Le crime a encore frappé le Liban. Pour faucher, cette fois, en plein jour, Pierre Gemayel, ministre de l’Industrie, plongeant de nouveau le pays du Cèdre dans un deuil qui ne semble pas près de finir. Bien que le bourreau ait changé de “style, voire de méthode”. Mais, le résultat est le même: Pierre Gemayel est mort. La veille de l’Indépendance, il a rejoint le long cortège des martyrs dont le sang n’a cessé d’abreuver cette terre.
A l’heure où les tensions et dissensions internes ont atteint leur paroxysme entre l’opposition et la majorité et quelques heures avant que le draft final du tribunal à caractère international soit approuvé à l’unanimité par le Conseil de sécurité, le jeune ministre succombe tout comme son oncle Bachir, assassiné en 1982, à l’âge de 34 ans!
A qui profite le crime?
A quelques jours de la commémoration de l’assassinat de Gebrane Tuéni (le 12 décembre 2005), une autre figure du “14 mars” tombe sous les balles. L’ignoble meurtre a éclipsé toute autre actualité et soulevé une multitude d’interrogations sur le timing, les instigateurs, les commanditaires et les exécuteurs, ainsi que sur les implications politiques et sécuritaires que de tels actes criminels auront sur le pays du Cèdre en cette période critique. Des questions devenues d’autant plus urgentes, que, selon certains, les responsables libanais étaient prévenus: des assassinats se préparaient et le ministre lui-même se savait menacé. Pourquoi donc les mesures de précaution n’ont-elles pas été renforcées? A qui profite le crime?
 |
|
|
L’assassinat a suscité une vive indignation. Les partisans de cheikh Pierre Gemayel en colère brandissent son portrait. |
Que s’est-il passé en ce jour funeste? Selon les premiers éléments de l’enquête en cours, le 21 novembre 2006, vers 16 heures, à Jdeidé, tout près de l’église Saint-Antoine, non loin d’une permanence du parti Kataëb, le ministre de l’Industrie (de retour après avoir présenté des condoléances à Sainte-Rita) au volant d’une “Kia” de location non blindée, ayant à ses côtés son garde du corps, Samir Chartouni (qui a péri également), est attaqué du côté droit par deux individus en jean, le visage découvert, qui tirent sur lui à bout portant. Virant vers la gauche, il se heurte à une 4X4 qui ouvre le feu sur sa voiture usant de silencieux. Piégé, il essaie de s’échapper vers l’arrière, mais se heurte à une voiture, civile cette fois. Un de ses gardes du corps essaie de trouver refuge dans un magasin, mais on lui tire dessus. Un ouvrier est blessé. 15 secondes étaient suf-fisantes pour que l’opération surprise soit exécutée et que les criminels s’évaporent dans la nature, en toute impunité! Environ une dizaine de balles se sont logées dans la tête de la victime, transportée un quart-d’heure après à l’hôpital Saint-Joseph.
A l’annonce de la triste nouvelle et dans un élan spontané, les supporters et cadres du parti Kataëb, abasourdis, ont pris d’assaut l’hôpital Saint-Joseph et ses alentours où se trouvaient le président Amine Gemayel et une foule de leaders politiques. Coupant tout accès, la foule en colère, se pressait dans les couloirs de l’hôpital en quête d’une consolation ou peut-être d’un démenti. Lamentations, cris de consternation et insultes se mêlaient. Certains, résignés, pleuraient en silence. D’autres, trépignant de rage, criaient vengeance. Faisant fi des appels répétitifs de cheikh Amine à l’apaisement et à la retenue, la foule se déchaînait, proférant accusations, menaces et insultes à l’égard du régime syrien, du président de la République Emile Lahoud et de l’opposition, en particulier du général Michel Aoun et de sayyed Hassan Nasrallah.
A l’entrée de Bickfaya, le cercueil du ministre-martyr porté par ses compagnons.
|
|
La famille éplorée suivant le cercueil.
|
Appel au calme
du président Gemayel
Dehors, les unités de l’armée et des FSI déployées massivement pour éviter les débordements, ne parvenaient ni à calmer la masse, ni à la disperser. Impatients, les partisans attendaient que le président Amine Gemayel fasse son apparition. Peu après, le président Gemayel ayant à ses côtés, sa sœur, Sœur Arzé Gemayel, s’adresse aux partisans: “Ceux qui aiment Pierre, dit-il, doivent éviter les réactions et comportements impulsifs. Nous voulons le triomphe de la cause du Liban, de la liberté et de l’indépendance”.
