Le jury était présidé par messieurs, Ramez Isber,
délégué du Ministère de la Culture et de l’Enseignement
Supérieur ; Georges Haddad, directeur de l’ALBA ; Alain
Brenas et Khalil Smeira, respectivement Doyen et directeur de l’Ecole de
Cinéma et de Réalisation Audiovisuelle. Les neuf candidats
sont issus d’une première sélection, effectuée par
le jury académique. Le choix final revenait au jury professionnel,
constitué de 26 membres, d’horizons divers (cinéma, théâtre,
TV, presse…) dotés d’un regard neuf et étranger.
Les candidats présentent trois films chacun, sous la forme
d’un court-métrage, une publicité et enfin un sujet libre
ou un documentaire. Dans l’ordre chronologique de parution, la projection
débute avec les projets de Roula Stephan, qui présente
un “court”, intitulé Chou Hal Tabkha, où elle dépeint
un déjeuner champêtre, théâtre d’une rencontre
arrangée entre deux jeunes gens dans une ambiance de village
bien de chez nous. Les personnages sont attachants (le vieillard et
la femme fatale, sont hilarants) et l’ambiance légère ;
rappelant par moments le fameux “Wayn
Yo”, d’un autre diplômé de l’ALBA (cf. RDL 3689).
La publicité SOS-Racism est un appel à la tolérance.
Quant au sujet libre : Casting… Castete, il souligne la
difficulté de trouver les bons interprètes et confirme
les penchants comiques de la jeune réalisatrice. Marc Karam
est obnubilé par la guerre civile libanaise. Al Maabar
traduit ce malaise, qu’il admet ne pas avoir encore dépassé ;
mêlant parallèles entre passé et présent
où l’on se perd par moments, mais démontrant un talent
réel à manipuler la caméra. La pub Adidas Ozweego,
impose un rythme rapide, atténué par Khoutwa, un
reportage sur un sujet d’actualité : les mines antipersonnel.
Pas de doute, Marc Karam est un jeune homme engagé. Sébastien
Leclercq nous offre Versus, récit d’une soirée
entre amis où la confrontation des personnalités tourne
au drame cynique. La présentation, d’un aspect pro est très
soignée et le jeu d’acteur convaincant. La pub Pioneer,
ne rougirait pas d’un passage à la télévision,
ce clip de 31 secondes est une sorte d’introduction à un sujet
qui lui tient à cœur : les Disc-Jockey. Dont acte, le documentaire
intitulé DJ’s, Artistes de l’Ombre, atteste de la passion
de Sébastien pour un univers né au début des années
80 et aujourd’hui en pleine mutation. Fouillé, riche et très
“tendance” chez les jeunes, ce film apporte un réel plus à
ceux qui aimeraient connaître les coulisses de leurs nuits blanches.
Anna-Maria Abdo, propose Ghouraf Farigha, où chaque
plan est digne d’être une photo. La conjoncture d’avant guerre
ajoute la touche de charme et de secrets dissimulés. Un mystérieux
jeune homme retourne dans son village natal à la rencontre de
sa famille. Sa mère, ignorant son identité et attirée
par l’appât du gain, décide de le tuer ; sa sœur séduite
par cet inconnu essaie de l’en empêcher… à moins qu’il
ne soit trop tard. Des dialogues justes ; une ambiance de drame
réaliste qui, sous des faux airs paisibles, profite d’un rythme
dynamique où les rebondissements ne manquent pas. Plan fixe pour
Swing, publicité où l’utilisation subtile de la
forme de la bouteille, interprète un mouvement de danse. Kobeyat…
Tarik Al Ghouzat, nous conte le rôle protecteur et symbolique
des églises au Nord du Liban. Lumière naturelle maîtrisée
et sérénité ambiante guident ce documentaire où
les transitions auraient gagné à être moins statiques.
Patrick Farra est un aventurier, Rassad, raconte la (funeste)
journée de quatre jeunes gens partis à la recherche d’un
livre sacré. Ne sachant s’il s’agit d’un mythe ou de réalité
ils découvriront à leurs dépens, tel Icare, qu’à
trop s’approcher de la vérité, on s’y brûle parfois
les ailes. La proximité progressive du danger, rajoute au suspense
qui rappelle les moments chocs du succès américain “The
Blair Witch Project”. Ericsson’s new waterproof, est une publicité
pour le cellulaire tout-terrain de la marque suédoise :
détournant à l’extrême et non sans humour les fonctionnalités
amphibies de ce GSM, qui existe réellement. Le style résolument
baroudeur est appuyé par le documentaire, Un voyage dans les
nuages, qui nous propose une virée dans les cieux. Pratique
méconnue au Liban, le parapente nous invite dans des décors
oniriques, pour satisfaire un vieux rêve d’homme : voler.
