Dimanche 25 mai 2008 à 17 heures 30, le Liban est entré dans le mandat Michel Sleimane. Six mois après le vide à la tête de la première magistrature, le moment tant attendu est, enfin, arrivé. Si les Libanais ont toujours du mal à croire ce qui leur arrive, d’autant plus qu’il y a quelques semaines le pays était au bord de la guerre civile, il n’en demeure pas moins que le dénouement de ce premier chapitre de la crise libanaise a distillé de nouveau l’espoir que l’entente règnera, en tout cas pour un certain temps, sur le pays du Cèdre.
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Une présence officielle arabe et internationale sans précédent.
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En ce jour-là, le centre-ville s’est retrouvé, une fois de plus, bouclé par l’Armée et les FSI. Non pour maintenir l’ordre et éviter les affrontements entre des manifestants, comme lors des derniers mois, mais pour assurer la sécurité de nombreuses figures politiques et diplomatiques locales, arabes et occidentales venues assister à l’événement.
Incroyable mais vrai, le “miracle libanais” s’est produit encore une fois: les représentants des grandes puissances internationales et régionales, surtout ceux en conflit, se sont retrouvés réunis dans la mo-deste salle du parlement libanais, pour témoigner de l’élection du général Michel Sleimane. Les ministres syrien, iranien, saoudien et égyptien, l’émir du Qatar, pays parrain de l’accord de Doha, une délégation du Congrès américain, le Premier ministre turc, les mi-nistres des Affaires étrangères français, italien et espagnol étaient tous là. Sans oublier, Terje Road Larsen, émissaire onusien chargé de l’application de la 1559. Si les axes et places entourant le parlement étaient vides et déserts, les quelques passants, journalistes y compris, subissant un contrôle méthodique, une animation inhabituelle, voire une sorte d’effervescence régnait en revanche, place de l’Etoile.
Pour la première fois depuis des mois, les députés se sont réunis au parlement pour élire le nouveau président.
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Le député Michel Aoun déposant son bulletin dans l’urne.
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En effet, dès les premières heures de la matinée, journa-listes et forces de l’ordre ont squatté les lieux. Des éléments armés étaient postés sur les toits des immeubles donnant sur la place. Par ailleurs, à l’heure même où les délégations et ministres des Affaires étrangères affluaient à l’AIB, les employés du parlement mettaient les touches finales aux préparatifs, déroulaient le tapis rouge sur l’escalier menant à l’hémicycle. Le va-et-vient des journalistes et forces de l’ordre se déroulait dans une ambiance bon enfant. Sous un soleil de plomb, les caméramen ont posté leurs équipements de part et d’autre des marches du perron, dans l’attente de l’heure zéro. Aux aguets, les journa-listes dont le nombre a dépassé les six cents, étaient à l’affût du moindre détail. Certains se sont assis par terre, à l’ombre des arbres en face des escaliers du parlement, dans l’espoir de repérer un député ou une personnalité quelconque. D’autres ont préféré la salle climatisée de la bibliothèque pour noter leurs impressions en ce jour mémorable. En effet, pas mal d’entre eux couvraient pour la première fois des élections présidentielles. D’autres malmenés par les multiples reports de la séance électorale, étaient heureux de voir leur calvaire terminé. Mais à leur grand dam, ils devaient tous suivre le déroulement de la séance depuis la bibliothèque où deux écrans géants ont été installés.
Nabih Berri, chef du Législatif accueillant son homologue koweïtien Jassem al-Khourafi à l’AIB.
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Cheikh Hamad Ben Jassem Ben Jabr al-Thani, Premier ministre du Qatar.
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C’est vers 16 heures que les députés et personnalités politiques commencent à arriver.
Une minute de silence à la mémoire du député assassiné, Antoine Ghanem et des anciens députés Nadim Salem et Sobhi Yaghi; puis, Nabih Berri président de la Chambre déclare la séance ouverte. Devant 127 députés et plus de 200 invités, le secrétaire général du parlement donne lecture des articles 49 (clause I et II) 74 et 75 de la Constitution; puis, des articles 11 et 12 du règlement intérieur de la Chambre. La séance peut commencer. Mais le député Boutros Harb demande la parole et exprime ses réserves quant au processus constitutionnel suivi dans l’élection du commandant en chef de l’Armée, soulignant que l’élection d’un fonctionnaire de la première catégorie sans que l’article 49 de la Constitution soit amendé, est une violation de la Constitution.