Enumérant les martyrs de sa famille, il ajoute: “Pierre a lutté en faveur de la liberté du Liban; il est mort pour la cause et nous ne voulons pas que cette dernière soit entachée et souillée par des attitudes irresponsables”.
Des femmes bickfayotes exprimant leur douleur.
|
|
Le cercueil au domicile de la famille Gemayel à Bickfaya.
|
Souhaitant que la nuit soit consacrée à la prière et à la méditation quant aux moyens susceptibles de sauvegarder le Liban, le président Gemayel a refusé d’accuser qui que ce soit. Il a, par ailleurs, promis “de prendre position et de tout faire pour servir la cause de la liberté et de l’homme au Liban”. Sur ce, il est rejoint par le chef du PSP, Walid Joumblatt qui avance difficilement parmi la foule compacte. Fort ému, il présente ses condoléances à l’ancien chef de l’Etat; puis, s’adresse à son tour à la foule. “Tout comme nous avons condamné pacifiquement et démocratiquement la tentative d’assassinat de Marwan Hamadé et l’assassinat de Gebrane Tuéni, dit-il, nous agirons de même en ce jour triste.
“Le tribunal international sera cons-titué inévitablement”, ajoute-t-il, en demandant à la foule “de ne pas se laisser prendre au piège des émotions qui mèneront à la discorde interne. Comme nous avons manifesté pacifiquement ensemble, avec au premier rang Cheikh Amine Gemayel et le martyr Cheikh Pierre, nous resterons unis pour le Liban et nous vaincrons.”
Des cierges sont allumés devant le portrait du ministre-martyr, au cours d’une veillée tenue sur les lieux de l’assassinat. |
|
Pierre et Patricia Gemayel le jour de leur mariage en l’église Sainte-Catherine de Limassol le 25 septembre 1999.
|
Un peu plus tard, M. Jeffrey Feltman, ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth, arrive et tient une réunion à huis clos avec le leader druze et le président Gemayel qui a reçu un appel téléphonique de la part du président français, Jacques Chirac dénonçant l’attentat.
En ce jour funeste, l’hôpital Saint-Joseph a vu défiler une foule de personnalités accourues pour condamner le crime et exprimer leur solidarité et profonde tristesse. Ministres, députés, ambassadeurs, dignitaires religieux et membres du “14 mars” sont présents. Ainsi, suite à une réunion du camp de la majorité tenue en urgence à l’hôpital, le député Waël Abou Faour a déclaré: “Le régime de Damas n’est pas encore rassasié du sang des Libanais”, appelant “les fidèles au martyr à patienter, à s’attacher à l’union nationale, surtout à ne pas succomber à ce qui se prépare… Le but de cet assassinat est de déclencher un conflit interne.” De son côté, le député Elias Atallah de la Gauche démocratique a accusé “le régime syrien, ceux qui le couvrent et coopèrent avec lui, de l’assassinat de Pierre Gemayel.”
L’annonce de la mort de Pierre Gemayel a suscité une vague de réactions qui ont fusé de part et d’autre: le président de la République Emile Lahoud, annulant les festivités de l’indépendance, a vivement condamné l’assassinat appelant les Libanais à l’unité.
Le président de la Chambre, Nabih Berri a, pour sa part, estimé que “c’est un crime dirigé contre le Liban entier, visant à saboter tous les efforts déployés par les Libanais en vue de la paix civile et de l’unité.”
De son côté, le président du Conseil, Fouad Sanioura, tout en condamnant vivement le crime abject décrète un deuil national de trois jours et promet que “le sang du jeune ministre ne sera pas versé en vain”.
Qualifiant “d’acte terroriste”, l’attentat de Jdaïdé
La communauté internationale condamne, unanimement,
l’assassinat de Pierre Gemayel
- A New York, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a dans un communiqué, fermement condamné l’assassinat du ministre-martyr, soulignant que “les auteurs et instigateurs de ce meurtre devaient être traduits en justice”.
Il a, par ailleurs, estimé que “les actes de terrorisme de ce genre remettant en cause la stabilité du Liban, sont inacceptables et n’ont pas de place dans une société démocratique et ouverte.”