Luticia Attar, major de la promotion 2000, avec une note globale
de 15.32, lui octroyant la mention très bien, présente
Ça veut dire quoi quand c’est bleu ?, fable faussement
naïve et réellement admirable sur l’amour, l’amitié
et le destin. Une existence qu’ignorent plus ou moins volontairement les
adultes au sujet de leurs enfants. Une jeune fille organise un dîner
d’adieu entre amis, l’occasion pour ceux-ci de découvrir qu’elle
est enceinte ; réactions mitigées parmi les camarades
et le petit copain, qui rencontre des difficultés à assumer
une telle responsabilité. Traitant un problème de société
très actuel à une époque tourmentée :
le passage de l’adolescence à l’âge adulte avec tout ce que
cela comporte comme remises en questions, révolutions internes,
déterminismes et choix décisifs. Dans ce huis-clos où
règne un climat bohème, où les rêves laissent
place à une réalité parfois dure à affronter,
où l’espace du lieu – bien qu’étriqué – est habilement
utilisé ; Luticia s’en sort à merveille sans mélo
ni temps morts avec un choix de personnages hauts en couleurs. La caméra
saisit ces moments intimes avec justesse et jouit d’une direction et d’un
jeu d’acteurs tout en fluidité. Une sensibilité à
fleur de peau pour cette charmante jeune fille de 23 ans, qui dénote
une aptitude à s’impliquer totalement dans son sujet. Cette réalisatrice
a fait – à juste titre – l’unanimité. Pour sa publicité
Visitez votre opticien !, Luticia traite avec fantaisie un
thème qui lui pose “visiblement” des problèmes : la
myopie. Rires garantis. Dans la continuité de l’esprit du court,
Betisia, n’est autre que le “making of” de Ça veut
dire quoi… Séquences coupées, doutes, joies, angoisses
– les aléas d’un tournage mouvementé. Al Fasel Al Akhir,
de Ghada Abdel Sater nous plonge dans la vie, apparemment ordinaire,
d’un vétérinaire qui se trouve happé par une lecture
étrangement réelle. La première scène se situe
dans la cuisine à l’éclairage d’un blanc immaculé
et à l’hygiène irréprochable, dressant un décor
de domicile quasi médical. Une histoire de meurtre par amour où
le suspense – appuyé par une musique oppressante – règne.
Au final, la mise en abîme renforce le cadre surréaliste,
où la réalité dépasse la fiction. Promotion
2000 est une pub en forme de célébration autopromotionnelle
des étudiants d’Audio-Visuel de l’ALBA. Tied up ! est
un sujet très libre et très convaincant. Un homme hésite
quant au choix de sa cravate ; lorsqu’enfin il se décide, on
rit aux éclats en comprenant à quoi elle était destinée.
Ghada Abdel Sater prouve qu’elle peut jongler avec plusieurs styles. L’influence
théâtrale du père éponyme, n’est pas étrangère
au milieu de troubadour qui prédomine dans Clair de Rue,
de Sami Khayat Junior. Le quotidien d’une petite mendiante est transformé
lorsqu’elle découvre un Pierrot qui lui offrira une nuit de rêve.
Un film attendrissant sur l’enfance, dont l’innocence est quelquefois écourtée.
Viagra nous atteste des bienfaits de la pilule miracle qui redresse
même les barrages ! Effet de dominos pour IVNI (Insecte Volant
Non-Identifié), où une petite bestiole déclenche
une réaction en chaîne, produisant un effet boule de neige.
Histoire d’un film, de Jihane Ghostine détaille l’anxiété
d’une jeune étudiante en audiovisuel “descendue”, lors du jugement
de son diplôme. Obsédée par l’idée de trouver
un script convenable, elle erre dans la ville croisant des gens qui pourraient
bien lui servir de figurants… L’empire du court-métrage est
une publicité vantant les mérites du “court”, mettant en
analogie cinéma et mode. Ados 2000, est un reportage-vérité
qui en dit long sur la manière dont évolue notre société.
Une quasi-étude sociologique qui vise juste, dopée par un
fond musical adéquat : le fulgurant “Petit-Frère” d’IAM.
L’ALBA confirme son rôle de pépinière de talents.
Eclectisme dans les goûts mais unité dans les dons ; à
l’aube de leur entrée dans la vie active, ces jeunes artistes ont
un bel avenir devant eux. Une chose est sûrement gagnée par
tous ces apprentis réalisateurs : notre estime, désormais
acquise à leur cause.
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