Les deux chefs de diplomatie omanais et bahreini, Youssef Ben Alaoui Ben Abdallah et Khaled Ben Ahmad al-Khalifa à leur arrivée à l’AIB.
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Saoud el-Fayçal, chef de la diplomatie saoudienne, accueilli par Ali Hassan Khalil et Fawzi Salloukh à son arrivée à l’aéroport.
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Il est suivi par l’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini. Ce dernier propose un recours à l’article 73 pour éviter à l’avenir tout malentendu constitutionnel. Il suggère que le gouvernement se réunisse pendant une demi-heure dans une salle attenante et suspende les clauses qui entravent l’élection d’office du nouveau président. A leur tour, les députés Nayla Moawad et Georges Adwan émettent leurs réserves.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.
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Un bain de foule accueille Michel Sleimane à Fayadiyeh.
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17 heures 10: le président de la Chambre ordonne la distribution des bulletins de vote. 17 heures 14, les députés déposent leurs bulletins dans l’urne. Le vote terminé, le dépouillement commence. Jawad Boulos, le plus jeune député s’en charge. Bien que l’élection soit de pure forme, le dépouillement réserve quelques surprises. Ainsi, un bulletin est déposé au nom de l’ancien député Nassib Lahoud; un autre, au nom de Jean Obeid. Le bulletin au nom de “Rafic Hariri et des députés martyrs” provoque des applaudissements. Alors que le nom de Michel Sleimane revient, incessamment, six bulletins blancs ont été décomptés.

Le commandant en chef de l’Armée suivant
depuis son domicile à Fayadiyeh
le déroulement du scrutin.
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Le dépouillement achevé, le président Berri déclare d’une voix solennelle, que le général Michel Sleimane est élu par 118 voix. Les applaudissements fusent dans l’hémicycle et la bibliothèque où les journalistes sont parqués.
Après la lecture du procès-verbal de la séance, le président de la Chambre prie les députés de rester à leurs places, avant de sortir pour accueillir l’émir du Qatar; puis, escorter le président élu. Députés et invités en profitent pour discuter. Les caméramen aussi. Ces derniers braquent leurs objectifs sur les invités du premier rang, notamment Manoushehr Mottaki et Walid Moallem, assis côté à côte, d’une part: Saoud el-Fayçal et Ahmad Abou el-Ghait d’autre part. Séparés, uniquement, par une simple allée, la présence des représentants des pays en conflit dans la région, n’est pas sans soulever les commentaires, souvent ironiques, des journalistes. Pour certains d’entre eux, la séance se déroule en haut, sur la tribune. C’est à ce moment, que l’ancien président de la République, Emile Lahoud arrive. Il entre dans la grande salle et s’installe près de l’ancien chef de l’Etat, Amine Gemayel.
Le président élu recevant les félicitations de M. Bernard Kouchner,
ministre français des Affaires étrangères...
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... de Walid Moallem, chef de la diplomatie syrienne...
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Puis, la musique de la fanfare remplit les lieux. L’émir du Qatar arrive. Il est accueilli par M. Berri. Il passe en revue la garde républicaine, avant d’entrer dans l’hémicycle sous les applaudissements et de s’installer à gauche du président de la Chambre. Ensuite, le président élu arrive. Certains journalistes se ruent au dehors dans l’espoir de l’apercevoir. A son tour, il est accueilli par les honneurs dus à son nouveau statut. En tenue civile, il monte l’escalier du parlement, foulant le tapis rouge. Escorté par le président Berri, M. Maroun Haimari, chef du protocole présidentiel et Rafic Chélala, directeur du bureau de l’information à la présidence, il fait une entrée longuement ovationnée dans la grande salle, avant de prendre place à la droite du chef du Législatif.
… de Hoshiar Zibari, ministre irakien des Affaires étrangères...
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MM. Melhem Karam et Mohamed Baalbaki félicitant le président Sleimane.
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Nabih Berri: “Personne ne pourra transformer
le Liban en arène de mort”
S’adressant au président élu, M. Nabih Berri présente d’abord ses félicitations au général Michel Sleimane et lui souhaite la réussite dans sa mission avant de préciser: “Vous êtes élu alors que le pays traverse une période historique qui reflète l’entente, l’affection et la tolérance entre les Libanais et projette les fondements de la stabilité au Liban, à la relance de sa vie politique et de son rôle dans son entourage arabe, méditerranéen et international.
