Quand c’est (si) bon, ça mérite la mention. Le mardi 6 juin 2000 a eu lieu le jugement de projets

Le jury était présidé par messieurs, Ramez Isber, délégué du Ministère de la Culture et de l’Enseignement Supérieur ; Georges Haddad, directeur de l’ALBA ; Alain Brenas et Khalil Smeira, respectivement Doyen et directeur de l’Ecole de Cinéma et de Réalisation Audiovisuelle. Les neuf candidats sont issus d’une première sélection, effectuée par le jury académique. Le choix final revenait au jury professionnel, constitué de 26 membres, d’horizons divers (cinéma, théâtre, TV, presse…) dotés d’un regard neuf et étranger.

Les candidats présentent trois films chacun, sous la forme d’un court-métrage, une publicité et enfin un sujet libre ou un documentaire. Dans l’ordre chronologique de parution, la projection débute avec les projets de Roula Stephan, qui présente un “court”, intitulé Chou Hal Tabkha, où elle dépeint un déjeuner champêtre, théâtre d’une rencontre arrangée entre deux jeunes gens dans une ambiance de village bien de chez nous. Les personnages sont attachants (le vieillard et la femme fatale, sont hilarants) et l’ambiance légère ; rappelant par moments le fameux “Wayn Yo”, d’un autre diplômé de l’ALBA (cf. RDL 3689). La publicité SOS-Racism est un appel à la tolérance. Quant au sujet libre : Casting… Castete, il souligne la difficulté de trouver les bons interprètes et confirme les penchants comiques de la jeune réalisatrice. Marc Karam est obnubilé par la guerre civile libanaise. Al Maabar traduit ce malaise, qu’il admet ne pas avoir encore dépassé ; mêlant parallèles entre passé et présent où l’on se perd par moments, mais démontrant un talent réel à manipuler la caméra. La pub Adidas Ozweego, impose un rythme rapide, atténué par Khoutwa, un reportage sur un sujet d’actualité : les mines antipersonnel. Pas de doute, Marc Karam est un jeune homme engagé. Sébastien Leclercq nous offre Versus, récit d’une soirée entre amis où la confrontation des personnalités tourne au drame cynique. La présentation, d’un aspect pro est très soignée et le jeu d’acteur convaincant. La pub Pioneer, ne rougirait pas d’un passage à la télévision, ce clip de 31 secondes est une sorte d’introduction à un sujet qui lui tient à cœur : les Disc-Jockey. Dont acte, le documentaire intitulé DJ’s, Artistes de l’Ombre, atteste de la passion de Sébastien pour un univers né au début des années 80 et aujourd’hui en pleine mutation. Fouillé, riche et très “tendance” chez les jeunes, ce film apporte un réel plus à ceux qui aimeraient connaître les coulisses de leurs nuits blanches. Anna-Maria Abdo, propose Ghouraf Farigha, où chaque plan est digne d’être une photo. La conjoncture d’avant guerre ajoute la touche de charme et de secrets dissimulés. Un mystérieux jeune homme retourne dans son village natal à la rencontre de sa famille. Sa mère, ignorant son identité et attirée par l’appât du gain, décide de le tuer ; sa sœur séduite par cet inconnu essaie de l’en empêcher… à moins qu’il ne soit trop tard. Des dialogues justes ; une ambiance de drame réaliste qui, sous des faux airs paisibles, profite d’un rythme dynamique où les rebondissements ne manquent pas. Plan fixe pour Swing, publicité où l’utilisation subtile de la forme de la bouteille, interprète un mouvement de danse. Kobeyat… Tarik Al Ghouzat, nous conte le rôle protecteur et symbolique des églises au Nord du Liban. Lumière naturelle maîtrisée et sérénité ambiante guident ce documentaire où les transitions auraient gagné à être moins statiques. Patrick Farra est un aventurier, Rassad, raconte la (funeste) journée de quatre jeunes gens partis à la recherche d’un livre sacré. Ne sachant s’il s’agit d’un mythe ou de réalité ils découvriront à leurs dépens, tel Icare, qu’à trop s’approcher de la vérité, on s’y brûle parfois les ailes. La proximité progressive du danger, rajoute au suspense qui rappelle les moments chocs du succès américain “The Blair Witch Project”. Ericsson’s new waterproof, est une publicité pour le cellulaire tout-terrain de la marque suédoise : détournant à l’extrême et non sans humour les fonctionnalités amphibies de ce GSM, qui existe réellement. Le style résolument baroudeur est appuyé par le documentaire, Un voyage dans les nuages, qui nous propose une virée dans les cieux. Pratique méconnue au Liban, le parapente nous invite dans des décors oniriques, pour satisfaire un vieux rêve d’homme : voler.