Toujours aux Etats-Unis, le président George W. Bush a exigé une enquête exhaustive, ainsi qu’une action immédiate des Nations unies. Condamnant avec force le crime abject, le président US affirme: “Nous avons de nouveau vu le visage barbare de ceux qui haïssent la liberté”, en dénonçant “les tentatives de déstabilisation menées par la Syrie et l’Iran au Liban”.
De son côté, Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat américaine, a appelé le Premier ministre Fouad Sanioura, pour lui renouveler le soutien des Etats-Unis en faveur de la démocratie libanaise et de son gouvernement.
- A Paris, le président français, Jacques Chirac a, dans un communiqué condamné “l’odieux attentat”, insistant pour que les assassins du jeune ministre soient poursuivis et punis. Le communiqué de l’Elysée a, également, réaffirmé “l’appui de l’Hexagone au pays du Cèdre”.
Pour sa part, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, qui devait représenter le président Chirac aux obsèques de Pierre Gemayel, a affirmé: “La France souhaite, plus que jamais, que le gouvernement Sanioura réussisse dans la restauration de l’Etat” (…)
- La Russie a, aussi, condamné le meurtre, dénonçant la reprise des assassinats politiques. Mikhael Kamynine, ministre des Affaires étrangères, a affirmé que: “La Russie est inquiétée par la reprise des assassinats après un calme relatif”.
- A Londres, le Premier ministre Tony Blair a, vivement, condamné le “meurtre” complètement dénué de justification du ministre de l’Industrie. “Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour protéger la démocratie”, dit-il, en réitérant l’appui de la Grande-Bretagne au Cabinet Sanioura.
La ministre des Affaires étrangères, Margaret Beckett avait auparavant tenu des propos similaires.
- A Berlin, Frank-Walter Steinmeier, ministre allemand des Affaires étrangères, a condamné avec la plus grande sévérité l’attentat, estimant que “l’assassinat de Pierre Gemayel est une nouvelle tentative de saboter le développement d’un Liban indépendant, souverain et démocratique.”
- A Rome, le Premier ministre, Romano Prodi, a condamné au cours d’une conversation téléphonique avec le Premier ministre, Fouad Sanioura, l’attentat en renouvelant “l’appui du gouvernement italien au Cabinet dans cette phase politique délicate”.
- A Madrid, le ministère des Affaires étrangères espagnol a, énergiquement, condamné l’assassinat réaffirmant “le soutien du gouvernement espagnol au gouvernement et au peuple libanais”.
- La présidence finlandaise de l’Union européenne a fortement condamné le brutal assassinat qui a coûté la vie à Pierre Gemayel, réitérant son soutien sans réserve au gouvernement légitime du Liban. La présidence a, par ailleurs, exhorté toutes les parties “à éviter toute activité qui menacerait davantage la stabilité politique du pays.”
- Au Canada, Peter Mackay, ministre des Affaires étrangères, a qualifié l’attentat “d’atteinte à l’indépendance, à la stabilité et à la démocratie du Liban”.
- L’Iran a qualifié de “lâche” le meurtre du ministre de l’Industrie.
Rappelons que l’ensemble des pays arabes en plus du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ont condamné l’assassinat, le qualifiant “d’acte terroriste”.
- Au Vatican, S.S. Benoît XVI a dénoncé “les forces obscures qui cherchent à détruire le Liban.” Condamnant avec fermeté l’attentat, le Saint-Père a invité les Libanais “à ne pas se laisser vaincre par la haine mais, au contraire, à consolider l’unité nationale” (…)
|
Rage dans la rue
Mardi soir, la douleur le disputait à la colère. En réaction à l’assassinat du ministre de l’Industrie, des partisans du parti Kataëb, du PNL et des FL ont spontanément envahi les rues. A Bickfaya, ville natale du disparu, quelque 200 militants Kataëb se sont regroupés devant le bureau du parti, brisant trois voitures appartenant à des cadres du PSNS, avec lesquelles ils ont barré la route. Dépêchées sur les lieux, les forces de l’ordre n’ont pas tardé à y rétablir l’ordre et à rouvrir la route. Elles se sont, par ailleurs, déployées en force dans la région.