…de Michel Aoun, chef du Bloc de la réforme et du changement.
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…de M. Saad Hariri, chef du Courant du futur.
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“Je prie Dieu pour que vous parveniez à mener le navire à bon port, à consolider la paix civile, à renforcer la coexistence nationale et à faire du Liban un exemple du dialogue des cultures”, a-t-il poursuivi avant de préciser: “La séance électorale d’aujourd’hui constitue un couronnement de notre entente nationale réalisée grâce à une conviction, à un besoin, à un intérêt, à des nécessités libanaises et arabes communes que l’entente est la voie du salut du Liban. Tout cela est le résultat d’un effort arabe et régio-nal dont l’axe principal est le Qatar et son émir”.
Rappelant les sacrifices consentis par le parlement en faveur de l’indépendance et de la souveraineté du Liban, le chef du Législatif qui a souligné que cette élection coïncide avec la huitième commémoration de la libération du Liban-Sud, a saisi l’occasion pour récuser les allégations et les accusations selon lesquelles il a fermé les portes du parlement. “Je voudrais à cette occasion et pour une seule fois, assurer que ce parlement n’a jamais été kidnappé, que ses portes n’étaient pas verrouillées. J’ai toujours choisi de respecter la Constitution”.
…de M. Walid Joumblatt, chef du PSP.
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…de Mohamed Raad, chef du Bloc de fidélité à la Résistance.
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Revenant sur les incidents sécuritaires et le feuilleton des assassinats qui a fauché “hommes politiques, meneurs d’opinion, hauts officiers et civils innocents”, M. Berri a rendu hommage aux exploits des hommes de la Résistance et des soldats de l’Armée, louant leurs hauts faits “au Sud où ils ont affronté l’ennemi israélien jusqu’au Nord où ils ont combattu le terrorisme”. Poursuivant sur sa lancée, le chef du Législatif s’est arrêté sur les récentes menaces terroristes contre le Liban et la Finul renforcée: “Notre unité tout comme notre armée, sont à la base de notre immunité et personne au monde ne peut transformer le Liban en arène de mort, car le Liban ne sera qu’un jardin de vie prospère”.
Et de poursuivre: “Le parlement peut se targuer qu’en temps de crise, il est devenu symbole de dialogue où j’avais eu l’honneur d’inviter à la table ronde en mars 2006 qui a parachevé 60 % des titres qui ont été soulevés, parmi lesquels des questions complexes et épineuses, y compris le tribunal à caractère international, les relations avec la Syrie et l’organisation de la présence palestinienne. Il restait deux points à l’ordre du jour de ce dialogue: l’élection présidentielle qui vient d’être réglée. Pour ce qui est de la stratégie de défense nationale, personne mieux que vous ne saura mener ce débat afin de préserver la souveraineté et l’indépendance du Liban face aux visées et agressions israéliennes”.
M. Sleimane recevant les félicitations de Samir Geagea, chef des FL
et de son épouse Sethrida.
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Huis-clos entre Nabih Berri et Michel Sleimane.
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Soulignons, par ailleurs, que les deux questions litigieuses liées au gouvernement d’union nationale et à la loi électorale ont été finalement réglées. Le président de la Chambre a, au nom du parlement libanais, présenté ses remerciements à tous ceux qui ont contribué à résoudre la crise libanaise et se sont déplacés pour assister à l’élection présidentielle. Il a ainsi renouvelé ses remerciements notamment au Qatar, au comité ministériel arabe, au secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, au Vatican, à l’Iran, à la Turquie, à l’Union européenne, aux chefs de diplomatie italien, français, espagnol, tout comme à la Russie et aux Etats-Unis qui, dit-il “ont fini par réaliser que le Liban n’est pas le lieu adéquat pour la naissance de leur projet du nouveau Moyen-Orient”.
Le président de la Chambre entouré de Ahmad Aboul-Ghait
et Saoud el-Fayçal.
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Poignée de main entre Saoud el-Fayçal
et Walid Moallem.
