jusqu’à ce que notre but soit atteint”.
Il a poursuivi: “Nous sommes allés à l’ONU portant vos espoirs, vos rêves, vos souffrances, votre vision et votre désir pour un Etat palestinien indépendant”.
L’éditorialiste du quotidien palestinien “al-Qods” a commenté cette démarche disant “Le retour de Mahmoud Abbas dans sa patrie est le retour d’un héros, un retour qui pourrait remuer les eaux stagnantes du Proche-Orient”.
Seule ombre au chapitre: la froide réaction du Hamas qui refuse de reconnaître Israël. Pour Ismaïl Hanniyé, Premier ministre du mouvement islamiste dans la bande de Gaza, “les Palestiniens ne devraient pas quémander un Etat, la libération de toute la terre palestinienne constitue un préalable”.
Par la suite, amadouant sa position, le Hamas a appelé à un “dialogue” interpalestinien afin de définir une stratégie commune sur l’établissement d’un Etat de Palestine et de la mise en œuvre de l’accord de réconciliation avec le Fateh.

Américains et israéliens
Mais il serait naïf de croire que les jeux sont faits et la Palestine n’est pas prête de décrocher son siège de 194ème Etat membre de l’ONU.
La réponse du président américain, Barack Obama, à cette demande, était bien claire. “Je suis convaincu qu’il n’existe pas de raccourci vers la fin d’un conflit qui persiste depuis des décennies”, a-t-il dit, ajoutant: “La paix ne viendra pas de déclarations et de résolutions à l’ONU”.
Par ailleurs, il est connu que les Américains opposeront leur droit de veto au sein du Conseil de sécurité pour barrer le chemin à cette requête.
Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien qui a succédé à Abbas à la tribune, a pour sa part, clairement affirmé que seules “des négociations directes” pouvaient aboutir à la paix.
“Je tends la main au peuple palestinien, a affirmé le dirigeant israélien. La vérité est qu’Israël veut la paix, la vérité est que je veux la paix, mais nous ne pouvons parvenir à la paix par des résolutions de l’ONU”. Il a, aussi, réaffirmé que les Palestiniens devraient reconnaître Israël en tant qu’Etat juif, ce que ces derniers refusent, considérant que cela compromettrait les droits des réfugiés palestiniens.
Netanyahu a proposé une relance immédiate, au siège de l’ONU, des négociations de paix directes entre Israéliens et Palestiniens, interrompus depuis un an. Une position appuyée par le chef de la Maison-Blanche.

Propositions du Quartette
Soucieux de prévenir un affrontement au Conseil de sécurité, le Quartette pour le Proche-Orient qui groupe les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne (UE) et l’ONU a, de son côté, proposé une rencontre entre Israéliens et Palestiniens d’ici à un mois, en vue de reprendre des négociations de paix, de parvenir à des “progrès substantiels” en six mois et à un accord dans un an. Mais cette proposition ne mentionne pas, explicitement, de gel des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
A cette initiative, Abou Mazen a répondu disant une fois de plus “qu’il ne négocierait pas avec Israël sans un gel total de la colonisation” et demande que “toute reprise de négociations soit basée sur les lignes du 4 juin 1967”.
Côté israélien, on s’est dit disposé à accepter le plan du Quartette dont le calendrier reste encore à définir. Simultanément, Avigdor Lieberman, chef de la diplomatie israélienne, a toutefois prédit de graves répercussions en cas de reconnaissance d’un Etat palestinien à l’ONU. L’Etat hébreu pourrait imposer des restrictions économiques dont a besoin la Cisjordanie ou rompre toute relation avec les Palestiniens.
Par ailleurs, dans un acte de défi, les autorités israéliennes ont donné mardi leur feu vert à la construction de 1.100 logements supplémentaires pour des colons juifs à la périphérie de Jérusalem, compliquant davantage les tentatives de relance du processus de paix israélo-palestinien et irritant la communauté internationale.

Au Conseil de sécurité
Après le dépôt historique vendredi 23 de la demande pale stinienne, le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu le lundi 26 ses premières consultations qui ont duré à peine 40 minutes. Les tractations risquent de durer des semaines et même plus, expliquent des diplomates.
“Nous espérons que le Conseil de sécurité va permettre à la Palestine de devenir membre des Nations unies”, a déclaré par la suite Riyad Mansour, l’ambassadeur palestinien à l’ONU, soulignant que 131 pays ont désormais reconnu la Palestine comme un Etat souverain. Les Palestiniens espèrent obtenir au moins neuf voix sur 15 au sein du Conseil, ce qui obligerait Washington à opposer son droit de veto.
Six membres de ce Conseil ont déjà dit qu’ils approuvaient la demande palestinienne: “La Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde, le Liban et l’Afrique du Sud. De fortes pressions vont s’exercer sur les autres membres non permanents (l’Allemagne, le Nigeria, le Gabon, la Bosnie et le Portugal) pour les inciter à voter soit pour soit contre. La Colombie a dit qu’elle s’abstiendra. La France et la Grande-Bretagne qui sont des membres permanents n’ont pas révélé leur position.
Le processus sera long et lent”…