Luticia Attar, major de la promotion 2000, avec une note globale de 15.32, lui octroyant la mention très bien, présente Ça veut dire quoi quand c’est bleu ?, fable faussement naïve et réellement admirable sur l’amour, l’amitié et le destin. Une existence qu’ignorent plus ou moins volontairement les adultes au sujet de leurs enfants. Une jeune fille organise un dîner d’adieu entre amis, l’occasion pour ceux-ci de découvrir qu’elle est enceinte ; réactions mitigées parmi les camarades et le petit copain, qui rencontre des difficultés à assumer une telle responsabilité. Traitant un problème de société très actuel à une époque tourmentée : le passage de l’adolescence à l’âge adulte avec tout ce que cela comporte comme remises en questions, révolutions internes, déterminismes et choix décisifs. Dans ce huis-clos où règne un climat bohème, où les rêves laissent place à une réalité parfois dure à affronter, où l’espace du lieu – bien qu’étriqué – est habilement utilisé ; Luticia s’en sort à merveille sans mélo ni temps morts avec un choix de personnages hauts en couleurs. La caméra saisit ces moments intimes avec justesse et jouit d’une direction et d’un jeu d’acteurs tout en fluidité. Une sensibilité à fleur de peau pour cette charmante jeune fille de 23 ans, qui dénote une aptitude à s’impliquer totalement dans son sujet. Cette réalisatrice a fait – à juste titre – l’unanimité. Pour sa publicité Visitez votre opticien !, Luticia traite avec fantaisie un thème qui lui pose “visiblement” des problèmes : la myopie. Rires garantis. Dans la continuité de l’esprit du court, Betisia, n’est autre que le “making of” de Ça veut dire quoi… Séquences coupées, doutes, joies, angoisses – les aléas d’un tournage mouvementé. Al Fasel Al Akhir, de Ghada Abdel Sater nous plonge dans la vie, apparemment ordinaire, d’un vétérinaire qui se trouve happé par une lecture étrangement réelle. La première scène se situe dans la cuisine à l’éclairage d’un blanc immaculé et à l’hygiène irréprochable, dressant un décor de domicile quasi médical. Une histoire de meurtre par amour où le suspense – appuyé par une musique oppressante – règne. Au final, la mise en abîme renforce le cadre surréaliste, où la réalité dépasse la fiction. Promotion 2000 est une pub en forme de célébration autopromotionnelle des étudiants d’Audio-Visuel de l’ALBA. Tied up ! est un sujet très libre et très convaincant. Un homme hésite quant au choix de sa cravate ; lorsqu’enfin il se décide, on rit aux éclats en comprenant à quoi elle était destinée. Ghada Abdel Sater prouve qu’elle peut jongler avec plusieurs styles. L’influence théâtrale du père éponyme, n’est pas étrangère au milieu de troubadour qui prédomine dans Clair de Rue, de Sami Khayat Junior. Le quotidien d’une petite mendiante est transformé lorsqu’elle découvre un Pierrot qui lui offrira une nuit de rêve. Un film attendrissant sur l’enfance, dont l’innocence est quelquefois écourtée. Viagra nous atteste des bienfaits de la pilule miracle qui redresse même les barrages ! Effet de dominos pour IVNI (Insecte Volant Non-Identifié), où une petite bestiole déclenche une réaction en chaîne, produisant un effet boule de neige. Histoire d’un film, de Jihane Ghostine détaille l’anxiété d’une jeune étudiante en audiovisuel “descendue”, lors du jugement de son diplôme. Obsédée par l’idée de trouver un script convenable, elle erre dans la ville croisant des gens qui pourraient bien lui servir de figurants… L’empire du court-métrage est une publicité vantant les mérites du “court”, mettant en analogie cinéma et mode. Ados 2000, est un reportage-vérité qui en dit long sur la manière dont évolue notre société. Une quasi-étude sociologique qui vise juste, dopée par un fond musical adéquat : le fulgurant “Petit-Frère” d’IAM.

L’ALBA confirme son rôle de pépinière de talents. Eclectisme dans les goûts mais unité dans les dons ; à l’aube de leur entrée dans la vie active, ces jeunes artistes ont un bel avenir devant eux. Une chose est sûrement gagnée par tous ces apprentis réalisateurs : notre estime, désormais acquise à leur cause.

Luticia Attar félicitée par M. Ramez Isber.
Enseignants, étudiants et jury.
Les membres du jury professionnel :
Mme Hyam Aboud Chdid, Mme Najwa Abou El Hesen, Mme May Menassah, M. Nicolas Abou Samah, M. Roger Assaf, M. Abido Bacha, M. Jean Burtchell, M. Yaacoub Chédrawi, M. Pierre Dévoluy, M. Giorgio Ficarelli, M. Samir Habchi, M. Bahij Hojeij, M. Fouad Joujou, M. Saër Karam, M. Johnny Karlitch, M. Antoine Kassabian, M. Raymond Merheb, M. Roger Moukarzel, M. Marwan Najjar , M. Georges Nasser, M. Jihad Nehmé, M. Antoine Rémi, M. Alain Sauma, M. Rafic Tamba, M. Akram Zaatary, M. Walid Zeïdan.
La “Lebanese touch” au grand complet.