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Sur le plan interne, M. Berri a tenu à remercier les Libanais de leur patience et sacrifices, ainsi que les instances relgieuses et les médias. Et de souligner: “Moi qui ai souffert, vécu l’inquiétude et subi les pressions, moi qui ai écopé des initiatives de par ma responsabilité en tant que président de la Chambre, moi qui ai enduré les accusations et les inti-midations de toutes parts, je crie aujourd’hui au monde: je veux la paix pour mon pays.”
Enfin, s’adressant aux représentants des pays arabes, il dit: “Je vous demande pardon si le Liban vous a divisés un jour, mais je suis fier qu’il vous réunisse aujourd’hui. C’est ainsi que le Liban et les Arabes seront préservés.”
Et avant de céder la parole au président élu Michel Sleimane, il lui dit: “Je vous tends la main M. le président au nom de tous mes collègues parlementaires, pour entamer l’énorme chantier qui attend le Liban allant des lois nécessaires à l’application de Paris III, en passant par la libération des fermes de Chebaa et Kfarchouba ou le déminage.”
Discours mesuré
Modéré, global, axé sur la ré-conciliation nationale, le discours d’investiture (voir texte intégral pages 24-25) a été chaleureusement applaudi. Le président qui s’est positionné à égale distance entre opposants et loyalistes, a tenté de répondre aux attentes des deux camps. Il est ainsi revenu sur toutes les questions conflictuelles, notamment la stratégie de défense nationale, les relations privilégiées entre le Liban et la Syrie sur base du respect de la souveraineté et de l’indépendance des deux pays, le respect des résultats des élections législatives, le tribunal international et l’application des résolutions de l’ONU. Le président fraîchement élu a également évoqué des dossiers toujours en suspens comme le retour des déplacés, le dossier des prisonniers et détenus, ainsi que celui des disparus. Michel Sleimane n’a pas oublié de mentionner la jeunesse, les droits des expatriés, des handicapés et la nécessité de créer une atmosphère favorable pour drainer les investissements et en conséquence réactiver l’économie.
L’ex-commandant en chef de l’Armée s’est également arrêté sur le rôle de l’Armée et les reproches faits à la troupe lors des derniers incidents, souli-gnant que l’institution militaire ne jouissait pas de couverture politique suffisante. Enfin, réa-liste, le président Sleimane a pris le soin d’éviter de faire des promesses invitant l’ensemble des hommes politiques à aborder la réalité libanaise dans ses différents domaines dans le cadre des capacités disponibles.
Le Liban est vainqueur,
la sédition est vaincue
Cheikh Hamad Ben Khalifa al-Thani, émir du Qatar, parrain de l’accord de Doha, dernier à prendre la parole, a prononcé un mot de circonstance dans lequel il a indiqué que l’accord interlibanais de Doha et le processus enclenché par l’élection du général Michel Sleimane constituent une réussite pour “l’ordre arabe”, souli-gnant par ailleurs qu’au niveau de l’accord de Doha, il y a eu un vainqueur, le Liban et un vaincu, la sédition.
L’émir du Qatar a, en premier lieu, rendu hommage à la sagesse des leaders libanais “des différentes régions et communautés qui ont réalisé que leur intérêt réside dans leur entente et qu’il n’existe aucune alternative que le consensus et l’accord entre eux permettant de garantir la sécurité, la coexistence et la paix civile de leur peuple.”
Présentant ses félicitations au président élu, l’émir du Qatar a déclaré: “Grâce à Dieu, nous avons pu surmonter une grave crise qui menaçait le Liban dans son entité en des circonstances qui ne supportent pas l’effondrement des nations”. Tout en espérant que cette crise sera la dernière, cheikh Hamad Ben Khalifa al-Thani a, par ailleurs, avancé: “Nous savons qu’il existe dans la politique libanaise une règle basée sur le principe de ni vainqueur ni vaincu. Mais nous nous permettons de souligner cette fois que ce à quoi nous avons abouti à Doha il y a quelques jours, ne peut qu’être une entorse à cette règle, incitant à la tension et distillant le sentiment que la sédition est toujours là bien qu’endormie. La formule de ni vainqueur ni vaincu semble diffé-rer les conflits au lieu de les résoudre. Elle occulte les pro-blèmes mais ne les règle pas. Cela était possible peut-être, il y a cinquante ans, en 1958 date à laquelle ce slogan a été lancé.