A Bickfaya, le commandant en chef de l’Armée Michel Sleiman présentant ses condoléances...
|

... Le directeur des FSI,
le général Achraf Rifi...
|

... L’ambassadeur américain
Jeffrey Feltman... |
A Jbeil, des manifestants ont mis le feu à des pneus et coupé l’autoroute menant à Tripoli. Toutefois, l’incident a été vite circonscrit et des patrouilles de l’armée, secondées par la police ont été déployées.
A Achrafieh, la colère des manifestants, place Sassine, a pris pour cibles les drapeaux du CPL, les portraits du général Michel Aoun ayant été brûlés.
Les manifestants, qui scandaient des slogans anti-CPL et fustigeaient les alliances du parti orange (avec le Hezbollah), se sont dirigés vers le collège de La Sagesse où le même scénario se répète: le feu est mis aux pneus, aux drapeaux orange, ainsi qu’aux poubelles. A quelques mètres de là, peu avant Bourj al-Ghazal, des jeunes en gilets noirs, barrent la route avec des pneus enflammés. A Gemmayzé et à Saïfi, le paysage est le même.

... Le chef des FL Samir Geagea...
|

... Le ministre Marwan Hamadé...
|

Le président de l’Ordre des journalistes Melhem Karam.
|

Mgr Elias Audé. |
Au Nord, plus exactement à Kfarabida et à Koura, des manifestations similaires ont eu lieu. A Zahlé, la nouvelle du meurtre du jeune ministre est tombée comme un couperet sur la ville. Les commerces ont fermé leurs portes et les églises ont sonné le glas. Les cadres Kataëb se sont regroupés, brûlant des pneus aux portes de la ville. Certains ont tenté de couper la route de Masnaa tout près de la bifurcation de Rachaya. Mais, la Défense civile a éteint le feu, alors que l’armée et les FSI ont rouvert l’autoroute.
Sixième martyr de la “Révolution du Cèdre”
Acteur du printemps de Beyrouth, Pierre Gemayel est le 6ème martyr de la “Révolution du Cèdre”, est également le 5ème martyr d’une famille contre laquelle le malheur semble s’acharner.
Après Amine Assouad, Maya, Bachir et Manuel Gemayel, au tour de Pierre de se sacrifier pour le Liban.
Né le 24 septembre 1972, Pierre Gemayel a grandi dans une famille illustre, de grands patriotes ayant payé au prix fort son engagement pour la liberté, la souveraineté et l’indépendance du Liban.

Quelques heures avant sa mort, le ministre a déposé une couronne de fleurs
sur le monument érigé à la mémoire de son grand-père.
|
Jeune élève, il fait ses études au collège Champville, à Dik el-Mehdi; puis, à Notre-Dame de Jamhour où il effectue un bref passage avant de les poursuivre, en 1988, à Nice après que la famille eut été forcée à l’exil en raison des pressions qu’elle subissait. En 1992, il rentre au pays et regagne l’Université La Sagesse où il poursuit des études de droit. Il décroche sa licence en 1995. Marié à Patricia Daïf, de Zghorta (le 25 septembre 1999), il est père de deux garçons: Amine (5 ans) et Alexandre (3 ans). Juste après le retour de son père de l’exil, Pierre Gemayel se présente, pour la première fois, aux élections législatives au Metn-Nord en 2000. Il mène un dur combat contre une alliance formée, alors, de l’ancien chef du parti Kataëb, Mounir el-Hajj; de l’ancien ministre Michel Murr; du parti Tachnag et du PSNS. Au terme du scrutin qui s’est déroulé le 28 août, ce jeune homme de 28 ans est élu avec 35.998 voix, plaçant de nouveau sa famille sur l’échiquier de la politique libanaise.
Réélu en 2005, Pierre Gemayel, en sus de ses obligations parlementaires, s’est attelé à la réforme, à la réunification du parti Kataëb et à sa restructuration. Ses efforts ont abouti, puisque les 13 et 14 novembre 2005, un congrès a été tenu à l’hôtel Regency Palace, mettant fin aux dissensions au sein des Kataëb tout en maintenant Karim Pakradouni à la tête du parti.