“A cette époque-là, il était possible de considérer qu’il n’y avait pas de vainqueur ni de vaincu, car le contexte de la nation était tout autre. Mais en raison de la situation actuelle et tenant compte des dangers qu’affronte le monde arabe, il n’est plus possible de concevoir que les conflits puissent se renouveler entre les factions de temps à autre. Nous sommes parvenus à une situation telle que le problème ne se pose plus en termes de différends entre factions, mais plutôt en des termes impliquant le sort et l’avenir des nations, a-t-il remarqué. C’est la sécurité des nations qui est désormais en jeu. Face à ce danger, il est devenu de notre devoir de trancher, d’estimer, d’agir, courageusement, en tenant compte du fait que cette crise s’est achevée par un vainqueur et un vaincu. Le vainqueur est le Liban et le vaincu est la sédition. C’est cela qui doit être clair à tout le monde, aujourd’hui, demain et pour l’éternité”.
S’adressant aux parlementaires libanais, l’émir du Qatar a dit: “C’est vous qui avez été à l’origine de ce succès à Doha. Preuve en est que vous êtes présents ici pour appliquer le plan autour duquel vous vous êtes accordés. Cette réunion aujourd’hui est le premier pas. Les autres étapes suivront, si Dieu le veut. Doha n’a fait qu’offrir un terrain de dialogue libre, loin des pressions et revendications des puissances, loin des doutes en dehors de l’intérêt du Liban et de sa sécurité. Nous pensons que cette chance de dialogue a porté ses fruits. Avant votre rencontre à Doha, plusieurs tentatives destinées à régler la crise ont été entreprises par des forces arabes et des organismes régionaux compétents. Ces derniers ont déployé des efforts louables faisant avancer la crise dans la bonne direction, de sorte qu’il ne restait que les dernières retouches que le Qatar a eu l’honneur d’apporter.
“Cependant, le grand succès est évidemment pour vous et pour le peuple du Liban, a-t-il considéré. Néanmoins, je voudrais souligner que la portée de ce succès est beaucoup plus grande et plus vaste que cela. L’ordre arabe a en effet réussi à surmonter le danger et les grands pays arabes ont réussi à réduire les obstacles en cernant la crise, la retirant du cercle de danger et la plaçant dans le cadre du dialogue.
“Nous avons été aux côtés du peuple libanais durant la période de guerre il y a deux ans, a-t-il enchaîné. Nous avons alors témoigné du courage de la Résistance lorsque cette dernière était une nécessité. Aujourd’hui, deux ans plus tard, nous avons l’occasion de retourner au Liban et de témoigner de l’audace, de la sagesse lorsque cette sagesse est devenue une nécessité. Dans les deux cas, nous sommes fiers d’avoir eu l’opportunité que vous nous avez offerte de connaître le Liban dans ces deux situations. Le Liban a été grand dans sa résistance il y a deux ans et il est grand aujourd’hui dans sa sagesse”.
Et l’émir du Qatar de clôturer son discours disant “Votre rencontre à Doha était un honneur pour le Qatar et son peuple. Vous avez fait de notre capitale un lieu de dialogue ouvert, sans conditions. Le monde arabe possède suffisamment d’institutions et d’organisations légales capables de prendre la décision politique qui s’impose. Tel est le cas de la Ligue arabe et de la conférence islamique (…)
“Que Dieu garde le Liban, qu’Il garde aussi tous les pays de la nation arabe!“
Rappelons qu’au terme de la cérémonie, le président élu, installé au salon du parlement, a reçu les félicitations des parlementaires et des invités de marque. Michel Sleimane qui a rejoint le palais présidentiel de Baabda le lendemain de son élection, s’est par ailleurs entretenu avec Manoushehr Mottaki, chef de la diplomatie iranienne. Il convient aussi de mentionner dans ce cadre, que peu de temps après le scrutin présidentiel, les chefs de diplomatie saoudien et iranien Manoushehr Mottaki et Saoud el-Fayçal ont tenu une rencontre au siège du parlement pendant plus d’une demi-heure avant de se joindre à une autre rencontre regroupant le président de la Chambre Nabih Berri et le ministre des Affaires étrangères Ahmad Aboul-Ghait et le président de la Chambre égyptien, Ahmad Fathi Srour.
En outre, à l’instant où tout le Liban acclamait spontanément le nouveau président, un dîner officiel organisé au Biel (voir pages 64-65) par le président de la Chambre en l’honneur du Qatar et du président élu Michel Sleimane a clôturé la journée, rassemblant dans une ambiance détendue les leaders politiques, les députés et hauts fonctionnaires, les dignitaires religieux, ainsi que l’émir du Qatar, les membres de la commission arabe, le chef de la Ligue arabe ainsi que les diplomates.
Les journalistes, réalistes et terre à terre
Le 5 septembre 2007, trois mois avant la fin du mandat du président Emile Lahoud le 22 novembre, M. Nabih Berri président de la Chambre, fixe la date du scrutin présidentiel à 10 heures 30 du mardi 25 septembre. Malheureusement, les multiples reports se sont enchaînés. Mais après 262 jours de vide présidentiel, le Liban a choisi son président.
Mobilisés et lassés des atermoiements politiques, à l’instar de tous leurs compatriotes, les journalistes se sont retrouvés une fois de plus cantonnés à la bibliothèque, forcés de suivre sur écran géant le déroulement de l’événement. Rappelés à l’ordre par les forces de sécurité chaque fois qu’ils tentaient de transgresser les barrières de fer derrière lesquelles ils étaient parqués ils étaient, eux aussi, sidérés par la tournure des événements, notamment le dénouement rapide de la présidentielle.
Prenant d’assaut les lieux dès les premières heures de la matinée, ils ont dû patienter jusqu’au moment où la place de l’Etoile commence à s’animer. Retrouvailles, plaisanteries, pronostics, discussions politiques et professionnelles étaient au menu des échanges. Partagés quant à la longévité de l’accord inter-libanais de Doha, ils ont reconnu la présence de nombreux problèmes encore en suspens. Alors que certains d’entre eux, terre à terre, estimaient qu’il s’agit là d’une trêve, que les problèmes resurgiront dès que le nom du Premier ministre et la formation du gouvernement d’union nationale seront mis sur le tapis, d’autres, résolument optimistes, semblaient convaincus que le Liban entame une nouvelle étape.
Prié de se prononcer sur la question, notre confrère Moustapha Assi, de la chaîne OTV a souligné que “le scrutin présidentiel est l’une des séances les plus simples et de pure forme, le déroulement étant connu d’avance.
“L’important, dit-il, s’est réalisé à Doha, alors que place de l’Etoile, on ne fait qu’entériner l’accord. Cela dit, cette séance revêt une importance particulière, du fait que les élections du président interviennent après une douloureuse gestation et un vide de six mois. Le scrutin se déroule avec un appui arabe et international sans précédent. La présence de tout ce monde en est la preuve. Personnellement, j’aurais préféré un président issu de la société civile et non de l’institution militaire. N’empêche que les circonstances ne pouvaient nous mener que là où nous en sommes”.
S’agit-il d’un accord politique viable ou d’une trêve? Assi répond: “Impossible de savoir. A vrai dire, les compromis au Liban durent une dizaine d’années, avant que la guerre reprenne. Depuis 1840, le Liban a vécu des guerres successives. Moins important que l’accord de Taëf, je pense que ce compromis devra nous servir pour les quelques années à venir”.
De son côté, Nada Andraos-Aziz, notre consœur de la LBC, a estimé qu’il s’agit là d’une trêve sur le plan sécuritaire et non politique. “D’ici deux jours, je pense que les problèmes resurgiront de nouveau avec la formation du gouvernement d’union nationale. Plus tard, on sera confronté avec la loi électorale et la campagne qui précède les élections. A mon avis, tout dépend de la situation politique interne et régionale. Avec le scénario de Doha, on n’a fait qu’ajourner les problèmes, tout comme lors de l’accord de Taëf. Je crois qu’il faut lire entre les lignes”
M. Firas Hatoum, de la NTV a, pour sa part, confié: “A Doha, à un moment donné, il y a eu un tournant décisif. En moins de 24 heures, la situation de négative, est devenue positive. Cela, évidemment, était lié à une activité régionale et internationale qui a abouti à un règlement. Pour être franc et objectif, il ne s’agit pas d’un accord en profondeur, mais d’un compromis qui permet un retour au calme dans le pays pour quelque temps. Reste à savoir si le nouveau président disposera des outils et de l’appui politique nécessaires pour gouverner”. |
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