Nommé ministre de l’Industrie dans le Cabinet Sanioura en juillet 2005, il était, également, président du Conseil des permanences du parti. C’est dans ce cadre, qu’il a effectué, en l’espace de deux mois, 112 réunions partisanes à Beyrouth et en province. On s’attendait à ce que le résultat de ses tournées fût annoncé au cours de la célébration du 66ème anniversaire des Kataëb le 17 décembre 2006. Une célébration à laquelle celui qui a tant œuvré, n’assistera pas. |
Bickfaya pleure son fils
S’inclinant devant la volonté des pôles du “14 mars” désireux de réserver un adieu populaire massif au jeune disparu, les funérailles de Pierre Gemayel fixées, d’abord, à mercredi ont été reportées à jeudi.
Mercredi donc, le cercueil du ministre assassiné, enveloppé du drapeau des Kataëb est ramené à Bickfaya, pour un ultime passage dans la demeure ancestrale.
Tôt dans la matinée, le cortège funèbre quitte l’hôpital Saint-Joseph à Dora et entame son ascension vers Bickfaya, fief des Gemayel.
Arrivé aux portes de la ville endeuillée, ceintes de rubans blancs, décorées de portraits géants du défunt, le corbillard, précédé par les membres de la famille, le président Gemayel, sa femme Joyce, ses enfants: Nicole et Sami en tête, de porteurs de drapeaux et des prélats, sont accueillis par des pétales de rose, du riz et des salves d’armes automatiques. Il fait une halte tout près du monument érigé à la mémoire de Pierre Gemayel, grand-père et où peu avant son assassinat, le petit-fils avait déposé une couronne de fleurs.
Descendue en masse pour rendre un dernier hommage à son preux fils, Bickfaya lui réserve une fête émouvante. Applaudissements et musique partisane se mêlent au glas. Partisans et supporters se relayent pour porter le cercueil et le faire danser. Les slogans “Bienvenue au héros” - “Pierre est vivant en nous” fusent. Parvenue à sa destination, la dépouille est déposée dans la crypte de la demeure paternelle. Elle repose encadrée par les membres de sa famille: Patricia, veuve éplorée que rien ne console et qui pleure discrètement à chaudes larmes son compagnon de route parti dans la fleur de l’âge; Nicole Mékattaf, sa sœur et compagne de lutte, entoure de ses bras le cercueil, anéantie. Mgr Boutros Gemayel, archevêque maronite de Chypre, récite la prière des morts; les chants s’élèvent. Non loin, Sami son frère; Nadim, son cousin, le président Gemayel, Solange sa tante, Joyce, sa mère meurtrie qui s’accroche à un album de photos et ne cesse de montrer du doigt son fils; sa grand-mère Margot Tyan, sa tante Sœur Arzé et tous les membres de la famille, dignes dans leur malheur, reçoivent les condoléances.
Dehors, une foule compacte se presse. Des cadres Kataëb venus des différentes régions, parents, amis, figures du monde diplomatique, religieux, politique et médiatique défilent. Deux heures pour pouvoir atteindre la famille. En tête des premiers arrivés venus exprimer leur compassion et solidarité: Ghassan Tuéni, Marwan Hamadé, May Chidiac, Michel Murr, Gisèle Khoury, Siham Gebrane Tuéni, tous victimes aussi de hideux crimes. Egalement présents: Geir Pedersen, représentant du secrétaire général de l’ONU; l’ambassadeur de France, Bernard Emié; l’ambassadeur de Grande-Bretagne; Ghassan Tuéni, Mgr Elias Audé, Michel Murr, Salim Hoss, une délégation du PSP, différents pôles du “14 mars”, les députés Ghassan Moukhaiber, Walid Khoury, Néemtallah Abi-Nasr, Farid el-Khazen, du Bloc de la Réforme et du Changement; le chef des FL Samir Geagea; Jeffrey Feltman, ambassadeur des USA…
Le président Gemayel qui a reçu en cours de journée deux appels téléphoniques du président George W. Bush, du président français Jacques Chirac, du roi Abdallah Ben Abdel-Aziz d’Arabie saoudite, du président égyptien, Hosni Moubarak, ainsi que de l’ancien vice-président syrien, Abdel-Halim Khaddam.
L’ancien chef de l’Etat a également tenu un huis clos avec l’ambassadeur Feltman, le chef des FL. Ils ont été rejoints par les députés Solange Gemayel et Georges Adwan, ainsi que d’autres membres du camp de la majorité.
Par ailleurs, en début de soirée, allumant des bougies, des partisans du parti Kataëb ont manifesté et prié à Jdeidé sur le lieu de l’attentat. Des convois ambulants ont sillonné la nuit la capitale et différentes régions. |